Commentaire de l'arrêt : Cassation Ass. 6 octobre 2006
Bien que l'article 1165 du Code civil dispose que les conventions n'ont d'effets qu'entre les parties contractantes (effet relatif du contrat reposant sur le principe de l'autonomie de la volonté: nul ne peut se voir obligé ou bénéficier des droits nés d'un contrat sans en avoir exprimé la volonté préalable), la théorie de l'opposabilité du contrat permet au contrat d'être opposable aux tiers mais aussi d'être opposé par les tiers aux contractants. Cela implique notamment des conséquences quant au régime de responsabilité applicable en cas de manquement à une obligation contractuelle comme l'illustre le présent arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation du 6 octobre 2006.
I Vers une identification des fautes contractuelle et délictuelle
II L'application d'un régime de responsabilté délictuelle à l'auteur d'une faute contractuelle
[...] Cette solution rappelle une autre situation: celle des chaînes de contrats. En effet, dans l'arrêt Besse du 12 juillet 1991, il s'agissait d'une chaîne de contrats homogènes, en l'espèce des contrats d'entreprise, l'un entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur, le second entre l'entrepreneur et le sous-traitant. Ces derniers n'étant pas translatifs de propriété, la théorie de l'accessoire ne pouvait être invoquée pour que le maître d'ouvrage puisse engager la responsabilité contractuelle du sous-traitant. Ces derniers n'étaient pas liés par un contrat donc la responsabilité du sous-traitant était nécessairement délictuelle. [...]
[...] En effet, la locataire-gérante est un tiers au contrat conclu entre la société Myr'Ho et les bailleurs. Elle ne peut donc pas engager la responsabilité contractuelle de ces derniers, mais uniquement leur responsabilité délictuelle. Le manquement contractuel suffisait, aucune autre faute ne devait être prouvée, pas même une faute délictuelle. Le régime de la responsabilité délictuelle peut donc être appliqué à l'auteur d'une faute contractuelle. Ici, ce n'est pas le caractère de la faute qui est pris en compte mais la qualité de la victime. Celle-ci est un tiers, elle n'est pas liée par le contrat. [...]
[...] Mais le raisonnement de l'Assemblée plénière n'a pas été mené jusqu'à son terme. En effet, l'opposabilité permet aussi, en principe, d'être opposable aux tiers. Ainsi, si l'on accepte que ce tiers puisse s'en prévaloir envers les parties, les parties devraient pouvoir se défendre en l'invoquant à leur tour (ce qui semblerait juste d'un point de vue procéssuel et quant au respect des droits de la défense). Le débiteur devrait donc avoir la faculté d'opposer à ce tiers les clauses du contrat, et plus particulièrement les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité puisque ce sont évidemment celles-ci qui ont un intérêt en terme de responsabilité pour le défendeur. [...]
[...] Les bailleurs n'ont pas entretenu les locaux et la locataire-gérante, qui souhaite la remise en état des lieux ainsi qu'une indemnisation pour le préjudice d'exploitation subi, les a assignés en référé. La Cour d'appel de Paris accueilli cette demande le 19 janvier 2005 car le défaut d'entretien rendait l'utilisation normale des locaux impossible et causait donc un dommage au demandeur. Les bailleurs se pourvoient en cassation. Pour eux, un tiers ne peut agir sur le terrain délictuel contre un contractant qu'en prouvant que l'inexécution contractuelle constitue une faute délictuelle. [...]
[...] Ce dernier peut alors invoquer la responsabilité contractuelle du premier vendeur. Quant à l'avant-projet de réforme du droit des obligations du professeur Catala, celui-ci propose au tiers victime d'une inexécution contractuelle de choisir entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle à l'article 1342, ce qui est encore une autre solution. S'il choisit la première, il subira alors les limites posées dans le contrat. S'il choisit la seconde, il devra prouver l'existence d'une faute délictuelle; ce qui semble plus logique et de surcroît plus accepatable puisque ce sont à ce moment là les règles et toutes les règles propre au régime de responsabilté choisi qui s'appliquent et non un mélange des deux ou des situations plus favorables à certains (comme en l'espèce où le tiers se prévaut du manquement à une obligation contractuelle d'un contrat pour lequel il n'est pas partie: il profite donc des droits nés du contrat mais n'est pas concerné par les obligations, de même que le contractant ne peut à son tour invoquer le contrat ou l'une de ses clauses pour se défendre). [...]
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