Le transfert de garde Dissertation
La responsabilité du fait de la chose est une matière large de construction jurisprudentielle. Elle permet de déterminer la responsabilité d'une personne pour un dommage causé par une chose. Parfois décriée pour cette raison, elle a trouvé sa légitimité au travers des évolutions et changements de la société, illustrant ainsi à la fois l'adaptabilité et l'importance de la jurisprudence dans l'entreprise d'actualisation du droit.
A l'origine limitée aux articles 1385 et 1386 du Code Civil, portant sur la responsabilité du fait des animaux et des bâtiments, elle a été considérablement élargie pour répondre aux situations nouvelles créées par les avancées techniques des Révolutions Industrielles.
L'alinéa premier de l'article 1384 disposant en particulier que l'on est responsable du fait des choses que l'on a sous sa garde fut alors interprété de manière à engager la responsabilité délictuelle de la personne répondant de la chose, de quelque nature qu'elle soit.
Il apparut alors nécessaire de proposer une définition de la garde afin de délimiter le champ d'application du texte.
Une décision fondatrice de la responsabilité du fait de la chose vint apporter quelques éléments sur la question.
Par un arrêt nommé Jand'heur rendu par la Cour de Cassation en chambres réunies le 30 fevrier 1930, la responsabilité fut attachée non pas à la chose elle-même mais à la garde de celle-ci, une présomption de responsabilité fut également établie à l'égard du propriétaire de la chose.
Il s'agissait en l'espèce d'un accident de la circulation, un véhicule automobile ayant grièvement blessé une enfant au moment où celle-ci traversait la chaussée.
La présomption de responsabilité alors établie à l'encontre du propriétaire de la chose impliquait par conséquent que celui-ci en ait la garde, sa responsabilité ne pouvant être engagée que par celle-ci. En somme, la déduction fut faite que le propriétaire de la chose en était également le gardien.
Ceci constitua une définition juridique de la garde, de fait liée au propriétaire.
Cependant, une autre évolution fut apportée avec l'arrêt Franck du 2 décembre 1941, retenant cette fois-ci une définition précise de la garde et rejetant la présomption établie par l'arrêt Jand'heur.
Trois critères furent en effet retenus par la haute juridiction afin de caractériser la garde. La personne devait désormais avoir l'usage en plus du contrôle et de la direction de la chose.
La garde était donc présentée sous un aspect matériel et déterminable au cas par cas.
Il en ressort donc que la garde est une notion complexe qu'il convient d'étudier au travers des deux conceptions évoquées.
Ces deux définitions conditionnent en effet les hypothèses de transfert dont il est question. Leur étude se trouve donc logiquement indissociable de la notion de garde elle-même et comprend les modalités de perte et d'acquisition de celle-ci.
Un transfert est en effet un mouvement en deux temps qui suppose d'une part une soustraction, et d'autre part une attribution, mais il est également possible d'y inclure la perte simple ou l'acquisition seule.
Le transfert de garde sera généralement divisé en deux catégories: les transferts volontaires et involontaires.
Toutefois, au vu de la largeur et de l'étendue de la jurisprudence, il est plus commode de s'attacher à saisir la logique des transferts de garde au travers des règles les gouvernant.
On peut ainsi se demander sur quelles bases les différents mécanismes de transfert de propriété se sont construits.
L'ancienne définition juridique établissait une présomption de garde à l'encontre du propriétaire, ce qui avait des effets sur le transfert de celle-ci (I), la définition matérielle de la garde apportée par l'arrêt Franck en 1941 a cependant fait tomber celle-ci en retenant des critères propres à la caractérisation de la garde (II).
[...] Les bouleversements inattendus sont donc possibles, de même que l'ajout de conditions compliquant encore l'attribution de la garde.Dans les deux arrêts commentés par M. Jourdain, l'initiative d'utilisation de la chose semblait avoir été retenue pour justifier le transfert de garde, alors que le propriétaire (et gardien) était bien présent sur les lieux, condition qui avait parfois suffi à engager la responsabilité de celui-ci dans d'autres décisions. Si la définition juridique semblait établir de manière très rigide les cas de transfert de garde, elle présentait une certaine simplicité en comparaison de la définition matérielle sans doute plus juste et attachée aux transferts de garde, mais bien plus incertaine. [...]
