Commentaire de l'arrêt : Cassation 1ère Civ. 3 juillet 1996
La première Chambre civile suit les conclusions de la Cour d'appel de Grenoble et rejette le pourvoi de la société. La cour d'appel avait en effet estimé que « le contrat était dépourvu de cause, dès lors qu'était constaté le défaut de toute contrepartie réelle à l'obligation de payer le prix de location des cassettes ». La Cour de Cassation a donc validé le raisonnement de la Cour d'appel en s'éloignant de la conception traditionnelle de la cause de l'obligation. Avec cet arrêt, elle pose ainsi les fondements d'une nouvelle évolution jurisprudentielle, l'économie du contrat.
La chambre civile de la cour de cassation semble adhérer à une définition hybride de la cause (I), qui, sous certaines conditions, peut permettre au juge d'opérer un contrôle de l'équilibre économique de la convention (II).
[...] La position de la Cour de cassation peut toutefois susciter des réserves. La pertinence théorique de la solution peut notamment être discutée, car elle floue plus encore la notion de cause, et semble opérer un contournement indirect des règles de la lésion, qui n'est sanctionnée que de façon exceptionnelle dans le Code civil. D'un point de vue pratique, la solution pourrait également se révéler dangereuse si la Cour acceptait trop facilement l'annulation des contrats déséquilibrés, conclus, peut-être, par des contractants trop naïfs. [...]
[...] Or, cette définition ne correspond pas à la notion classique de cause retenue en droit positif. En effet, l'arrêt ne peut être justifiée par une application de la notion habituelle de cause objective. Le contrat porte en l'espèce sur la location de cassettes vidéos. La cause de l'obligation de paiement du locataire est donc la mise à disposition de cassettes qui est réelle et a été correctement exécutée. Au sens classique, la cause de l'obligation existe donc, et ne saurait être la source de l'annulation du contrat. [...]
[...] Il y a donc une immixtion dans la liberté contractuelle de l'autre. Un intérêt grandissant pour les motifs des cocontractants : une source d'insécurité juridique En l'espèce, l'obligation de payer le prix des cassettes avait une cause, pourtant le locataire a fait valoir que la cause subjective faisait défaut. La raison subjective pour laquelle il avait loué des cassettes était de les diffuser aux personnes de son village, mais il n'a jamais eu de clients. Cette raison d'être n'avait pas de réalité et la Cour de cassation a donné raison au locataire. [...]
[...] L'adoption d'une notion originale de la cause La cour de cassation, dans cet arrêt, approuve explicitement la décision de la cour d'appel, qui s'est référée à une notion hybride de la cause, définie comme « l'exécution du contrat selon l'économie voulue par les parties ». Cette solution est à l'origine d'un principe jurisprudentiel repris notamment par une décision de la chambre commerciale de la Cour de cassation le 27 mars 2007. Cet arrêt disposait de faits quasi-identiques et la solution prise est voisine. [...]
[...] La Cour de Cassation a donc validé le raisonnement de la Cour d'appel en s'éloignant de la conception traditionnelle de la cause de l'obligation. Avec cet arrêt, elle pose ainsi les fondements d'une nouvelle évolution jurisprudentielle, l'économie du contrat. La chambre civile de la cour de cassation semble adhérer à une définition hybride de la cause qui, sous certaines conditions, peut permettre au juge d'opérer un contrôle de l'équilibre économique de la convention (II). La prise en compte d'une notion hybride de la cause La notion de cause mise en œuvre par la cour d'appel, et approuvée par la cour de cassation, ne correspond pas aux conceptions classiques de ce concept les juridictions retenant ici une conception originale de la cause Le rejet des conceptions classiques de la cause La cause objective de l'obligation de chaque partie au contrat correspond à la raison d'être générale de l'engagement des parties, c'est-à-dire qu'elle répond à la question: pourquoi le débiteur exécute-t-il son obligation? [...]
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