La décision qui nous est présentée est rendue par la Cour de cassation le 14 décembre 1999. Cette décision traite de la distinction entre contrat de vente et contrat d'entreprise. Elle est intéressante en ce qu'elle détermine exactement les critères à retenir afin de distinguer entre contrat de vente et contrat d'entreprise.
En l'espèce, une société a procédé à la fourniture et à l'installation de nouveaux matériaux sur le bateau de M. Dagorn. A la suite d'avaries de l'installation, celui-ci a assigné en responsabilité la société qui a demandé le paiement de ses factures de travaux et fournitures.
M. Dagorn interjette appel. La Cour d'appel de Rennes, par un jugement du 2 juillet 1997, accueille sa demande. L'arrêt constate que la société avait fourni les moteurs litigieux à M. Dagorn, en vue de les installer dans le système hydraulique du navire appartenant à celui-ci, et que le contrat n'était donc pas un contrat de vente.
De plus, la Cour d'appel s'est bornée à relever dans le contrat litigieux une "part élevée" de petites fournitures et de main-d'œuvre, sans préciser l'importance respective de la main-d'œuvre et de la matière fournies. La société forme un pourvoi en cassation, et argue que la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1582 et 1787 du Code civil.
[...] Il en a été ainsi pour la construction d'une centrale thermique (Cass. 3e civ mars 1977) ou l'installation d'une serre (Cass. com janv. 1978). Enfin, quelquefois, le législateur a lui-même créé et résolu la situation ambiguë. Ainsi en va-t-il de la vente d'immeubles à construire, contrat dans lequel le vendeur s'oblige à édifier l'immeuble dans un délai déterminé par le contrat, selon l'article 1601-1 du Code civil, et qui paraît donc obéir à l'obligation de faire du contrat d'entreprise alors qu'il est classé, par le Code civil, dans le chapitre relatif à la vente et que son régime juridique obéit, de manière cumulative, aux régimes de la vente et de l'entreprise. [...]
[...] Dans les deux cas, il y a transfert de propriété d'une chose. Donc on pourrait penser à la vente. Dans un certain nombre de cas, les choses sont réalisées sur demande spéciale du client. La distinction la plus simple est le prêt-à- porter et le sur mesure. Si le produit a été fabriqué en série et qu'il est disponible pour n'importe quelle personne intéressée, on va qualifier le contrat de contrat de vente. À l'inverse, si le produit a été réalisé pour un client déterminé et selon ses exigences, le contrat sera qualifié de contrat d'entreprise. [...]
[...] La responsabilité de l'entrepreneur, dans un contrat d'entreprise, est de nature contractuelle. Si l'ouvrage une fois livré a causé un dommage au client, ce dernier pourra agir en justice. Il est possible de faire appel à deux techniques contractuelles. Tout d'abord par l'alourdissement de la responsabilité de l'entrepreneur, par l'insertion de clauses pénales dans le contrat. Elles évaluent forfaitairement le préjudice causé au client en cas de défaillance de l'entrepreneur. Elles ont un effet essentiellement coercitif, et visent à dissuader l'entrepreneur de ne pas réaliser l'ouvrage. [...]
[...] Le critère de spécificité est issu d'un groupe de recherche des années 1980. L'objet est pratiquement unique dans ses spécificités et répond aux besoins particuliers du commanditaire. Donc il s'agit d'un contrat d'entreprise, alors qu'un objet produit en série, standardisé, sera lié à un contrat de vente. Deux conditions sont nécessaires pour appliquer ce critère : un produit spécial et le donneur d'ordre qui définit les caractéristiques (l'arrêt 3e civ février 1985 reprend cette doctrine) Dans l'arrêt Com mars 2001, la Cour de cassation confirme la nécessité de ces 2 conditions : mais attendu que les spécifications demandées ne constituaient, pour un produit particulier, que le minimum d'informations indispensable à l'examen de la demande (2nde condition) et que ces spécifications ne traduisaient pas une exigence impliquant une confection particulière (1re condition) absence des 2 conditions contrat de vente. [...]
[...] En effet, c'est ainsi que les tribunaux peuvent se prononcer sur la nature même du contrat remis en cause. Car la différence entre le contrat de vente et le contrat d'entreprise réside en plusieurs notions : le prix, le travail fourni, les termes de maître de l'ouvrage et d'entrepreneur. Le problème de qualification se rencontre souvent. En tout cas pour toutes les entreprises qui livrent des produits à leur clientèle. Réalisent- elles des contrats de vente ou des contrats d'entreprises ? [...]
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