Droit-Obligation
Sainte-Hélène, Napoléon se demandait : « Pourquoi mon Code civil n'eût-il pas servi de
base à un Code européen ? ». Cette quête d'influence semble aujourd'hui se retourner contre
le Code napoléon qui vit sans doute sa crise la plus profonde depuis sa promulgation. C'est
en effet notre Code, et notre droit des obligations en particulier, qui est aujourd'hui l'objet
d'influences diverses qui remettent en cause le génie qu'on lui prête.
Si des pans entiers de notre Code civil ont été revus au siècle dernier sous la pression des
évolutions de notre société, le titre III du Livre III du Code civil, socle de notre théorie
générale du contrat, est demeuré presque inchangé dans sa lettre. Cette apparente stabilité
textuelle ne cache pourtant pas les évolutions déterminantes qu'a connues notre droit des
obligations. Mais il faut bien admettre que ces évolutions ne sont pas le fruit unique d'une
action du législateur, mais d'abord celui d'une oeuvre prétorienne. A défaut d'être réécrit,
notre droit des contrats a ainsi été relu dans un sens propre à lui faire embrasser les
changements qui affectent aujourd'hui le rapport obligationnel.
Notre droit de la responsabilité civile délictuelle et quasi-délictuelle est également resté figé
jusqu'à la fin du 19e siècle où le développement du machinisme a entraîné la multiplication
d'accidents difficilement imputables à une faute directe de l'homme. De là c'est révélée la
nécessité de faire évoluer la conception « traditionnelle » de la responsabilité civile telle que
prévue aux articles 1382 à 1386 du Code civil.
La stabilité textuelle de notre droit des obligations face à l'évolution des problématiques qu'il
est censé réguler a mis en évidence les lacunes intrinsèques du Code civil. Rien, par exemple,
n'est prévu dans le Code civil sur l'information des contractants ou encore sur la phase de
préparation du contrat en général.
Le droit des obligations s'est alors beaucoup développé en dehors du Code civil. Des droits
jeunes tels les droits de la consommation, le droit de la concurrence, le droit des assurances ou encore le droit du travail ont très vite fait figure de trublion face à un droit commun des
obligations que beaucoup considèrent en crise1.
A ce développement extérieur au Code civil répond aussi une pratique contractuelle qui
semble s'en émanciper. Cette pratique a été un important vecteur d'innovation. L'inventivité
des milieux d'affaire en la matière tient à la diversité des besoins qu'ils rencontrent et qui les
poussent sans cesse à repousser les limites des catégories contractuelles que renferme notre
Code civil.
Les éléments militant pour une réécriture de notre droit des obligations semblaient donc être
ainsi réunis. Mais ce qui en a gêné l'entreprise est paradoxalement ce qui aujourd'hui la
dynamise : l'attente d'une unification européenne en la matière2. De nombreuses directives
ont ainsi modifié notre droit des obligations, soit dans le domaine contractuel (directive sur les
clauses abusives) soit dans le domaine délictuel (directive sur les produits défectueux) mais
sans pour autant en arriver à une unification globale de la matière.
Cette perspective d'un « nouveau droit des obligations » ne doit pourtant pas uniquement sa
vigueur à l'initiative européenne. Une réflexion sur l'efficacité des systèmes juridiques en
général et du droit des contrats en particulier se développe dans le sillage de la
mondialisation. Dans ce mouvement de quantification des données juridiques et même de
notation des systèmes contractuels les plus efficaces, la France n'est pas ressortie avec une
image triomphante3. On a beaucoup parlé ces dernières années de l'influence prépondérante
de la culture juridique anglo-saxonne, et en particulier nord américaine, sur le droit des
contrats. Après une période de relative indifférence à ce phénomène, le droit français semble
aujourd'hui lui prêter une oreille attentive. L'importation des contrats en ing qui intéressent
principalement le monde des affaires en est un exemple patent.
L'idée d'un droit des obligations plus « moderne » ou plus « efficace » est ainsi devenu
tendance. Nos voisins européens ne s'y sont pas trompés, il suffit de songer à la réforme du
Code civil néerlandais, entrée en vigueur le 1er janvier 1992, du Code des obligations suisses,
ou bien encore à la grande réforme allemande du droit des obligations4.
