Exercice, liberté, expression, relations, travail, cassation, 28 avril 1998
La liberté d'expression est l'un des sujets les plus polémiques de notre temps mais aussi le sujet d'inspiration de nombreux écrivains tel que Voltaire, qui affirmait que « le droit de dire et d'imprimer ce que nous pensons est le droit de tout homme libre, dont on ne saurait le priver sans exercer la tyrannie la plus odieuse ». Mais malgré le fait que la liberté d'expression ait valeur constitutionnelle, cette dernière nécessite une réaffirmation. En effet, l'attitude perpétuelle du patronat recherchant une soumission, une aliénation, accrue des salariés, pour servir sa recherche de plus de profit, de rentabilité, nous amènes à la nécessité d'une précision jurisprudentielle, relative à l'exercice de la liberté d'expression dans le cadre des relations de travail. C'est sur ce chemin que s'engage donc la chambre sociale de la Cour de cassation, dans l'arrêt dit « Clavaud », datant du 28 avril 1998, tout en traitant de la question de la nullité du licenciement relative à l'absence de cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, nous sommes face à M. Clavaud, ouvrier caoutchoutier au sein de la société Dunlop France. Lors d'une interview pour un article du quotidien « L'Humanité », ce dernier décrit ses conditions de travail. Suite à cet article publié, la société Dunlop licencie avec dispense d'exécution du préavis M. Clavaud.
L'affaire est portée devant le Conseil des Prud'hommes de Montluçon, qui par une décision du 24 novembre 1986, annule le licenciement de M. Clavaud et ordonne la poursuite du contrat de travail sur le fondement de l'article 1131 du Code civil. Un appel de cette décision a été interjeté devant la Cour d'appel de Riom, qui par un arrêt du 2 mars 1987, déclara nul le licenciement et condamna la société à poursuivre, sous astreinte, l'exécution du contrat de travail sur le fondement sur le fondement de l'article L.461 du Code du travail, protégeant le droit d'expression du travailleur dans l'entreprise. Mais la Cour d'appel de Riom a aussi condamné la société Dunlop France au versement d'une indemnité compensatrice de la perte de salaire à M. Clavaud. Un pourvoi est formé par la société Dunlop France, devant la chambre sociale de la Cour de cassation, se basant d'une part sur le fait que l'ancien article L461-1 du Code du travail qui organise un droit d'expression dans le cadre de l'entreprise, qu'il soit utilisé à l'intérieur ou à l'extérieur de la sphère du travail. D'autre part le demandeur en pouvoir affirme que les critiques publiques d'un salariés envers sont entreprise constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, sur le fondement de l'ancien article L122-14-3 du Code du travail.
La question posée à la Cour de cassation dans cette affaire était donc de savoir si l'exercice du droit d'expression par un salarié hors de l'entreprise permet t'il de justifier le fait que l'employeur sanctionne l'usage d'une telle liberté par un licenciement et s'il pouvait y avoir nullité du licenciement en dehors de toute disposition légale ?
La Cour de cassation répond par la négative et affirme que l'exercice du droit d'expression dans l'entreprise est dépourvu de sanction donc il ne pouvait en être autrement hors de l'entreprise, où il s'exerce pleinement sauf s'il ya abus, et elle affirme que l'exercice de la liberté d'expression ne pouvait alors constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. Elle rejette par conséquent le pourvoi formé par la société Dunlop France.
[...] Elle rejette par conséquent le pourvoi formé par la société Dunlop France. Il est évident que dans cet arrêt la Cour de cassation affirme que la liberté d'expression est une liberté fondamentale inaliénable du salarié, applicable même en dehors de l'entreprise et que l'atteinte à cette liberté du salarié par l'employeur est sanctionnée par une nullité du licenciement et la réintégration du salarié (II). La liberté d'expression : une liberté fondamentale inaliénable du salarié, applicable en dehors de l'entreprise La liberté d'expression est un droit fondamental, ce qui explique le fait que son exercice par le salarié dans l'entreprise est dépourvu de sanction mais la Cour de cassation procède à une extension de ce principe pour le salarié, hors de la sphère privée de l'entreprise L'exercice du droit d'expression dans l'entreprise dépourvu de sanction : Nous savons que la liberté d'expression est un droit ayant une valeur constitutionnelle, de part le fait qu'elle est garantie par le préambule même de la Constitution de 1958 mais aussi par les articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789. [...]
[...] De plus, la Cour de cassation explique la décision de la Cour d'appel dans son dernier attendu. En effet, nous pouvons y lire que « loin de faire application de ce dernier texte à une situation qu'il ne prévoit pas, la Cour d'appel n'en a fait état que pour en déduire que l'exercice du droit d'expression dans l'entreprise étant, en principe dépourvu de sanction il ne pouvait en être autrement hors de l'entreprise où il s'exerce dans toute sa plénitude ». [...]
[...] Ces textes auraient donc la fonction de définir l'exercice de cette liberté dans le cadre des relations de travail et d'en sanctionner les atteintes. Par conséquent, nous pouvons aisément dire que si le licenciement n'était pas confronté à une liberté fondamentale, il n'aurait pas été annulé et M. Clavaud n'aurait pas réintégré la société Dunlop mais aurait juste perçu des indemnités. Nous pouvons affirmer que par cet arrêt la Cour de cassation a correctement pris en compte les intérêts du salarié. [...]
[...] Le licenciement ne peut avoir de cause réelle et sérieuse comme le soulevé la société Dunlop France. Il est donc évident que la sanction de l'atteinte de cette liberté fondamentale d'expression, ayant valeur constitutionnelle, soit la nullité du licenciement et la réintégration du salarié. Mais ce n'est pas toujours le ca, en effet il existe une limite à la liberté d'expression et c'est l'abus de cette liberté, qui peut constituer un motif valable de licenciement. L'abus du droit d'expression : un motif valable de licenciement Nous savons qu'il existe une limite à la liberté d'expression. [...]
[...] En effet, il est visible que la Cour ne restreint pas la liberté utilisé par M. Clavaud au droit affirmé par l'article L416-1 du Code du travail, limité par des aménagements du législateur du fait qu'il s'exerce en entreprise. De plus, il est clair que la Cour de cassation analyse le droit d'expression de l'article L461-1 du Code du travail à la lumière de son caractère constitutionnelle. C'est d'ailleurs ce qu'affirmait M. l'avocat général Ecoutin : « La liberté d'expression n'est pas un concept à géométrie variable impliquant une protection différenciée suivant le temps, le lieu et les circonstances. [...]
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