Trouble objectif caractérisé, chambre mixte 18 mai 2007, vie personnelle/vie professionnelle, fait relevant de la vie personnelle, faute
Dans le champ du licenciement pour motif personnel, il a été admis assez tardivement par un arrêt de la chambre sociale du 16 décembre 1997, qu'une distinction devait être faite entre les comportements reprochés au salarié dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, susceptible de caractérisés une faute de celui-ci, et les faits imputés au salarié relevant de sa vie personnelle. Certes, lorsque ces faits causent un trouble objectif au sein de l'entreprise compte tenu de la nature et des fonctions du salarié, l'employeur peut en tirer un motif de licenciement, mais il ne peut le faire ni sur le terrain disciplinaire ni sur celui de la faute. Bien que la jurisprudence postérieure est quelque peu obscurcie la distinction trouble objectif et comportement fautif, la chambre mixte de la cour de cassation avait l'occasion de clarifier la situation, en matière de correspondance personnelle reçue sur le lieu de travail.
En l'espèce, M. A, salarié, a été embauché en qualité de chauffeur de direction au service de la société haironville, employeur. Il s'est vu adresser un pli sur son lieu de travail, qui, dépourvu de toute mention personnelle, a été ouvert et disposé dans un lieu de passage, pour l'appréhension de son destinataire, par le service du courrier, conformément à l'usage qu'il en été fait au sein de l'entreprise. Le courrier ayant un caractère personnel et un contenu pornographique, l'employeur, suite aux plaintes d'employés « offusqués de la présence de ce magazine dans un lieu de passage » a engagé une procédure disciplinaire à l'encontre du salarié, aboutissant à une rétrogradation avec réduction corrélative de rémunération. Ayant signé un avenant à son contrat, le salarié saisi le conseil des prud'hommes en contestation de la sanction.
Les juges du fond rejettent la demande, considérant que l'ouverture licite du pli litigieux a provoquée un trouble, au sein de l'entreprise, susceptible de fonder une sanction disciplinaire. Le salarié forme un pourvoi sur le moyen tiré de la violation du secret des correspondances, en ce que l'ouverture du pli est, au sens de l'article L. 121-1 du code du travail, illicite, et que la disposition de ce pli sur un lieu de passage constitue une atteinte au respect dû à la vie privée.
Problématique : un courrier personnel d'un salarié, reçu et ouvert sur son lieu de travail, ayant causé un trouble objectif au sein de l'entreprise qui l'emploie, peut-il fonder l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre ?
La cour de cassation, au double visa de l'article 9 du code civil, et L. 122-40 du code du travail, censure les juges du fond, aux motifs, d'une part, qu'un « trouble objectif dans le fonctionnement de l'entreprise ne permet pas en lui-même de prononcer une sanction disciplinaire à l'encontre de celui par lequel il est survenu », revenant implicitement sur la distinction entre trouble objectif relevant d'un fait personnel de la vie personnelle du salarié, et la faute (I). D'autre part, qu'eu égard au respect du secret des correspondances et au respect dû à la vie privée, un salarié ne peut être sanctionné pour un fait de sa vie personnelle, la distinction entre vie professionnelle et vie personnelle étant réaffirmée (II).
[...] De plus, en lien avec le secret des correspondances, la faute ne peut être caractérisée, car la réception d'un courrier personnel par le salarié sur son lieu de travail ne constitue pas un manquement à ses obligations contractuelles dans le cadre de son contrat de travail, et qu'en vertu du droit au respect dû à la vie privée, le caractère personnel d'un courrier ne peut constituer une faute, quand bien même, par son contenu « obscène », il porte un trouble objectif dans le fonctionnement de l'entreprise. La vie personnel du salarié n'entre donc pas dans le champ d'application des pouvoirs de direction, de contrôle et de sanction de l'employeur. [...]
[...] Certainement. Bien entendu, on aurait pu assimiler le pli a un courrier professionnel car il y avait absence de mention personnelle, mais aux vues d son contenu et de son caractère « obscène », le courrier aurait dû être caché. En effet, on pourrait voir une intention de nuire dans la pratique opérée par le service de courrier, qui en étalant le courrier sur lieu de passage, a opérer un mélange entre vie professionnelle et vie personnelle, ne tirant pas du contenu du pli son caractère personnel. [...]
[...] En effet, on peut tirer implicitement de la lettre de l'arrêt qu'une faute susceptible d'être sanctionnée, par l'exercice du pouvoir disciplinaire de l'employeur, dans le cadre des prérogatives lui étant attribuées de part le lien de subordination dans lequel le salarié se trouve à son égard, doit être rattaché à un comportement relevant de la vie professionnelle du salarié. La cour de cassation revient donc au principe initial dégagé en 1997, rejetant la possibilité pour l'employeur d'invoquer une sanction disciplinaire, fondée sur l'existence d'une faute, à l'égard d'un salarié, pour des faits relevant de sa vie personnelle. [...]
[...] Au terme de l'article L. 122-40 du code du travail, l'employeur garde la possibilité d'invoquer le trouble objectif caractérisé que crée au sein de l'entreprise un comportement tiré de la vie personnelle du salarié, compte tenu de la nature des fonctions du salarié et de la finalité propre à l'entreprise. Le trouble a été jeté par un arrêt du 25 janvier 2006 au terme duquel la chambre sociale de la Cour suprême a considéré, au visa du même article précédemment cité, qu'un comportement tiré de la vie personnelle d'un salarié, compte tenu de ses fonctions et de la finalité propre à l'entreprise, ayant créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière, constituait « une faute grave », justifiant un licenciement pour motif disciplinaire. [...]
[...] Certes, lorsque ces faits causent un trouble objectif au sein de l'entreprise compte tenu de la nature et des fonctions du salarié, l'employeur peut en tirer un motif de licenciement, mais il ne peut le faire ni sur le terrain disciplinaire ni sur celui de la faute. Bien que la jurisprudence postérieure est quelque peu obscurcie la distinction trouble objectif et comportement fautif, la chambre mixte de la cour de cassation avait l'occasion de clarifier la situation, en matière de correspondance personnelle reçue sur le lieu de travail. En l'espèce, M. salarié, a été embauché en qualité de chauffeur de direction au service de la société haironville, employeur. [...]
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