Commentaire d'arrêt, Chambre sociale, Cour de cassation, 15 mai 2008, report des congés payés, circonstances exceptionnelles, cause réelle et sérieuse
Le principe des congés payés a été instauré par la loi du 20 juin 1936. En pratique, le salarié propose des dates à son employeur, ce dernier étant libre ou non de les lui accorder. L'employeur doit respecter un délai de prévenance de deux mois. Seules des circonstances exceptionnelles peuvent déroger à ce délai et permettre une modification des dates de départ en congés payés moins d'un mois avant ledit départ.
Un salarié a été licencié pour avoir refusé de reporter la date de son départ en congés payés, l'employeur invoquant des circonstances exceptionnelles. En effet, ce dernier faisait valoir la nécessité de remplacer de façon anticipée un salarié décédé. Le salarié, licencié pour faute grave, considère que ce licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Le salarié, à la suite de son licenciement, saisit la juridiction prud'homale en vue de diverses demandes. La Cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans son arrêt du 6 juin 2006, confirme le licenciement opéré par l'employeur en considérant qu'il repose sur une cause réelle et sérieuse, qui est son refus de reporter ses congés payés en présence de circonstances exceptionnelles. Le salarié se pourvoit en cassation, dont la Chambre sociale statuera le 15 mai 2008.
[...] Ainsi, la Cour de cassation qualifie de circonstance exceptionnelle la mort d'un salarié. De ce fait, nous allons voir les conséquences que le salarié encourt en cas de refus de changement. II. Les dates de congés payés pouvant être modifiées du seul fait de circonstances exceptionnelles: Nous verrons ce que le salarié encourt en cas de refus de modifier la date de ses congés payés alors que l'employeur invoque des circonstances exceptionnelles. Puis, nous verrons que par l'impossibilité de refuser ce changement, le salarié se doit d'agir dans l'intérêt de son employeur s'il ne veut pas être licencié. [...]
[...] En l'espèce, la Cour de cassation confirme le licenciement du salarié. De plus, le Conseil d'Etat a estimé que, dans un arrêt rendu le 11 février 1991, de graves difficultés financières pouvaient constituer une circonstance exceptionnelle autorisant l'employeur à reporter les congés payés de ses salariés. En l'espèce, dans le cadre d'un plan d'apurement du passif d'une entreprise étant financièrement en difficulté, une salariée avait refusé de reporter ses congés payés, et s'était faite à bon droit licenciée pour faute grave. [...]
[...] Cet arrêt s'inscrit dans une jurisprudence constance puisque la Cour de cassation a déjà estimé, un an plus tôt, qu'un refus de modification de dates de congés payés était constitutif d'une faute grave. En effet, dans un arrêt du 16 mai 2007, un cadre avait refusé de reporter ses congés payés à la demande insistante de son employeur, et ce afin d'effectuer un travail sur un chantier. Le salarié cadre était donc parti en congé et s'était fait par la suite licencié pour faute grave. [...]
[...] On peut néanmoins en déduire, selon la jurisprudence actuelle, que c'est un fait ponctuel ayant un rapport avec l'activité professionnelle en question. L'appréciation du caractère exceptionnel dépend donc des circonstances liées à l'espèce. Plusieurs arrêts ont ainsi caractérisé des circonstances comme exceptionnelles. Par exemple, dans un arrêt du 16 mai 2007, la chambre sociale de la Cour de cassation considère que des travaux d'implantation d'un chantier ayant pris du retard constituaient une circonstance exceptionnelle autorisant l'employeur à demander à son salarié de reporter ses congés payés. [...]
[...] La qualification de circonstance exceptionnelle laissée à la libre appréciation des juges: On peut constater, dans le présent arrêt, que la Cour de cassation cite l'ancien article L122-14-3 (L1235-1) du Code du travail, qui dispose “En cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ( . )”. Ainsi, la chambre sociale rappelle ici que c'est au juge d'analyser les éléments de fait afin d'en déduire leur véracité. En l'espèce, la Cour d'appel a jugé à bon droit que le décès d'un salarié constituait une circonstance exceptionnelle de nature à permettre un report des congés payés. Cependant, on peut noter que le travail du juge du fond quant à l'analyse des faits est indispensable pour qualifier une circonstance d'exceptionnelle. [...]
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