Commentaire de l'arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de Cassation le 29 janvier 2008
La théorie de l'apparence a été créée pour corriger la rigueur des règles de droit. L'équité, qui en est la source, en fait une institution aux contours mal définis: en effet, son appréhension actuelle par le droit positif français est source d'insécurité juridique,son domaine et son objet n'obéissant à aucune règle prévisible. L'arrêt de la Chambre Commerciale du 29 janvier 2008 en est l'exemple flagrant.
I - L'arrêt du 29 janvier 2008: la reconnaissance par la Cour de Cassation d'une situation de mandat apparent en vu d'obliger le mandant apparent envers le tiers
II- L'application de la théorie du mandat apparent à l'arrêt du 29 janvier 2008: une nécessaire protection du tiers au détriment de la sécurité juridique
[...] Après avoir montré en quoi l'arrêt du 29 janvier 2008 est une reconnaissance par la Cour de Cassation d'une situation de mandat apparent en vue d'obliger le mandant apparent envers le tiers ( nous tenterons d'expliquer pourquoi cette application de la théorie de l'apparence témoigne d'une volonté de protéger le tiers au détriment ce faisant de la sécurité juridique (II). I - L'arrêt du 29 janvier 2008: la reconnaissance par la Cour de Cassation d'une situation de mandat apparent en vu d'obliger le mandant apparent envers le tiersLa Cour de cassation, dans son arrêt de 2008 applique la théorie de l'apparence au mandat et suit donc le raisonnement suivant : lorsqu'une situation apparente déclenche une confiance légitime qui est à l'origine d'un dommage causé par la discordance entre l'apparence et la réalité, l'individu induit en erreur est en droit de se prévaloir de la situation apparente en faisant réparer en nature par l'auteur ( même non fautif ) de l'apparence, le dommage qu'il a subi. [...]
[...] Dans l'arrêt du 29 janvier 2008, s'il n'est aucunement fait mention de ces circonstances on peut légitimement penser que la Cour de Cassation, comme la Cour d‘appel, les ont préalablement vérifié avant de rendre leurs décisions car il n'est pas envisageable de retenir la situation de mandat apparent si le tiers n'a, ne serait-ce que la possibilité vérifier les pouvoirs du mandataire.Ainsi la théorie du mandant apparent, que ce soit dans l'arrêt de 2008 ou dans n'importe quelle autre situation, repose sur la bonne foi dans le chef du tiers qui invoque le pouvoir de représentation apparent du mandataire apparent : le tiers a une obligation de vérification raisonnable, dont l'ampleur et le fondement doivent toujours être appréciés in concreto. Il n'est pas requis que l'erreur dans le chef du tiers relative au pouvoir de représentation du mandataire apparent soit invincible. [...]
[...] Ainsi, du fait de l'ambiguïté de l'arrêt du 29 janvier 2008, on pourrait aisément considérer que la SCI est bien mandataire de la succession mais que cette dernière n'a pas donné mandant à la SCI pour passer une convention en vue de la réalisation d'un lotissement résidentiel. Dans ce cas là, il y aurait dépassement de pouvoir et la succession ne pourrait être tenue. Pourtant, l'hypothèse du dépassement du pouvoir est, elle aussi, une hypothèse favorable à l'apparence, c'est-à-dire à la croyance légitime du tiers dans le fait que le mandataire agissait dans l'exercice de sa mission : le mandant sera bien tenu à l'égard du tiers pour tous les actes pris par le mandataire apparent. [...]
[...] Les circonstances autorisaient-elles le tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs ? Autant de questions qui restent sans réponses dans cet arrêt de la Cour de Cassation et qui démontre une fois de plus l'opportunisme de cette dernière qui préfère privilégier la fin aux moyens. C'est donc les fondements même de l'arrêt de 2008 qui vacillent puisqu'en omettant les conditions nécessaires à l'existence de la théorie du mandat apparent, la solution même de la Cour de Cassation est faussée. Le laxisme de la Chambre commerciale est donc assez surprenant mais s'explique sûrement par la volonté de protéger le tiers trompé à tout prix: cette volonté est certes louable mais ne doit pas se faire au détriment de la sécurité juridique et d'une certaine clarté du droit français qui en a pourtant bien besoin. [...]
[...] Dans l'arrêt du 29 janvier 2008, la SCI s'était effectivement engagée par convention avec un tiers à réaliser un lotissement résidentiel sur un terrain appartenant à une succession, mais il apparaît clairement que la SCI n'a jamais reçu quelconque mandat de cette succession pour prendre un acte en son nom et pour son compte. Pire qu'un dépassement de pouvoir, dans le cadre d'un mandat, c'est bien l'absence du pouvoir de représentation de la succession par SCI qui permet aux juges de qualifier ce mandat de mandat apparent.Mais pour être en présence d‘une véritable situation de mandat apparent, d'autres conditions doivent impérativement être remplies: c'est l'Assemblée Plénière de la Cour de Cassation qui le dit dans un arrêt en date du 13 décembre 1962. [...]
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