« S'il est, dans la littérature juridique française, un pont aux ânes, c'est bien que l'autonomie de la volonté constitue le principe fondamental qui domine tout le régime des contrats », ironise Georges Rouhette. En témoigne la construction des manuels de droit des contrats, qui commencent presque tous par exposer cette fameuse thèse de l'autonomie de la volonté, le plus souvent présentée comme le dogme absolu de la matière contractuelle.
Celle-ci prend son essor, selon Jacques Ghestin, à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, par des interprétations libérales du Code de 1804, et notamment de son article 1134. La volonté étant « le fondement (...) et la mesure » de l'obligation contractuelle, cette dernière tire sa force obligatoire de la liberté contractuelle, avec l'idée sous-jacente que l'individu au consentement éclairé s'engage nécessairement dans son intérêt.
[...] Pour Ghestin, cette tendance conduit à substituer l'utilité et la justice à l'autonomie de la volonté comme fondement du contrat. Cependant, loin de vouloir faire disparaître l'autonomie de la volonté du champ contractuel, il semble que la justice contractuelle et ses manifestations cherchent plutôt à améliorer ses conditions d'application, lui rendant ainsi un hommage indirect. La critique de la critique : les problèmes posés par une conception socialisante du contrat Les atteintes portées à la théorie de l'autonomie de la volonté ont conduit, selon Georges Ripert, à favoriser une conception socialisante du contrat, qui signerait le déclin de celui-ci, par la faute d'un législateur démagogue qui, à trop vouloir protéger le contractant, l'infantilise et réduit sa volonté à néant. [...]
[...] C'est sur ce point précis que vont poindre d'autres critiques de la théorie classique, remettant en cause l'autonomie de la volonté en tant que source d'injustice. La critique philosophico-politique de l'autonomie de la volonté En effet, l'autonomie de la volonté part du postulat de l'égalité abstraite des parties, lequel ne résiste pas à l'épreuve des faits. On peut citer entre autres l'inégalité bien connue du salarié en face de l'employeur, et plus récemment des professionnels divers, théoriquement indépendants, mais en fait économiquement et juridiquement soumis à la volonté de l'autre partie, à laquelle ils sont liés par un contrat d'approvisionnement exclusif, de concession, de sous-traitance ou d'intégration (cf contrats de distribution). [...]
[...] Au vu de ces quelques critiques de l'autonomie de la volonté, l'on peut se demander pourquoi ce dogme a pu perdurer. Selon G. Rouhette, la crise de l'autonomie de la volonté s'est caractérisée par des atteintes à son principe (restriction de la liberté contractuelle par la loi, immixtion du juge dans le contrat) : cela suppose implicitement que les exceptions, tant qu'elles conservent ce caractère, confirment une règle loin de la nier In fine, les critiques de la théorie de l'autonomie de la volonté confirment indirectement sa validité. [...]
[...] J.P. Chazal G. Ripert et le déclin du contrat Revue des contrats 2004/2 Rouette préc. [...]
[...] ) sont plus appropriées, et aussi respectables, qu'une doctrine pseudo-philosophique impraticable Nb : Le Cconst a refusé d'attribuer au pcipe de l'autonomie de la volonté une valeur constitutionnelle (CC 3 août 1994). in La force obligatoire du contrat Rapport français - LGDJ 1987 in L'utile et le juste dans les contrats - D.S 1982 Rouhette, préc. J. Ghestin, La notion de contrat D.S H.Kelsen, La théorie juridique de la convention Arch.phil.droit 1940 J. Ghestin, L'utile et le juste dans les contrats - D.S 1982 Ghestin préc. [...]
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