[...] Une décision fondatrice de la responsabilité du fait de la chose vint apporter quelques éléments sur la question. Par un arrêt nommé Jand'heur rendu par la Cour de Cassation en chambres réunies le 30 fevrier 1930, la responsabilité fut attachée non pas à la chose elle-même mais à la garde de celle-ci, une présomption de responsabilité fut également établie à l'égard du propriétaire de la chose.Il s'agissait en l'espèce d'un accident de la circulation, un véhicule automobile ayant grièvement blessé une enfant au moment où celle-ci traversait la chaussée.La présomption de responsabilité alors établie à l'encontre du propriétaire de la chose impliquait par conséquent que celui-ci en ait la garde, sa responsabilité ne pouvant être engagée que par celle-ci. [...]
[...] De même dans le cas des transferts involontaires de la garde, notamment le vol et la perte, où les éléments constitutifs de celle-ci ne seront plus présents. La garde s'éteindra donc simplement et passera éventuellement entre les mains du nouveau détenteur de la chose, qui en sera ainsi responsable en cas de dommage.Si cette conception matérielle de la garde paraît plus souple que l'ancienne définition juridique, elle présente également des inconvénients inhérents à son caractère subjectif.B. Une incertitude persistante de la jurisprudence soumise à la casuistiqueIl existe des cas où l'appréciation du transfert de propriété est ambiguë, comme l'a montré Patrice Jourdain dans une note à la RTD Civ p.630 intitulée Transfert de garde : les hésitations de la jurisprudence, notamment dans les cas de prêt.Il arrive en effet que la jurisprudence paraisse se contredire sur des cas relativement similaires.Il était en l'occurrence question de deux arrêts rendus les 10 juin 1998 et 11 février 1999 par la seconde chambre civile, ayant tous deux attribué la garde de la chose aux personnes ayant eu l'initiative de l'usage de l'objet.Une décision du 18 juin 1997 rendue par la même chambre avait cependant pris la position inverse, en exonérant de sa responsabilité la personne ayant pris l'initiative de s'occuper de la chose (en l'occurrence un cheval).Il y a donc une certaine inconstance de la jurisprudence pour ces affaires ne faisant pas l'objet d'un contrat, mais d'une simple convention ou d'une intervention spontanée. [...]
[...] C'est en ce sens que l'on peut avancer que le transfert de garde était au départ conditionné à la propriété du fait de cette définition qui retenait un simple titre comme condition à la détention de la garde. Le transfert de celle-ci s'opérait donc nécessairement en même temps que la transmission du titre par un contrat, une cession, etc.Il parait difficile d'imaginer sous cet angle un transfert involontaire de la garde, le vol ne changeant par exemple pas la qualité de propriétaire.Cette présomption fut explicitement mentionnée plus tard, notamment dans une décision du 18 décembre 1958 rendue par la seconde chambre civile, précisant toutefois qu'elle pouvait être renversée si le propriétaire rapportait la preuve que quelqu'un d'autre avait l'usage, le contrôle et la direction de la chose. [...]
[...] Le transfert de garde sera généralement divisé en deux catégories: les transferts volontaires et involontaires. Toutefois, au vu de la largeur et de l'étendue de la jurisprudence, il est plus commode de s'attacher à saisir la logique des transferts de garde au travers des règles les gouvernant.On peut ainsi se demander sur quelles bases les différents mécanismes de transfert de propriété se sont construits.L'ancienne définition juridique établissait une présomption de garde à l'encontre du propriétaire, ce qui avait des effets sur le transfert de celle-ci la définition matérielle de la garde apportée par l'arrêt Franck en 1941 a cependant fait tomber celle-ci en retenant des critères propres à la caractérisation de la garde (II).I. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture