François Gény, "Science et technique en droit positif privé, III", n°206, 2e édition 1925 - le formalisme juridique

Résumé du document

Commentez cette pensée de Gény à la lumière du droit positif actuel : « Le formalisme juridique… n'est pas un monopole des législations archaïques, qui serait fatalement destiné à disparaître avec le progrès de la civilisation… S'il a pu varier dans ses manifestations, il semble, en lui-même, devoir compter toujours parmi les instruments indispensables d'une bonne technique juridique. »

Si le formalisme est indépassable, quelle est son actualité ? Quelle place peut-il conserver dans notre droit des contrats, et quels sont les avantages de cette technique qui permettent d'affirmer qu'elle ne sera pas amenée à disparaître ?
En quoi peut-on dire que le formalisme juridique n'est pas un résidu érodé du passé appelé à disparaître, mais plutôt une technique juridique du droit des contrats aux vertus limitées mais irremplaçables ?
Telle est la question qu'il convient de trancher à la lueur du droit positif afin d'apprécier la pertinence des propos de François Gény.

On montrera dans un premier temps que l'origine antique du formalisme ne l'a en effet pas empêché de s'adapter pour trouver une place qui semble indépassable dans notre droit des contrats (I), puis l'on montrera que cette technique juridique, en dépit de son renouveau et de sa modération, paraît malgré tout menacée (II).

Extraits

[...] Dans la mesure où l'interprétation dominante du formalisme est aujourd'hui d'inspiration consensualiste, et où le formalisme est parfois dépassé par les nouveaux modes d'échange du consentement, il convient d'apporter une nuance mineure au propos de François Gény. Le consensualisme est certes une bonne technique juridique, et il n'est pas la seule, ce qui explique son recours marginal. Néanmoins, l'émergence de nouveaux modes de contraction peut faire envisager leur multiplication et donc la marginalisation accentuée, jusqu'à la désuétude pratique, du formalisme. François Gény affirmait que le formalisme était indispensable au droit des contrats. [...]

[...] Mieux, certains contrats supposés écrits, comme le contrat d'apprentissage (art. L 117-2 du Code du travail) sont devenus solennels sous l'impulsion de la jurisprudence. Tout Contrat à Durée Déterminée non déclaré par écrit comme tel est ainsi un Contrat à Durée Indéterminée. Dans ce cas, le vice de forme prévient toute discussion sur le fond, et l'on peut dire que la forme décide du fond. On peut y voir une forme de formalisme lorsque le juge refuse d'entendre le fond au motif d'un vice de forme. [...]

[...] Enfin, le formalisme limite les cas de fraude à l'égard des tiers. Il empêche en effet toute dissimulation du contrat et permet aux tiers de prendre connaissance des contrats formés. A ces deux formes inscrites dans le Code civil, il faut ajouter les pratiques formalistes liées à la volonté des parties de donner à leur engagement une force probatoire. Ainsi, sachant que rien n'existe en droit que ce qui est prouvé, le formalisme peut sembler une garantie précieuse en cas de contestation d'un contrat. [...]

[...] François Gény, Science et technique en droit positif privé, III, n°206, 2e édition 1925 En faisant de la rencontre libre de deux volontés une condition nécessaire de la formation du contrat, les rédacteurs du Code civil impliquaient que celles-ci s'extériorisèrent, afin que chacun pût prendre connaissance de celle de l'autre avant de donner son consentement et de former le contrat. La problématique du formalisme s'inscrit en plein au cœur de cette étape de la formation du contrat au cours de laquelle les deux parties échangent leur consentement. [...]

[...] Selon François Terré, cet accroissement est lié au raisonnement a priori que mène le législateur. Parce qu'il raisonne abstraitement et cherche à limiter les contestations, le législateur serait tenté de renforcer la place du formalisme dans notre droit des contrats. L'augmentation du nombre de cas de contrats solennels est généralement justifiée par la complexité des actes considérés (mariage), ou encore leur dangerosité potentielle pour celui qui les initie (donation). La solennité est ici garante d'une réflexion sur l'engagement et de la prise de conseils avisés auprès d'un professionnel du droit. [...]