CJCE arrêt du 11 décembre 2007 Viking Line - la liberté d'établissement - le droit de grève - la négociation collective - droit fondamental - action collective - applicabilité directe horizontale
Afin de remettre le cas « Viking » dans son contexte, il convient de préciser que c'est la Cour d'Appel de Londres qui, en novembre 2005, porte cette affaire devant la Cour de Justice des communautés européennes (CJCE). La CJCE devait donc se prononcer sur la portée de l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne (traité CE) qui dispose principalement que: « les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. ». Subsidiairement, la CJCE devait aussi s'interroger sur la question de l'influence du droit économique sur le droit social européen.
I) Les faits :
En l'espèce, Viking est une société finlandaise qui exploite des lignes de ferries entre la Finlande et l'Estonie. Elle est propriétaire d'un ferry, le Rosella, naviguant sous pavillon finlandais. L'action en justice a commencé lorsque la société a souhaité immatriculer son navire en Estonie, avec un équipage de marins estoniens au salaire moins élevé, ce qui aurait eu pour effet de la dispenser d'appliquer la législation sociale finlandaise et l'aurait autorisée à négocier une nouvelle convention collective, moins avantageuse pour ses salariés. Viking se placerait alors dans une position privilégiée pour pouvoir concurrencer d'autres ferries sur la même liaison maritime.
Conformément au droit finlandais, la société a fait part de son projet de délocalisation à l'équipage et au syndicat FSU (Finnish Seamen's Union). FSU a fait part de sa ferme opposition en menaçant la compagnie de grèves et de boycotts si la compagnie devait déménager sans maintenir les salaires prévus par le droit finlandais. Elle a notamment demandé à la fédération syndicale des transports (ITF) d'inviter les autres syndicats affiliés à s'abstenir de négocier une nouvelle convention collective avec la société Viking. La contestation syndicale a ainsi pris une dimension internationale.
Malgré la grève déclenchée par le FSU, la compagnie n'a pas entendu céder sur son projet de délocalisation. Le FSU a donc revendiqué le respect du droit finlandais afin de maintenir les niveaux de salaires que la compagnie pratiquait jusqu'alors en dépit du projet de délocalisation envisagé.
Si, dans un premier temps, Viking a accepté de différer son projet, l'adhésion de l'Estonie à l'Union européenne, le 1er mai 2004, lui a cependant donné de nouveaux arguments. Le dernier volet de cette longe bataille juridique concerne donc l'injonction demandée par Viking auprès de la High Court of Justice, au Royaume-Uni, ayant pour objet de faire annuler la circulaire émise par ITF, dont le siège est à Londres, au motif qu'elle entraverait la liberté d'établissement qui lui est reconnue en vertu de l'article 43 T. CE. Cette juridiction a fait droit à la requête de Viking. Toutefois, l'ITF et le FSU ont interjeté appel devant la Court of Appeal qui a sursis à statuer, posant ainsi une importante série de questions préjudicielles. Cela a donc contraint la CJCE à s'attaquer à un problème épineux de droit communautaire qui revêt incontestablement une importance capitale pour les syndicats et leurs affiliés dans toute l'Union européenne. Trois questions fondamentales sont donc posées dans cette affaire par les juges anglais :
D'une part, une action collective, telle que celle du FSU, engagée à l'encontre de l'entreprise Viking aux fins d'amener cette dernière à conclure une convention collective dont le contenu est de nature à la dissuader de faire usage de la liberté d'établissement, entre-t-elle dans le champ d'application de l'article 43 T.CE qui instaure le principe de la liberté d'établissement dans le marché intérieur de la Communauté Européenne et de l'article 1er § 1 du règlement n°4055/86 du Conseil ? ;
D'autre part, ces dispositions ont-elles un effet direct horizontal de manière à conférer des droits à une entreprise privée susceptibles d'être opposés à un syndicat en ce qui concerne une action collective qui serait menée par lui ? ;
Enfin, les actions visées en l'espèce constituent-elles des restrictions au sens de l'article 43 T.CE et dans le cas d'une réponse positive, ces restrictions sont-elles justifiées ?
