Requalification d'un règlement en contrat de travail, télé réalité
« La qualification de contrat de travail implique qu‘un personnel (le salarié) accepte de fournir une prestation de travail au profit d‘une autre personne (l‘employeur) en se plaçant dans un état de subordination juridique vis-à-vis de cette dernière, moyennant une rémunération ». Au regard de cela, il semblerait que pour être constitué, le contrat de travail doive remplir plusieurs critères cumulatifs consistant en l‘accomplissement d‘une prestation de travail, le versement d‘une contre partie pécuniaire prenant la forme d‘un salaire et l‘existence d‘une subordination juridique entre l‘employeur et le salarié.
C‘est sur la question de la requalification d‘un règlement en contrat de travail que la Cour d'appel de Paris a eu à se prononcer au travers de trois arrêts du 12 février 2008.
Une jeune femme avait accepté de participer à une émission de télé réalité intitulée « l‘île de la tentation » en signant un règlement dit de « participation ». Ce dernier énonce le concept de ce jeu télévisé en le définissant de la manière suivante « quatre couples non mariés, non pacsés, sans enfants, testent leurs sentiments mutuels lors d‘un séjour d‘une durée de douze jours sur une île exotique, séjour pendant lequel ils sont filmés dans leur quotidien,, notamment pendant les activités (…) qu‘ils partagent avec des célibataires de sexe opposé (…) à l‘issue de ce jeu, les participants font le point sur leurs sentiments envers leur partenaire (…) il n‘y a ni gagnant ni prix ». Ayant signé le règlement édicté par la société de production, la participante s‘était alors expressément engagée à être filmée jour et nuit et à autoriser à la société toute utilisation ou exploitation de son image pendant une durée de cinq ans. En retour, la société prenait en charge le paiement des billets d‘avion, les frais occasionnés par et pendant la durée du séjour. Cette dernière s‘engageait également à verser la somme de 1525 euros à l‘intéressée en guise de « garantie non remboursable », dans les huit jours suivant la fin du tournage.
La candidate, considérant avoir en réalité exécuté un travail subordonné et rémunéré, décide de saisir le conseil des prud‘hommes afin d‘obtenir la requalification du règlement litigieux en contrat de travail à durée indéterminée.
Suite à un jugement rendu par la juridiction prud‘homale de Paris le 30 novembre 2005 considérant que la relation nouée entre la société de production et la candidate devait être requalifiée en relation de travail, la société de production décide d‘interjeter appel. Cette dernière soutient alors que le concept de l‘émission n‘avait qu‘un but divertissant et exclusif de tout travail manuel, artistique ou intellectuel, n‘incluant alors aucune prestation de travail ; qu‘aucun lien de subordination ne pouvait être démontré et qu‘aucune rémunération n‘avait été versée à la défenderesse.
La dénomination que les parties donnent souverainement à leur convention exclue-t-elle toute possibilité de requalification en contrat de travail ? En ce sens, un contrat de télé-réalité peut il constituer un contrat de travail ?
La Cour d'appel ne retient pas les arguments invoqués par la société, elle confirme ainsi le jugement rendu par le conseil des prud‘hommes en rappelant que l‘existence d‘un contrat de travail ne dépend pas de la dénomination donnée par les parties à leur convention. En l‘espèce, elle requalifie le règlement dit de « participation » en contrat de travail à durée indéterminée. A l‘appui de cette décision, elle invoque l‘existence d‘un lien de subordination au regard des dispositions contractuelles et des conditions de travail, d‘une rémunération faisant guise de salaire et d‘une prestation de travail. Elle condamne ainsi la société de production à verser de indemnités à chacun des candidats pour travail dissimulé, rupture abusive et procédure de licenciement irrégulière.
Par cette décision, la Cour d'appel de Paris confirme la possibilité de requalifier une convention conclue entre les parties en contrat de travail, à condition que certains critères soient réunis (I), une telle décision n‘est pas sans incidence pour la société de production et les producteurs d‘émission de télé réalité en général (II).
[...] Suite à un jugement rendu par la juridiction prud'homale de Paris le 30 novembre 2005 considérant que la relation nouée entre la société de production et la candidate devait être requalifiée en relation de travail, la société de production décide d'interjeter appel. Cette dernière soutient alors que le concept de l'émission n'avait qu'un but divertissant et exclusif de tout travail manuel, artistique ou intellectuel, n'incluant alors aucune prestation de travail ; qu'aucun lien de subordination ne pouvait être démontré et qu'aucune rémunération n'avait été versée à la défenderesse. La dénomination que les parties donnent souverainement à leur convention exclue-t-elle toute possibilité de requalification en contrat de travail ? [...]
[...] De plus, que penser de la réaction des téléspectateurs face à une telle décision ? En ce sens, la société condamnée met en avant le fait que les téléspectateurs n'aimeraient sûrement pas apprendre que les participants aux émissions de télé réalité sont en fait des salariés. En effet, il paraîtrait alors difficile d'affirmer que les candidats sont filmés dans la réalité. Ce type d'émission perdrait alors toute crédibilité, laissant planer un doute quant à l'existence, réelle ou non, d'un scénario auquel doivent se plier les candidats. [...]
[...] C'est alors à bon droit que la Cour d'appel déclare que « l'exécution d'un travail subordonné ( ) est donc caractérisé tant par les dispositions contractuelles que les conditions de travail dans un site clos et sous la direction de l'équipe de tournage ». Si deux des trois critères constitutifs d'une relation de travail ne semblent pas donner lieu à débat, celui de la prestation de travail parait en revanche plus discutable ; les arguments de la Cour d'appel n'étant pas tous parfaitement convaincants. [...]
[...] Pour la Cour d'appel cela suffisait pour que soit consituée l'existence d'un salaire versé en contrepartie du travail fourni. A cet égard, les juges d'appel ont relevé que la cause du versement de la somme de 1525 euros était le travail subordonné qui a été exécuté. Cette somme ne constituant alors pas le « minimum garanti » prévu par le règlement dès lors qu'un montant précis avait été définit par avance et versé en une seule fois à l'issue du tournage. [...]
[...] La Cour d'appel reconnaissant alors l'existence d'une prestation de travail en vient à faire une application stricte des critères du contrat de travail ; application qui n'est pas sans conséquences dans l'immédiat et pour l'avenir (II). II – Répercussions d'une application stricte des critères du contrat de travail Suite à cette décision, la société se voit condamnée au versement de diverses indemnités pour travail dissimulé, rupture abusive et non respect de la procédure de licenciement La Cour d'appel ouvre ainsi la porte à ce que d'autres candidats de télé réalité entament eux aussi une action en justice aux fins des mêmes revendications A – Une condamnation à trois niveaux Quant à la mise en place du contrat de travail : L'article L.1242-12 du code du travail (ancien article L.122-1-1) dispose que « le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition de son motif. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture