Commentaire d'arrêt de la Cour de Cassation 1ère Chambre Civil, 7 novembre 200:0 entièrement rédigé sur la licéité d'une convention ayant pour objet la cession d'une clientèle civile d'un médecin.
La question que doit se poser le juge est la suivante: est-ce qu'une clientèle civile d'un fonds libéral peut-être considérée comme un objet dans le commerce, justifiant par-là même la licéité de l'objet du présent contrat? En l'espèce, l'arrêt du 7 novembre 2000 rejette ce pourvoi, opérant par-là même un revirement de jurisprudence en considérant que la cession d'une clientèle civile est un objet licite d'un contrat, mais il faut que les patients en question puissent conserver leur liberté de choix de leur praticien. Par quel raisonnement le juge parvient-il à faire d'une clientèle civile une chose de commerce au sens de l'article 1128 du Code civil?
I. Le principe d'indisponibilité de la clientèle civile et sa remise en cause par la présente jurisprudence
II. L'assimilation par le juge de la clientèle civile au fonds libéral: portée et limites de cette affirmation jurisprudentielle
[...] Or l'indisponibilité de la personne humaine est clairement affirmée par l'article 16-1 du Code civil: le corps est inviolable Par conséquent, les juges ont toujours refusé de valider une clause qui prévoit la cession, même à titre onéreux d'une clientèle (Civ. 1ère 23 janvier 1968). La seule exception à ce principe qui existe est le cas bien précis d'une reprise du fonds libéral par un successeur présenté à la clientèle, car la convention qui prévoit ce genre d'actes sera de nature patrimoniale (Civ. [...]
[...] Par conséquent, face à l'évolution de la profession de médecin, il semble logique que la jurisprudence évolue et considère les clientèles civiles comme des éléments du fonds libéral, c'est-à-dire du patrimoine même du praticien. Ceci tend à confondre peu à peu le statut des fonds libéraux et des fonds commerciaux. Toutefois, la condition sine qua non est que les patients puissent librement choisir d'aller en consultation chez le nouveau praticien ou chez un autre, ce que semble garantir pleinement l'arrêt de 2000. Cependant, le problème principal de cet arrêt est le fait qu'il ne justifie pas en droit ce parti-pris en faveur de la patrimonialisation de la clientèle civile. [...]
[...] Ensuite, il convient de rappeler que le juge ne fait que constater d'une part que l'objet du contrat est licite sans même le justifier en droit, et d'autre part il confirme l'interprétation des faits analysés au fond par les juges de la CA pour ce qui concerne la liberté ou non de choix pour les patients de leur clientèle. L'argumentation du juge en faveur de ce revirement de jurisprudence semble donc extrêmement légère. Par conséquent, on peut légitimement se demander si, malgré l'évolution de la profession de médecins, cet arrêt va avoir un réel écho pour les jurisprudences à venir. [...]
[...] En l'espèce, l'arrêt du 7 novembre 2000 rejette ce pourvoi, opérant par-là même un revirement de jurisprudence en considérant que la cession d'une clientèle civile est un objet licite d'un contrat, mais il faut que les patients en question puissent conserver leur liberté de choix de leur praticien. Par quel raisonnement le juge parvient-il à faire d'une clientèle civile une chose de commerce au sens de l'article 1128 du Code civil? En premier lieu, il faut voir que le principe d'indisponibilité de la clientèle qui a prévalu jusqu'à présent est réellement remis en cause par cette jurisprudence mais l'assimilation par le juge de la clientèle civile au fonds libéral lui-même en tant qu'élément du patrimoine peut avoir une certaine portée pour les jurisprudences futures, mais elle revêt surtout des limites (II). [...]
[...] En second lieu, la prise en compte du facteur de liberté du patient, une fois la cession de la clientèle effectuée, de changer de praticien, comporte un facteur aléatoire. Rien n'empêche en effet que tous les patients cédés à un autre praticien ne décident d'aller voir ailleurs. Cette éventualité ne comporte t'elle pas le risque que les juges décident de limiter la liberté pour les patients de changer de médecin? Il est possible de se poser la question, car un contrat aléatoire ne peut pas être annulé pour cette raison puisque l' aléa chasse l'erreur et donc la liberté des patients pourrait être menacée par des clauses visant à prévenir l'aléa. [...]
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