Commentaire de l'arrêt rendu par la Cour de Cassation 1ère Civ. 7 novembre 2000 - la licéité de la cession d'une clientèle civile
La question de la licéité de la cession d'une clientèle civile a été longtemps débattue par la doctrine. La question tourne autour de la définition même du mot client qui dans son origine latine « clientes » définissait un groupement de personnes. La question qui se pose est alors de savoir si une clientèle est un groupement de personne, auquel cas une cession de clientèle est illicite puisqu'elle constitue un objet hors commerce au sens de l'article 1128 du Code civil, ou bien est-elle rattachée à la profession comme constituant un objet de l'exercice de celle-ci ? La cession d'une clientèle commerciale, dans cette optique, est, elle, toujours cessible en tant qu'attachée au fond de commerce.
I Le revirement de jurisprudence est conforme à une évolution sociologique
II Une position aux effets pratiques limités mais révélatrice d'une jurisprudence de plus en plus libérale
[...] Il s'agit ici d'une convention de cession de clientèle entre deux médecins contre une indemnité de francs qui ont conclu d'autre part une convention de garantie d'honoraires. Le médecin cessionnaire (M. Sigrand) assigne le médecin cédant (M. Woessner) pour manquement à ses obligations vis-à-vis de sa clientèle. M. Woessner, de son côté, réclame le paiement de la somme lui restant due au terme de la convention. La Cour d'appel de Colmar rend un arrêt le 2 avril 1998 annulant la convention et condamnant M. [...]
[...] Cette position est discutable en l'espèce car il résultait de la convention passée entre M. Woessner et M. Sigrand que le patient avait une option restreinte au choix entre deux praticiens ou à l'acceptation d'un chirurgien différent de celui auquel ledit patient avait été adressé par son médecin traitant La liberté de choix du patient paraît ici bien conservée. On se demande alors quels seront en pratique les effets qu'une convention de cession de clientèle produira en plus de ceux produits par une convention de présentation de clientèle. [...]
[...] La question qui se pose est celle de l'assimilation des sociétés civiles aux sociétés commerciales. Cet arrêt, dans son troisième alinéa fait en effet référence à l'existence d'un fonds libéral d'exercice de la profession qui fait tout de suite penser à la notion de fonds de commerce A partir de là, on peut penser que dans les jurisprudences futures, on aura de plus en plus tendance à appliquer le régime du fond de commerce à ce fonds libéral d'exercice de la profession avec la publication de la cession du fonds et pourquoi pas une possibilité offerte au professionnel libéra de conclure un nantissement sur son fonds libéral Cette jurisprudence est encore trop récente pour se prononcer sur ces questions, mais à partir du fait que l'on considère le fonds libéral d'activité professionnelle comme entré dans le champ du commerce, on peut se demander ce qui peut alors faire obstacle à l'assimilation totale de la société civile à la société commerciale. [...]
[...] Néanmoins cette conception ne prend pas en compte le fait que dans l'activité commerciale comme dans l'activité civile, il convient de prendre en compte la valeur économique de celle-ci. B/La licéité de la cession de clientèle civile Si la licéité de la cession de clientèle civile conduit à prendre en compte la valeur économique de cette clientèle, on peut dire que ce revirement de jurisprudence est de puis longtemps amorcée. Car si l'on n'admettait pas la cession de clientèle civile, on admettait néanmoins les conventions de présentation de clientèle civile bien sûr contre rémunération. [...]
[...] La Cour de cassation effectue ici un revirement de jurisprudence par rapport à la conception traditionnelle qui veut qu'une convention de cession d'une clientèle civile soit considérée comme ayant un objet illicite. Cette position semble conforme à l'évolution sociologique et même si ce revirement à des effets pratiques limités, elle n'en ai pas moins révélatrice d'une position jurisprudentielle de plus en plus libérale (II). I Le revirement de jurisprudence est conforme à une évolution sociologique Ce revirement de jurisprudence prend en compte l'évolution sociologique puisque la jurisprudence traditionnelle justifiait sa position par le rôle de l'intuitu personae dans le rapport entre client civil et professionnel libéral il apparaît alors la logique de l'admission de la licéité de la cession de clientèle civile La conception traditionnelle et l'intuitu personae La jurisprudence antérieure à l'arrêt du 7 novembre 2000 justifiait sa position en se fondant sur le rapport spécifique de confiance qui existe entre la clientèle civile et le professionnel libéral comme par exemple le lien particulier (que l'on peut encore difficilement dénier aujourd'hui) qui unit le patient à son médecin généraliste. [...]
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