droit du travail, 30 mars1999, ALEFPA
Il semble que le juge judiciaire puisse prononcer la nullité de la procédure de licenciement économique et donc de ce fait du plan de sauvegarde de l'emploi si ce dernier ne répond pas aux exigences légales posées par l'article L1235-10 du code du travail. Traditionnellement, il appartient au comité d'entreprise ou encore aux syndicats de se pourvoir devant le Tribunal de grande instance afin de faire constater les irrégularités de ce plan et d'en tirer les conséquences, cependant il semble que l'action soit désormais ouverte aux salariés, comme en démontre l'arrêt Alefpa contre Berthelin et autres, de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 30 mars 1999.
Dans cette affaire, une association a décidé, au mois d'octobre 1995, la fermeture d'un de ces centres situé à Sens, en raison de difficultés financières. Elle a engagé une procédure de licenciements collectifs pour motif économique conduisant à la notification, le 30 avril 1996, de leurs licenciements à 6 salariés. Suite à cela, le comité d'entreprise de cette association décide de saisir le président du tribunal de grande instance de Sens, statuant en référé, « d'une demande tendant à la reprise de la procédure de licenciement pour violation des dispositions des articles L321-4, L321-4-1 et L321-7 du code du travail ». Le président, le 6 juin 1996, déboutera, par une ordonnance, le comité de ses demandes au motif que le référé ne serait pas justifié. Les salariés licenciés se saisissent alors de l'affaire et se présentent devant la formation du référé du conseil de prud'homme. Celui déclare l'action engagée par les salariés recevable et ordonne la réintégration de ces derniers dans leurs emplois.
L'association fera grief à l'arrêt du 15 janvier 1997 de la Cour d'Appel de Paris. En effet celle-ci considère que la demande des six salariés est recevable et va confirmer le jugement ordonnant la réintégration des salariés, aux conditions antérieures et dans des postes équivalents sous astreinte. L'arrêt condamnera également l'employeur « à verser à chacun des salariés une somme à titre de dommages et intérêts »
L'association décide alors de former un pouvoir en cassation, selon un premier moyen, que nous n'étudierons pas ici, et selon un second moyen au motif qu'il « appartient au comité d'entreprise chargé de défendre les droits collectifs des salariés d'agir en justice devant le tribunal de grande instance pour faire constater que le plan social qui lui a été soumis ne correspond pas aux prescriptions légales ». L'Alefpa conteste la décision du conseil des prud'hommes dans la mesure où elle considère que celui-ci ne peut décider d'annuler le plan social pour insuffisance des mesures de reclassement lorsqu'il est saisi d'un recours individuel de certains salariés ayant fait l'objet d'un licenciement pour motif économique, alors même que le juge, statuant en référé, n'avait pas permis le prononcé de la nullité de ce plan à la demande du comité d'entreprise. De plus la société soutient que « la carence du plan social n'entraîne que la nullité de la procédure de licenciement collectif pour motif économique ; qu'elle n'affecte pas la validité des licenciements notifiés aux salariés antérieurement à son prononcé ; qu'en conséquence, les salariés qui dénoncent la carence du plan social en raison de l'insuffisance des mesures de reclassement ne peuvent prétendre, lorsque la nullité du plan social est prononcée, qu'à des dommages et intérêts et non au maintien de leur contrat de travail ».
Il s'agissait ici en réalité de savoir si les salariés licenciés pour un motif économique disposent d'un droit propre à faire valoir la nullité de leurs licenciements du fait de la nullité même du plan social?
La Cour de Cassation va rejeter le pourvoi formé par l'association. En effet la Cour régulatrice va considérer que les salariés disposent effectivement d'un droit propre à faire valoir que leur licenciement est nul au regard des dispositions de l'article L321-4-1 du code de travail. La Cour ajoute que la « nullité qui affecte le plan social s'étend à tous les actes subséquents et en particulier, les licenciements prononcés par l'employeur qui constituent la suite et la conséquence de la procédure de licenciement collectif [...] sont eux-mêmes nuls ». Ayant constaté que le plan social était manifestement insuffisant la Cour d'Appel a, à bon droit, déduit que la procédure de licenciement collectif était nulle.
Il apparaît clairement dans cet arrêt que les salariés peuvent demander leur réintégration dans l'entreprise du fait de la constatation de la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi auquel ont fait suite ces ruptures de contrat (I). Cependant cette conception peut se confronter à différentes limites (II).
[...] Ainsi l'employeur pourra mettre en place un plan social dans les règles. Il pourra ensuite procéder à des licenciements collectifs si cela s'avère nécessaire pour la survie de son entreprise ou encore de sa compétitivité. Dans ce cas là les salariés licenciés ne disposeront d'aucun droit, ni collectif, ne de droit propre, pour saisir les juridictions nationales de la nullité de leurs licenciements. Le droit propre des salariés à se pourvoir devant une Cour pour contester leurs licenciements semble donc ici rencontrer une limite : la mise en conformité du plan social, mis en place par l'employeur, avec les conditions légales exigées par le code du travail. [...]
[...] Cette disposition fut modifiée par la loi du 18 janvier 2005 et est devenu l'article L1235-11 du code du travail. Selon cette nouvelle disposition lorsque la procédure de licenciement est nulle, notamment du fait de la nullité du plan de sauvegarde, le tribunal peut prononcer la nullité du licenciement et ordonner, à la demande du salarié, la poursuite de son contrat de travail, sauf si la réintégration est impossible [ ] Selon cet article nouveau, qui reprend l'idée générale de la réintégration, les juges étaient fondés à ordonner la réintégration des salariés dans leurs emplois du fait de la nullité de leur licenciement. [...]
[...] Il apparaît donc que la jurisprudence est évoluée dans un sens plutôt favorable aux salariés. Cependant il est certain que cela aura des limites dans sa mise en place ainsi que de fortes conséquences. II. La jurisprudence Alefpa contrariée. Les juges ont donc, dans cette jurisprudence, permis aux salariés de faire constater par eux même la nullité de leur licenciement du fait d'irrégularité du plan social. Les juges peuvent donc ordonner la réintégration des salariés dans leurs emplois, cependant il semble que si l'employeur reprend un plan de sauvegarde de l'emploi en conformité avec les conditions légales, il puisse à nouveau procéder à des licenciements De plus la possibilité de saisir le juge par les salariés est limitée aux seuls salariés déjà licenciés A. [...]
[...] Selon ce principe jamais remis en cause, comme le démontre notre arrêt, l'irrégularité, de fond ou de forme, du plan social va entraîner la nullité de la procédure de licenciement engagé à sa suite. Ainsi il semble que les licenciements eux- mêmes seront nuls. Cela entraînera dans l'arrêt du 30 mars 1999 une réintégration des salariés licenciés à un poste équivalents à celui détenus antérieurement aux licenciements. Il apparaît dans l'arrêt Alefpa que la Cour ait relevé que le plan de sauvegarde de l'emploi soit manifestement insuffisant au regard des dispositions de l'ancien article L321-4-1, entraînant ainsi la nullité de la procédure de licenciement. [...]
[...] Les salariés, voyant leurs licenciements approchés ne pourront nullement agir en justice alors même que le plan social mis en place par l'entreprise et irrégulier. Ils n'ont pas de recours a priori et ne pourront agir qu'une fois leur situation précaire. [...]
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