règlement intérieur, transfert d'entreprise
A la suite d'une opération de fusion-absorption du 24 juin 1999 mais avec effet rétroactif au 1er janvier 1999, les salariés de la clinique Saint-Jean ont été transférés à la Société Sogecler en application de l'article L. 122-12 du Code du travail. Après concertation avec le comité d'entreprise, la Société Sogecler a adressé à chacun des ex-salariés de la clinique Saint-Jean un courrier en date du 15 octobre 1999 confirmant l'harmonisation des salaires et dénonçant les usages relatifs au versement de la prime de 13e mois et de diverses primes spécifiques.
Cinquante-sept de ces salariés ont saisi la juridiction prud'homale de demande en paiement d'un rappel de prime de treizième mois et d'autres primes à compter du mois de décembre 1999. La décision de la juridiction prud‘homale n‘est pas connue mais un appel est formé.
Le 27 novembre 2002, la Cour d'appel de Nancy (Chambre sociale) a estimé que le bénéfice de primes de 13e mois et de primes spécifiques résulte de dispositions du règlement intérieur de l'entreprise, et du fait que les contrats de travail des salariés faisaient expressément référence aux conditions du règlement intérieur. Par conséquent, ces conditions de rémunération favorables, dont les salariés avaient nécessairement connaissance lors de leur engagement, avaient incontestablement une nature contractuelle. La modification de ces conditions de rémunération ne pouvait être imposée par l'employeur et nécessitait l'accord exprès du salarié, lequel n'a pas été obtenu.
La question qui est posée à la Cour de cassation est donc de savoir si certains avantages pécuniaires inscrits dans le règlement intérieur de l‘entreprise, et dont les salariés avaient connaissance lors de leur engagement, ont une nature contractuelle.
La vision adoptée par la cour d'appel est refusée par la Chambre sociale, dans son arrêt du 10 mars 2004, à partir d'une double réflexion : d‘une part, « la circonstance que le contrat de travail se réfère à des dispositions du règlement intérieur prévoyant certains avantages pécuniaires, quand bien même s'agirait-il de dispositions qui ne rentrent pas dans la catégorie des informations devant y figurer, n'a pas pour effet de contractualiser ces avantages, lesquels constituent un engagement unilatéral de l'employeur » ; d‘autre part, « il résulte des énonciations des juges du fond que cet engagement unilatéral de l'employeur quant à la prime de 13e mois et à des primes spécifiques avait été régulièrement dénoncé ».
Afin de comprendre au mieux la décision de la Haute juridiction, et d‘en apprécier sa portée, nous verrons dans un premier temps la nature des clauses incorporées au règlement intérieur y dérogeant (I), puis dans un second temps nous étudierons le régime de l‘engagement unilatéral dans le cadre du transfert d‘entreprise (II).
[...] Ensuite, concernant la logique d'information, la société IBM distribue au moment de l'embauche de chaque salarié un document intitulé « IBM votre compagnie » qui résume les usages et engagements unilatéraux de l'employeur. Un des chapitres détaille les éléments constitutifs de la rémunération. À la remise du document, le salarié nouvellement recruté doit attester qu'il a pris connaissance de sa teneur. Doit-on conclure de ce « rituel », du processus employé que le salarié est censé avoir accepté les dispositions du document, et par suite, que celui-ci se soit intégré au contrat de travail. [...]
[...] c/SNC Sohito Alliance Trois Rivières). Ces engagements unilatéraux ont été incorporés au règlement intérieur, or, l'article L 122-34 du Code du travail défini limitativement le contenu du règlement intérieur, y figure : les mesures d'application de la réglementation en matière d'hygiène et de sécurité dans l'entreprise, les conditions de travail protectrices de la sécurité et de la santé des salariés, les règles générales et permanentes relatives à la discipline, les dispositions relatives aux droits de la défense des salariés, les dispositions relatives à l'abus d'autorité en matière sexuelle. [...]
[...] Cet engagement inclut bien sûr l'usage mais le dépasse dans son application. L'engagement unilatéral n'est pas caractérisé ni par "la généralité", ni par "la fixité", ni par "la constance". Il est libre c'est-à-dire aléatoire, c'est à l'employeur de décider quand et à qui il va accorder l'avantage. L'engagement unilatéral doit être appliqué en respectant les conditions qu'il prévoit. Toutefois, seule une clause précise définissant objectivement l'étendue et les limites de l'obligation souscrite par l'employeur peut constituer une condition d'application d'un engagement unilatéral de l'employeur. [...]
[...] soc juin 2000, Argillet-Barre et autres c/CAF de Seine-Saint-Denis et autres). Le fait qu'il existe dans l'entreprise d'accueil des accords collectifs ou usages ayant le même objet que les usages et engagements transférés ne remet pas en cause ces derniers. En revanche, s'il est conclu un accord d'adaptation dans l'entreprise d'accueil pour régler les problèmes du transfert, celui-ci peut mettre fin aux usages et engagements transférés. L'usage, l'engagement unilatéral ou l'accord atypique doit s'appliquer tant qu'il n'a pas été régulièrement dénoncé. [...]
[...] Ce que confirme également C. Radé qui considère « tout au moins jusqu'à preuve du contraire, que le renvoi [au règlement intérieur] n'à qu'une simple fonction d'information du salarié ». Après avoir qualifié la nature des clauses incorporées au règlement intérieur y dérogeant, et déterminer le caractère informatif la mention au contrat de travail de l'existence d'engagements unilatéraux, nous allons maintenant consacrer notre étude au régime de l'engagement unilatéral dans le cadre spécifique du transfert d'entreprise qui est le cas de notre espèce. [...]
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