L'enjeu de l'affaire est important. En effet, la CJCE doit mettre en balance deux principes fondamentaux inscrits dans les traités européens et manifestement contradictoires : le droit de grève exercé par les travailleurs pour s'opposer aux décisions de l'entreprise affectant leurs droits et la liberté d'établissement dont se réclamait l'entreprise, sur le fondement de l'article 43 T.CE.
Le problème de droit qui apparaît à la lumière de l'ensemble de ces questions préjudicielles est donc le suivant : Le traité s'oppose t-il à ce que des syndicats ou un groupement de syndicats à l'origine d'une action collective tentent de contrer la volonté d'un employeur de faire usage, pour des raisons économiques, de sa liberté d'établissement ? Autrement dit, l'article 43 T. CE, interdisant les restrictions à la liberté d'établissement, est-il applicable et opposable aux organisations à l'origine d'une action collective s'opposant frontalement au libre exercice de la liberté d'établissement et constitue-t-elle dès lors une restriction sanctionnable au sens de l'article 43 CE? Plus précisément encore, les actions collectives en cause constituent-elles des restrictions à l'exercice de la liberté d'établissement ? Peuvent-elles être justifiées et sont-elles proportionnées ?
Ainsi, la Cour va donc analyser la légalité d'une action collective, menée contre un projet de délocalisation, au regard des principes établis pour apprécier les atteintes à la liberté d'établissement.
[...] Dans cette affaire en particulier, la Cour a décidé que la menace de grève des deux syndicats représentait clairement une restriction du droit d'établissement de la société Viking. En effet, même si le droit de grève est un droit fondamental faisant partie des principes généraux de droit communautaire pour la CJCE, ce droit dans son exercice doit être concilié avec le respect de la liberté d'établissement qui a elle aussi un caractère fondamental et qui peut être invoqué directement en justice à l'encontre d'un syndicat. [...]
[...] Subsidiairement, la CJCE devait aussi s'interroger sur la question de l'influence du droit économique sur le droit social européen. Les faits : En l'espèce, Viking est une société finlandaise qui exploite des lignes de ferries entre la Finlande et l'Estonie. Elle est propriétaire d'un ferry, le Rosella, naviguant sous pavillon finlandais. L'action en justice a commencé lorsque la société a souhaité immatriculer son navire en Estonie, avec un équipage de marins estoniens au salaire moins élevé, ce qui aurait eu pour effet de la dispenser d'appliquer la législation sociale finlandaise et l'aurait autorisée à négocier une nouvelle convention collective, moins avantageuse pour ses salariés. [...]
[...] En effet, la reconnaissance formelle du droit de mener des actions collectives ne doit pas faire illusion. Cette reconnaissance ne rime nullement avec exemption. Preuve en est d'ailleurs que la Cour a affirmé à cet égard que cet article devait être interprété « en ce sens que, en principe, n'est pas soustraite au champ d'application de cet article une action collective engagée par un syndicat à l'encontre d'une entreprise privée aux fins d'amener cette dernière à conclure une convention collective dont le contenu est de nature à la dissuader de faire usage de la liberté d'établissement. [...]
[...] Elle a notamment demandé à la fédération syndicale des transports (ITF) d'inviter les autres syndicats affiliés à s'abstenir de négocier une nouvelle convention collective avec la société Viking. La contestation syndicale a ainsi pris une dimension internationale. Malgré la grève déclenchée par le FSU, la compagnie n'a pas entendu céder sur son projet de délocalisation. Le FSU a donc revendiqué le respect du droit finlandais afin de maintenir les niveaux de salaires que la compagnie pratiquait jusqu'alors en dépit du projet de délocalisation envisagé. [...]
[...] La CJCE reconnaît donc qu'il revient au juge national d'apprécier le caractère proportionnel de l'action collective menée par le syndicat. Concernant l'action de FSU, la Cour semble admettre la légitimité de la grève car elle peut constituer l'un des moyens principaux pour les syndicats de protéger les intérêts de leurs adhérents. Dès lors, il revenait à la juridiction nationale de vérifier si FSU ne disposait pas d'autres moyens de protection des droits des travailleurs moins restrictif de la liberté d'établissement et qui pourrait aboutir au même résultat qu'une action collective. [...]
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