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La qualification d'un contrat en contrat de travail a toujours suscité un contentieux important malgré le principe dit de réalité. En principe, la jurisprudence admet favorablement l'existence d'une relation de travail salariée en application de la législation du travail. Le salarié est celui qui accomplit un travail pour un employeur dans un lien de subordination, celui-ci étant caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Mais la jurisprudence a cependant admis antérieurement que l'engagement religieux était exclusif d'une relation de travail, sa finalité spirituelle étant étrangère au contrat de travail. Toutefois, cette exclusion n'est pas absolue, admettant l'existence d'un contrat de travail sous conditions, comme l'énonce l'arrêt en l'espèce.
Mme X est entrée en septembre 1996 à Perpignan dans la communauté de la Croix glorieuse, association privée de fidèles constituée suivant des statuts approuvés par l'évêque de Perpignan. Une association de la loi de 1901 a été créée sous le nom d'association La Croix glorieuse afin de constituer l'entité civile et juridique de la communauté. En septembre 1997, rejoignant le siège social à Toulouse, Mme X a pris l'habit religieux et a reçu le nom de soeur Marie Y. Mme X a demandé le 13 septembre 1998 à s'engager pour trois années en tant que moniale au sein de la communauté puis, le 30 mai 2001, à s'engager définitivement en tant que moniale apostolique. Le 15 septembre 2001, elle a déclaré faire pour toujours entre les mains du « berger de la communauté » les voeux de pauvreté, chasteté et obéissance dans la condition de moniale de la communauté de la Croix glorieuse, s'engageant à observer fidèlement ses statuts. Ces trois engagements, constituant des voeux privés au regard du droit canon, ont été contresignés par l'Evêque de Perpignan. Le 18 novembre 2002, Mme X a quitté la communauté et a saisi la juridiction prud'homale afin qu'il soit jugé qu'elle était dans une relation de travail salariée avec l'association La Croix glorieuse et que cette dernière soit condamnée à lui payer certaines sommes à titre de rappel de salaires ainsi qu'en conséquence de la rupture imputable à l'employeur.
Par un arrêt du 19 octobre 2007, la Cour d'Appel de Toulouse avait considéré que Mme X n'était pas liée par un contrat de travail à l'association la Croix glorieuse et l'avait déboutée de ses demandes au motif que ses engagements explicites dans la condition de moniale établissaient de façon non équivoque qu'elle s'était intégrée au sein de la communauté ayant, pour l'église catholique, le statut d'une association privée de fidèles, et de l'association de la loi de 1901 La Croix glorieuse, « non pas pour y percevoir une rémunération au titre d'un contrat de travail, mais pour y vivre sa foi dans le cadre d'un engagement de nature religieuse », qu'elle s'est dès lors soumise aux règles de la vie communautaire et que « les conditions dans lesquelles les tâches définies par les responsables de la communauté ont été accomplies sont exclusives de l'existence de tout contrat de travail ». Mme X a donc formé un pourvoi en cassation.
Une religieuse en qualité de moniale entrée dans une association de la loi de 1901 tenue par des engagements religieux peut-elle revendiquer l'activité de salarié ?
La chambre sociale par un arrêt du 20 Janvier 2010 casse et annule, au visa de l'article L. 1221-1 du Code du travail, l'arrêt de la Cour d'Appel statuant que « l'existence d'une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ». Aussi, « l'engagement religieux d'une personne n'est susceptible d'exclure l'existence d'un contrat de travail que pour les activités qu'elle accomplit pour le compte et au bénéfice d'une congrégation ou d'une association cultuelle légalement établie ». La chambre sociale en déduit donc qu'« en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que l'association La Croix glorieuse n'était ni une association cultuelle, ni une congrégation légalement établie, et qu'il lui appartenait de rechercher si les critères d'un contrat de travail étaient réunis, la cour d'appel a violé le texte susvisé»
Dans cette optique, la Cour de Cassation établit l'existence d'une relation de travail salariée. Or, il demeure l'exclusion de l'existence d'un contrat de travail entre religieuse et sa congrégation ou association cultuelle légalement établie (I) atténuée par les limites à cette exclusion de l'existence d'une relation de travail salariée (II).
[...] Ce lien de subordination peut aussi être établi selon plusieurs indices. En effet, le juge va se baser sur les faisceaux d'indices, à partir du principe de réalité, comme les horaires fixés (Soc 7 Décembre 1983), les ordres et contrôles d'exécution (Soc 13 Novembre 1996), obligation sous peine de sanction (Soc 23 Janvier 1997), consignes et directives (Soc 15 Mars 2006), pouvoir disciplinaire (Soc 1er Juillet 1997), subordination économique (Soc 19 Décembre 2000). Ensuite, il faut une contrepartie de la prestation de travail, qui peut s'apparenter à des honoraires (Assemblée Plénière 4 Mars 1983), forfait mensuel plus les charges sociales (Soc 15 Mars 2006), Enfin, il faut une prestation de travail, qui doit être personnelle, volontaire, réelle, à finalité matérielle ou économique. [...]
[...] B Exclusion pour les activités accomplies pour le compte ou au bénéfice de ce cadre La Cour d'Appel faisait suite à l'arrêt Soc 9 Mai 2001 Emmaüs excluant le contrat de travail en cas de travail organisé dans le contexte d'une vie en communauté. La Cour de Cassation n'a pas retenu cette position. La Cour de Cassation affirme en l'espèce que «l'engagement religieux d'une personne n'est susceptible d'exclure l'existence d'un contrat de travail que pour les activités qu'elle accomplit pour le compte et au bénéfice d'une congrégation ou d'une association cultuelle légalement établie» au visa de l'article 1221-1 du code du travail. [...]
[...] Les engagements des fidèles même contresignés par un Evêque restaient des vœux privés. La requérante exerçait diverses tâches au sein de cette communauté et donc cette association simple n'avait pas pour objet exclusif l'exercice d'un culte. Par conséquent, cette association classique n'était ni une congrégation, ni une association cultuelle puisqu'elle ne répondait pas à leurs conditions spécifiques prévues par leurs textes. Cette affirmation de la Cour de Cassation n'est pas nouvelle puisqu'elle s'était déjà prononcée à ce sujet dans plusieurs arrêts, Assemblée Plénière 8 Janvier 1993 s'agissant d'une religieuse qui n'avait exercé son activité que pour le compte et au bénéfice de sa congrégation Soc 20 Novembre 1986 où il y a existence d'un contrat de travail que si la mission du fidèle au sein de l'association est autre que cultuelle ou encore Soc 12 Juillet 2005 s'agissant d'un pasteur exerçant ses fonctions auprès d'une association cultuelle légalement établie, arrêts découlant sur l'exclusion de l'existence du contrat de travail. [...]
[...] En l'espèce, la rédaction de l'arrêt est différente. En effet, la Cour apporte expressément une nuance puisqu'elle considère que l'engagement religieux est seulement susceptible d'exclure l'existence d'un contrat de travail lorsque son activité est exercée au profit d'une congrégation ou d'une association cultuelle. On peut interpréter cette solution comme une voie à la reconnaissance de l'existence d'une relation salariée entre un religieux et sa communauté mais cela reste à voir dans sa portée, importante quant à ce terme susceptible Il faudrait qu'un lien de subordination soit établi, comme une directive ou un ordre de direction. [...]
[...] La Cour de Cassation ayant retenu en l'espèce l'existence d'un contrat de travail, cette exclusion ne peut concerner les personnes employées (comme la requérante) par une congrégation ou une association cultuelle. Ce qui fait que cette exclusion de l'existence du contrat de travail pour les activités accomplies pour le compte ou au bénéfice de ce cadre comporte des limites. II Les limites à l'exclusion de l'existence d'une relation de travail salariée Rappelant l'exclusion de l'existence d'un contrat de travail entre religieuse et sa congrégation ou association cultuelle légalement établie, la Cour admet toutefois l'existence d'un contrat de travail. [...]
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