Vice, consentement, violence, cassation, 3 avril 2002
« Plus encore que la fourberie, notre droit réprouve la violence qui s'exerce à l'encontre d'un contractant, » c'est ce qu'énoncent François Terré, Philippe Simler, et Yves Lequette, dans droit civil – les obligations. Ainsi, le droit français compte parmi les vices de consentement non seulement l'erreur et le dol mais aussi la violence. C'est ce qui résulte de l'article 1109 du code civil qui dispose qu'« il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol. » La violence est une pression exercée sur le contractant pour le contraindre à donner son consentement, elle se caractérise donc par une contrainte exercée sur la volonté d'un individu moyen afin qu'il s'engage dans les liens du contrat, et prend la forme de menaces qui entravent la liberté du consentement, c'est un délit civil pour celui qui l'exerce et un vice du consentement pour celui qui l'a subie. Toutefois, si le code civil reconnait le vice de consentement pour violence, les différentes possibilités de manifestations du vice de violence n'y sont pas précisées. En conséquence, certaines manifestations de violence ont été plus facilement acceptées que d'autres par la jurisprudence comme pouvant constituer un vice de violence. On distingue habituellement trois formes de violence économique. Tout d'abord, la violence peut être physique ce qui est assez rare et la violence peut être morale, ces violences ne font pas tellement l'objet de débats notamment en jurisprudence. À ces deux manifestations de la violence, s'est ajoutée la violence économique, vice de consentement qui fait l'objet de débats notamment en jurisprudence, comme c'est le cas dans cet arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation.
En l'espèce, une salariée d'une maison d'édition avait, selon une convention à titre onéreux en date du 21 juin 1984 conclue avec son employeur, reconnu la propriété de ce dernier sur tous les droits d'exploitation d'un dictionnaire qu'elle avait contribué à rédiger fournissant ainsi dans le cadre de son contrat de travail une activité supplémentaire. Licenciée quelques années plus tard (en 1996), elle assigne la société en nullité de la cession pour violence. La Cour d'appel accueille sa demande, la maison d'édition se pourvoit alors en cassation. Selon la Cour d'appel, il y a vice de consentement pour violence pour trois raisons : premièrement, le statut salarial de la rédactrice qui la plaçait en situation de dépendance économique ; deuxièmement, le risque réel et sérieux de licenciement inhérent à l'époque au contexte social de l'entreprise ; et troisièmement, l'obligation de loyauté de la rédactrice envers son employeur. On insiste donc sur la situation de dépendance économique de la salariée et de sa difficulté à contracter surtout par crainte de perdre son emploi.
Il convient en conséquence de se poser la question suivante : une simple situation de dépendance économique suffit-elle pour invoquer un vice de consentement pour violence ? La Cour de cassation répond par la négative en censurant cette décision pour manque de base légale. En effet, la première chambre civile de la Cour de cassation, par arrêt en date du 3 avril 2002, casse et annule la décision de la cour d'appel sur le fondement de l'article 1112 du code civil relatif à la violence aux motifs que « seule l'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique, faite pour tirer profit de la crainte d'un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, peut vicier de violence son consentement ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans constater, que lors de la cession, Mme X... était elle-même menacée par le plan de licenciement et que l'employeur avait exploité auprès d'elle cette circonstance pour la convaincre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision »
[...] En effet, il n'a jamais adressé de menaces à sa salariée, il n'a donc exercée aucune pression sur sa salariée. Il aurait ainsi pu contraindre sa salariée en la menaçant directement de la licencier en cas de refus de signer ladite convention, mais il ne l'a pas fait. C'est justement parce que la cour d'appel n'a pas caractérisé le rôle du contractant dominant, c'est-à-dire de l'employeur, que la Cour de cassation n'ayant ainsi détecté aucun abus de sa part, a cassé son arrêt : sans constater, [ ] que l'employeur avait exploité auprès d'elle le plan de licenciement pour la convaincre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision Ainsi, une situation de dépendance économique ne suffit pas pour prouver une violence économique, il faut que cette situation ait été exploitée. [...]
[...] Ainsi, le droit français compte parmi les vices de consentement non seulement l'erreur et le dol mais aussi la violence. C'est ce qui résulte de l'article 1109 du code civil qui dispose qu'« il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol. La violence est une pression exercée sur le contractant pour le contraindre à donner son consentement, elle se caractérise donc par une contrainte exercée sur la volonté d'un individu moyen afin qu'il s'engage dans les liens du contrat, et prend la forme de menaces qui entravent la liberté du consentement, c'est un délit civil pour celui qui l'exerce et un vice du consentement pour celui qui l'a subie. [...]
[...] Il aurait donc fallu, pour admettre la violence économique comme vice de consentement, caractériser le comportement actif du contractant dominant en montrant qu'il a exploité abusivement une situation de dépendance économique dans le but d'en tirer un avantage indu. En l'espèce, aucune exploitation abusive n'a été caractérisée et en conséquence aucune volonté d'en tirer profit, mais dans le cas contraire, il aurait fallu prouver que la convention conclue à titre onéreux profitait au contractant dominant. En l'espèce, aucune information ne nous être donnée sur le profit réalisé par l'employeur mais il semble y en avoir un puisque la salariée cherche à obtenir l'annulation de cette convention. [...]
[...] Si la Cour de cassation avait rattaché la contrainte économique à la lésion, c'était refuser sa sanction car la lésion (article 1118 du code civil) n'est sanctionnée que dans des cas limités (en matière mobilière sous certaines conditions et uniquement pour le vendeur, en cas d'incapacité sous certaines conditions également, et en cas de partage). C'est dans ce cadre que l'arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 3 avril 2002 intervient et s'inscrit dans la continuité de cette évolution jurisprudentielle. En effet, cet arrêt, par rapport à celui de 2000, vient restreindre l'acceptation de la notion de violence économique en précisant les conditions dans lesquelles elle peut être reconnue comme vice du consentement. [...]
[...] La Cour de cassation ne contestant pas cette position de la Cour d'appel, on peut estimer qu'elle l'entérine. Ce faisant, il semblerait que soit établie une certaine corrélation entre la situation de dépendance économique et le salariat, ce qui est alors contestable puisque le salariat n'entraine pas ipso facto une situation de dépendance économique, il est uniquement synonyme de lien de subordination juridique. Le salarié est en effet juridiquement subordonné à son employeur ce qui ne signifie pas qu'il dépende de lui économiquement car il n'est pas dans l'obligation de maintenir sa relation contractuelle avec son employeur pour survivre économiquement, il peut changer d'emploi par exemple. [...]
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