Il faut alors remarquer que ces phénomènes se sont directement traduits par l'émergence
d'une large réflexion doctrinale à propos de l'avenir de notre Code civil, socle de notre droit
des obligations. Face aux nécessités économiques d'un marché commun et aux évolutions
propres à notre culture juridique, le Code civil est aujourd'hui au coeur de profonds
bouleversements. Il est en effet pris en tenaille entre des aspirations qui lui sont
intrinsèquement étrangères et des nécessités tenant en un impératif économique dont la France
ne saurait se défaire au risque de se marginaliser. Ces phénomènes sont sources de renouveau
juridique et présentent, de ce point de vue, une configuration inédite. Traditionnellement placé
sous les auspices de la loi et de la Constitution, notre de droit des obligations subit la pression
de sources nouvelles et particulièrement actives. Cette tectonique des sources contemporaines des obligations se présente alors comme la
résultante d'un double mouvement. D'une part les sources formelles du droit des obligations
ne correspondent plus au schéma linéaire kelsenien des sources du droit, leur multiplicité
contemporaines mettant en évidence leur pulvérisation (I). D'autre part, cette apparente
confusion des sources semble trouver un équilibre grâce à l'oeuvre prétorienne de nos
juridictions et à l'important travail de synthèse que la doctrine a entrepris. Mues toutes deux
par la volonté de trouver une cohérence dans l'évolution de notre droit des obligations, leur
étude révèle une cohésion des sources d'inspiration qui animent le renouveau du droit des
obligations (II).
[...] La distinction des obligations de moyen et de résultat, chère à Demogue, la théorie moderne des nullités, forgée par Japiot et Eugène Gaudemet, la notion d'obligation essentielle fruit du travail de Philippe Delebecque ou encore la condition extinctive créée par Jean Carbonnier, font leur entrée par la grande porte dans notre droit des contrats. Rappelons que ces constructions doctrinales étaient déjà, du temps de leur conception, le fruit d'un regard croisé entre notre droit des contrats et les évolutions qui lui sont inhérentes. Ainsi, au-delà de la reconnaissance que représentent ces intégrations, elles sont avant tout des pierres de taille qui trouvent légitimement leur place dans les soubassements de la construction d'un droit contemporain des obligations. [...]
[...] Il faut alors remarquer que ces phénomènes se sont directement traduits par l'émergence d'une large réflexion doctrinale à propos de l'avenir de notre Code civil, socle de notre droit des obligations. Face aux nécessités économiques d'un marché commun et aux évolutions propres à notre culture juridique, le Code civil est aujourd'hui au cœur de profonds bouleversements. Il est en effet pris en tenaille entre des aspirations qui lui sont intrinsèquement étrangères et des nécessités tenant en un impératif économique dont la France ne saurait se défaire au risque de se marginaliser. Ces phénomènes sont sources de renouveau juridique et présentent, de ce point de vue, une configuration inédite. [...]
[...] Communication de la Commission du 11 juillet 2001 (COM (2001) 398), concernant le droit européen des contrats M. A. RIBEYRE, Le Code européen des contrats : histoire d'un malentendu : Droit et patrimoine, avril 2003, 114, p vocation qu'à s'appliquer au bénéfice des parties ayant décidé de soumettre leur relation transfrontière, et intracommunautaire, à ce corps de règles présenté par la Commission comme une boîte à outil17 Si le droit communautaire a fait montre de sa force de décision mais également des limites intrinsèques à son action, tout autre est le rôle joué par les droits européens de l'homme en ce qui concerne le droit des obligations / LA FONDAMENTALISATION DU LIEN D'OBLIGATION Cette fondamentalisation du rapport obligationnel procède d'un double mouvement de pénétration des droits européens de l'homme par le biais de l'effet vertical direct, d'une part, et par celui de l'effet horizontal direct, d'autre part a. [...]
[...] Face aux critiques mettant en cause le pouvoir des institutions européennes pour légiférer en matière civile au regard du principe de subsidiarité, la Commission a dû revoir sa copie. Elle prône désormais une réflexion sur l'opportunité de définir un instrument optionnel dans le domaine du droit européen des contrats en insistant sur le fait que cet instrument ne se substituera pas aux législations des Etats membres. Cet instrument optionnel n'aura ainsi B. FAUVARQUE COSSON, Faut-il un Code civil européen ? : RTD. [...]
[...] Le droit du travail : Le Code du travail fait lui aussi figure de trublion face au droit commun des obligations. En effet, le Code Civil, qui ne prévoit que le contrat de louage d'ouvrage, n'a pas été jugé suffisamment approprié pour régir les relations employeurs / salariés. A ce phénomène interne d'éclatement des sources normatives du droit des obligations est venu s'ajouter un facteur nouveau de perturbations, tenant à la pregnance actuelle des sources européennes dans notre ordre juridique. [...]
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