Cour de cassation, chambre commerciale, 4 mars 2008, défaut, obligation contractuelle
L'article 1150 du Code civil, confronte la notion de dol à la prévision du préjudice, en explicitant le fait que celle-ci puisse être écartée dans des cas particuliers de fautes du débiteur. Au sens de la loi, dans cet article, la notion de dol ne semble cependant pas aisée à cerner.
C'est pourtant précisément à cela que sera confrontée la Cour de cassation, lors du récent arrêt rendu par sa chambre commerciale le 4 mars 2008.
En l'espèce, une société avait confié l'acheminement de matériel Hi-fi à une autre société. Cette dernière confie à son tour cette tache à un transporteur, qui ne tenant pas compte d'une clause interdisant toute sous-traitance dans l'exécution du contrat de transport, sous-traite l'opération à une autre société de transport. Il s'avère que les marchandises ainsi transportées, furent dérobées à l'occasion du stationnement sur une aire d'autoroute du camion. La société Générali assurance, a alors indemnisé l'ayant droit du préjudice subi.
Etant subrogée dans les droits de la société initialement préjudiciée, la société d'assurance assigne le transporteur, qui appelle en garantie son sous traitant, devant la juridiction compétente, afin de se voir indemnisé du préjudice subi. Suite à l'interjection d'un appel, la Cour d'appel de Poitier, condamne le transporteur à indemniser la société d'assurance. Elle plafonnera cependant cette indemnité en vertu d'une clause limitative de responsabilité, qui bénéficie donc au débiteur, figurant au contrat de transport. L'assurance formera alors un pourvoi en cassation de l'arrêt, afin de voir écarter cette clause limitative de responsabilité.
La société d'assurance estimait en effet que le sous traitant avait commis une faute lourde, due à son comportement suffisamment grave pour rendre prévisible le dommage, de nature à écarter l'application de la clause limitative de responsabilité. La Cour de cassation relèvera cependant un second moyen d'office, tiré de la nature dolosive de la faute commise de manière délibérée, par la société qui a sous traité. Elle relèvera qu'il s'agissait bien d'une violation délibérée d'une obligation contractuelle.
[...] Sur le sujet la Cour de cassation s'inscrit donc dans une évolution logiquement. La preuve de l'intention de nuire n'est en théorie pas nécessaire, car la faute dolosive résulte clairement d'une inexécution délibérée, que le créancier aura cependant à charge de démontrer. Dans le cas en présence, la Cour de cassation adopte une vision élargie de la faute dolosive. Le dol n'était en effet ici guère contestable, car les stipulations du contrat exprimaient de manière parfaitement claire une interdiction de sous-traitance, ce que le transporteur n'a pas respecté. [...]
[...] En effet, pour écarter la clause limitative de responsabilité, la haute juridiction ne se souci pas de savoir si elle portait sur l'obligation essentielle du contrat, ou encore si elle était la cause principale du préjudice. Il apparait en effet qu'ici l'obligation de ne pas sous-traiter n'était pas une obligation essentielle dans l'exécution du contrat, contrairement à l'obligation de transporter la marchandise, à bon port et dans les délais convenus. Il ne s'agit donc nullement, comme cela pourrait éventuellement être le cas pour apprécier parfois l'existence d'une faute lourde, d'écarter une limitation de responsabilité pour contradiction à l'obligation essentielle de la convention, comme en atteste d'ailleurs, les deux arrêts rendus le 22 avril 2005 par la chambre mixte. [...]
[...] L'anéantissement de toute limitation en responsabilité en raison d'une telle faute, semble marquer la volonté du juge, de sanctionner par une répression accrue et intransigeante, du caractère intentionnel du non respect de l'obligation, qu'il y ait une volonté de nuire ou pas, à sa source. La sanction de la faute dolosive pourrait cependant se trouver adoucie dans certains cas, ou équilibrée, si le juge acceptait de distinguer la malveillance des autres types de cause de l'atteinte délibérée à une obligation. [...]
[...] Etant subrogée dans les droits de la société initialement préjudiciée, la société d'assurance assigne le transporteur, qui appelle en garantie son sous traitant, devant la juridiction compétente, afin de se voir indemnisé du préjudice subi. Suite à l'interjection d'un appel, la Cour d'appel de Poitier, condamne le transporteur à indemniser la société d'assurance. Elle plafonnera cependant cette indemnité en vertu d'une clause limitative de responsabilité, qui bénéficie donc au débiteur, figurant au contrat de transport. L'assurance formera alors un pourvoi en cassation de l'arrêt, afin de voir écarter cette clause limitative de responsabilité. [...]
[...] C'est donc de manière tout à fait justifiée, qu'en l'espèce, la Cour de cassation censurera le juge du fond, qui n'a pas relevé l'existence d'une faute dolosive, de nature à écarter l'application de la clause limitative de responsabilité. Cependant cette solution ne relève pas tant d'un principe dégagé dans son entier par la jurisprudence, mais d'avantage d'une appréciation large de la notion de dol abordée dans l'article 1150 du Code civil. Le juge répond en réalité, à une carence (peut être volontaire), du législateur qui n'a jamais entendu préciser ce terme dans la loi. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture