A la suite d'une décision rendue par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 30 avril 1997, la doctrine, et plus précisément Denis Mazeaud ont fait référence au pacte de préférence comme au « parent pauvre des avant-contrats. » Cette expression témoigne parfaitement de la faible valeur contraignante du pacte de préférence en tant qu'avant-contrat. Ainsi, Dimitri Houtcieff affirme que « le pacte de préférence est l'une des figures les moins contraignantes des avant-contrats. » Le pacte de préférence est donc un quasi-contrat c'est-à-dire un contrat préparatoire à la conclusion d'un autre contrat tout comme le sont les promesses unilatérales et les promesses synallagmatiques. Mais, le pacte de préférence n'est qu'une convention par laquelle une personne s'engage, pour le cas où elle se déciderait à vendre un bien, à l'offrir en priorité au bénéficiaire du pacte. C'est dans ce contexte de remise en cause du caractère contraignant du pacte de préférence par la doctrine que la chambre mixte de la Cour de cassation intervient par une décision en date du 26 mai 2006 et redonne au pacte de préférence un peu plus de force.
En l'espèce, une donation-partage contenant un pacte de préférence à la charge d'un attributaire est effectuée en décembre 1957. Une partie de ce bien immobilier est ensuite transmise en aout 1985 par une nouvelle donation-partage qui rappelle le pacte de préférence. Toutefois, peu après, en décembre 1985, le nouveau propriétaire de cette parcelle (Monsieur Ruini A) la vend par acte notarié à une société civile immobilière (la société Émeraude). En 1992, le bénéficiaire du pacte de préférence (Madame Y) réclame alors sa substitution dans les droits de l'acquéreur c'est-à-dire dans les droits de la société civile immobilière et, de façon subsidiaire, le paiement de dommages et intérêts. La Cour d'appel de Papeete, le 13 février 2003, déboute le bénéficiaire du pacte de sa demande, celui-ci forme alors un pourvoi en cassation.
Il invoque, dans son pourvoi, l'absence d'obstacle à l'exécution forcée du pacte de préférence et ce peu importe la nature de l'obligation : s'il s'agit d'une obligation de faire alors celle-ci ne se résout en dommages et intérêts que si l'exécution en nature est impossible, et, s'il s'agit d'une obligation de donner, la substitution du bénéficiaire du pacte dans les droits du tiers aux mêmes conditions doit être la priorité. Le bénéficiaire du pacte de préférence rappelle également que le tiers acquéreur, c'est-à-dire la société civile immobilière, avait connaissance de l'existence du pacte de préférence du fait de sa publication à la conservation des hypothèques.
La chambre mixte de la Cour de cassation, dans cet arrêt du 26 mai 2006, énonce que « si le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'exiger l'annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d'obtenir sa substitution à l'acquéreur, c'est à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu'il a contracté, de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir. » Toutefois, elle rejette le pourvoi car une des conditions fait en l'espèce défaut : il n'a pas été « démontré que la société Émeraude savait que Mme Y... avait l'intention de se prévaloir de son droit de préférence » donc elle approuve la Cour d'appel d'avoir retenu que « la réalisation de la vente ne pouvait être ordonnée au profit de la bénéficiaire du pacte ;»
[...] Cette dernière hypothèse n'est toutefois pas à mettre de suite aux oubliettes puisque le projet de réforme du droit des contrats dans son article 35 (alinéa 3 et institue une action interrogatoire qui aboutirait à ce partage de la preuve : Lorsque le tiers présume l'existence d'un pacte de préférence, il peut mettre en demeure son bénéficiaire d'avoir à confirmer son existence dans un délai raisonnable. La mise en demeure mentionne en termes apparents qu'à défaut de réponse, le bénéficiaire du pacte de préférence ne pourra plus se prévaloir de la nullité du contrat à son égard. [...]
[...] Le bénéficiaire du pacte de préférence rappelle également que le tiers acquéreur, c'est-à- dire la société civile immobilière, avait connaissance de l'existence du pacte de préférence du fait de sa publication à la conservation des hypothèques. La chambre mixte de la Cour de cassation, dans cet arrêt du 26 mai 2006, énonce que si le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'exiger l'annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d'obtenir sa substitution à l'acquéreur, c'est à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu'il a contracté, de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir. [...]
[...] Cette possibilité a notamment été reconnue dans un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 26 octobre 1982 et dans un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation le 10 février 1999. En l'espèce, la Jurisprudence rappelle l'existence de cette sanction : le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'exiger l'annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits Mieux encore, elle insiste sur la force que constitue cette sanction pour le bénéficiaire du pacte de préférence : celui-ci a en effet le droit de l'exiger. [...]
[...] Toutefois, on peut remarquer que l'admission de la sanction du non respect du pacte de préférence par la substitution semble ne pas être la sanction privilégiée par la Jurisprudence : en effet, la Cour de cassation ne dit pas que le bénéficiaire du pacte de préférence est en droit d' exiger sa substitution à l'acquéreur, comme elle l'a énoncé pour l'annulation, elle se contente de dire qu'il peut l' obtenir Étant donné que la Cour de cassation admet pour la première fois la substitution on peut s'interroger sur le fondement même de cette admission. En effet, auparavant, la substitution était refusée sous couvert de l'article 1142 du Code civil ce qui sous entendait que le pacte de préférence s'appréciait en une obligation de faire ou de ne pas faire. [...]
[...] Une telle solution était évidemment très critiquable et a été critiquée car bien que la collusion frauduleuse entre le promettant et le tiers ait été manifeste, la Cour de cassation ne s'attarde pas sur ce point et se contente d'appliquer l'article 1142 du Code civil. Cette solution, si elle est irréprochable juridiquement, n'est évidemment pas équitable. Ces iniquités manifestes engendrées par la Jurisprudence de la Cour de cassation vont finir par prendre fin le 26 mai 2006 Pour la première fois, la Cour de cassation admet la substitution du bénéficiaire dans les droits du tiers acquéreur comme sanction de l'inexécution du pacte de préférence par le promettant : le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit [ ] d'obtenir sa substitution à l'acquéreur. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture