Régime des obligations, action paulienne, inopposabilité paulienne, action en justice, droit de gage du créancier
Par cette décision en date du 30 mai 2006, la première chambre de la Cour de Cassation apporte une précision sur les effets de l'action paulienne, action protégeant le droit de gage du créancier sur le patrimoine de son débiteur contre les actions frauduleuses de ce dernier ; et action complétant la protection de ce droit aux côtés de l'action oblique protégeant alors contre les omissions du débiteur.
En l'espèce, un expert-comptable a été condamné à verser des dommages et intérêts à une société. Cependant, à défaut de payer sa dette, il a non seulement contribué (à hauteur de 75,25%) au financement d'un appartement dont son fils désigné propriétaire, mais a aussi remis à sa femme une somme conséquente, qu'elle a ensuite employée comme apport en numéraire dans une société.
La société créancière estime ainsi que l'expert-comptable a organisé son insolvabilité en faisant sortir frauduleusement ces fonds de son patrimoine.
[...] En conséquence, si la valeur du bien aliéné frauduleusement est supérieure à ce qui est dû au créancier, le reste demeure dans le patrimoine du tiers défendeur : l'aliénation [attaquée par la voie paulienne] subsiste au profit du tiers acquéreur pour tout ce qui excède l'intérêt du créancier demandeur Si cela se conçoit bien pour les sommes d'argent, pour les ventes en revanche (comme en l'espèce) cela paraît plus complexe puisque la vente sera remise en cause. Cependant, le tiers pourra toujours agir contre le débiteur en garantie d'éviction. On notera notamment Civ. 1re, 1er juillet 1975 & Civ. 3e juillet 2003. [...]
[...] C'est ainsi que de nombreux arrêts[1] ont fait référence à la révocation de l'acte frauduleux ou encore dans un même sens à la nullité. Cependant, la révocation n'apparait pas comme la sanction la plus appropriée de l'action paulienne. En effet, les arrêts en la matière parlaient de révocation rétroactive c'est-à-dire que l'acte commis en fraude sera rétroactivement et totalement annulé, et ce erga omnes. Mais alors où est la logique lorsque l'on dit que l'action paulienne ne profite qu'au créancier agissant, mais que pourtant elle annule l'acte frauduleux à l'égard de tous ? [...]
[...] Dans le cas de l'action paulienne, le tiers à l'acte frauduleux, c'est-à- dire le créancier demandeur, est le seul pouvant exercer son droit de gage sur les biens. De plus, l'acte n'étant pas anéanti inter partes, il s'agit bien d'inopposabilité. Cette sanction permet d'ailleurs de distinguer davantage l'action paulienne de l'action oblique. En effet, cette dernière a pour effet de reconstituer le patrimoine du débiteur ; reconstitution qui profitera à tous les créanciers et non seulement à celui agissant en justice. Ainsi, du fait de l'inopposabilité, les biens aliénés en fraude resteront dans le patrimoine du tiers (complice ou non), d'où le créancier pourra directement les saisir. [...]
[...] De plus, la validité de l'acte, passé en fraude des droits du créancier, n'est pas remis en cause dans les rapports entre le débiteur et le tiers. Cependant le débiteur sera tenu de garantir le tiers, c'est-à-dire de lui verser une somme équivalente à la valeur du bien dont il aura été privé. Par cette inopposabilité relative, impliquant le fait que le créancier puisse saisir directement les biens dans le patrimoine du tiers, est également de nature à simplifier l'action en justice du créancier qui ne sera alors plus obligé d'intenter son action à la fois contre le tiers et le débiteur. [...]
[...] II Les conséquences de l'action paulienne Les conséquences (secondaires, nous ne reviendrons bien sûr pas sur l'inopposabilité s'opposant à tout retour du bien dans le patrimoine du débiteur) découlent directement de l'attendu de principe de la décision de la 1re chambre civile du 30 mai 2006 : l'action du créancier spolié se fait par décision de justice et dans la limite de sa créance A L'action paulienne : une action en justice L'action paulienne étant, par définition, une action en justice, l'inopposabilité paulienne résulte nécessairement d'une décision de justice et donc ne crée des effets qu'entre les parties. Ainsi, la consécration de l'inopposabilité, face à la révocation entrainent la reconstitution du patrimoine du débiteur, en est d'autant plus logique qu'une telle reconstitution aurait été bénéfique à tous les créanciers du débiteur. Or l'action paulienne a été conçue pour n'être profitable que pour le créancier prenant la peine d'agir en justice. Sinon pourquoi la différencier de l'action oblique ? [...]
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