Cour de cassation, 1e Chambre civile, 21 novembre 2006, passage, obligation naturelle, obligation civile
G. Ripert, dans La règle morale dans les obligations civiles , développe l'idée selon laquelle l'obligation naturelle est un devoir moral montant à la vie juridique. L'arrêt de cassation de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 21 novembre 2006 envisage la question du passage de l'obligation naturelle à l'obligation civile.
En l'espèce, deux chirurgiens concluent le 20 janvier 1992 un contrat d'association pour une durée de cinq ans prévoyant le partage de leurs honoraires entre eux par parts égales pendant cette période. Un des deux chirurgiens ayant eu une activité beaucoup plus réduite que celle de son associé, il adresse à son confrère le 1er septembre 1996 un chèque en restitution partielle des émoluments versés pendant les cinq années de leur association. Il poursuit sa démarche le 1er février 1997 en écrivant qu'en raison d'une activité trop asymétrique durant leur association, il s'engageait à ne conserver que les sommes correspondant aux actes réalisés par lui et à reverser à son ancien associé la totalité des honoraires excédentaires. Le remboursement, prévu pour être échelonné sur cinq années, est effectué à partir septembre 1996 mais prend fin en mars 1999 suite à un arrêt des versements.
Une juridiction de première instance est saisie. Suite à la décision rendue en première instance, un appel est interjeté.
La Cour d'appel de Rennes, saisie d'une action en répétition de l'indu, accueille cette demande par un arrêt du 1er avril 2004. Elle exclut en effet l'existence d'une obligation naturelle entre les deux ex-associés et retient l'absence de cause.
Un pourvoi en cassation est formé.
[...] Cette décision est censurée par la Cour de cassation au visa des articles 1134 et 1235 alinéa 2 du Code civil. Nous verrons d'abord que l'erreur de la Cour d'appel selon la Cour de cassation est directement liée à son refus de retenir l'existence d'une obligation naturelle de l'un des ex-associés envers celui dont il s'estimait redevable et nous étudierons ensuite en quoi le visa de l'article 1134 du Code civil effectué par la Cour de cassation est remarquable A. [...]
[...] Une méconnaissance de l'article 1235 alinéa 2 du Code civil due au rejet de l'existence d'une obligation naturelle par la Cour d'appel La Cour d'appel a estimé que les versements en restitution d'honoraires effectués avaient été payés sans cause. Elle ordonne la répétition de l'indu : la restitution des remboursements d'honoraires déjà effectués et rejette l'existence d'une obligation naturelle : aucune obligation morale ne sert selon elle de cause aux remboursements. La Cour d'appel estime qu'un quasi-contrat lie les deux ex-associés : le bénéficiaire des remboursements, qui aurait reçu des paiements indûs, est contraint par la décision de la Cour d'appel de les restituer à celui qui a payé l'indû. [...]
[...] L'arrêt de cassation de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 21 novembre 2006 envisage la question du passage de l'obligation naturelle à l'obligation civile. En l'espèce, deux chirurgiens concluent le 20 janvier 1992 un contrat d'association pour une durée de cinq ans prévoyant le partage de leurs honoraires entre eux par part égales pendant cette période. Un des deux chirurgiens ayant eu une activité beaucoup plus réduite que celle de son associé, il adresse à son confrère le 1er septembre 1996 un chèque en restitution partielle des émoluments versés pendant les cinq années de leur association. [...]
[...] Si le visa de l'article 1235 ne prête à aucune réserve, il n'en est pas de même pour l'article 1134 ; cela fera l'objet de notre seconde sous- partie. B. Le visa remarquable de l'article 1134 du Code civil L'arrêt de cassation du 21 novembre 2006, qui vise l'article 1134 du Code civil, est pourvu d'une portée non négligeable selon R. Libchaber. L'article 1134 du Code civil dispose que Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. [...]
[...] Fages[5], si la volonté du médecin de réduire sa part dans les honoraires communs s'était manifestée pendant la durée de vie du contrat, il aurait été question de la révocation mutuelle de l'accord initial, nécessitant le consentement de son associé. Le contrat d'association ayant pris fin lors de l'envoi de la lettre, il ne pouvait être question selon l'auteur que d'une obligation naturelle de l'un des ex- associés envers celui dont il s'estimait redevable. Les notions d'obligation naturelle et de morale sont intrinsèquement liées. La Cour de cassation emploie par exemple le terme de devoir de conscience dans un arrêt du 23 mai 2006 en lieu et place d' obligation naturelle Selon R. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture