Cour de cassation, première chambre civile, 10 octobre 1995, transformation, obligation naturelle, obligation civile
Pothier, un jurisconsulte français du XVIIIe siècle déclarait que « dans le for de l'honneur et de la conscience, oblige celui qui l'a contractée à l'accomplissement de ce qui y est contenu ».
Selon Pothier, quand une personne prend un engagement, son honneur et sa conscience l'oblige à s'y tenir. L'honneur et la conscience sont des notions personnelles qui n'entrainent pas d'effets juridiques. La jurisprudence s'est pourtant attachée à y joindre des conséquences légales grâce à plusieurs arrêts. On peut citer celui de la première chambre civile de la Cour de cassation rendu le 10 octobre 1995. Plusieurs collègues de travail s'étaient arrangés pour pouvoir jouer aux courses. Grâce à ses horaires, l'un d'eux allait valider les tickets des autres qui les lui confiaient. Il était convenu d'un commun accord entre les parties que si l'un des collègues gagnait, celui qui avait déposé le ticket gagnant recevrait 10% des gains. Effectivement, l'un des ces hommes emporta la somme de 1 495 777 francs grâce à un ticket comportant la bonne combinaison du « Quinté plus ». Ce même jour son collègue avait déposé son ticket auprès du PMU, n'ayant pas réussi à faire entrer le ticket qui lui était confié dans la machine, il fut contraint de refaire un nouveau ticket en faisant malgré lui une erreur de numéro. C'est ce ticket erroné, qui s'est révélé gagnant. Après l'annonce du résultat, l'heureux gagnant averti son collègue, grâce auquel il avait gagné, qu'il lui verserait sa part comme convenu. Cependant quelques jours plus tard celui-ci se rétractait et refusait de verser 10% de ses gains à son collègue.
[...] Le créancier d'une obligation naturelle ne peut donc pas obliger le débiteur à s'exécuter. En conséquence un obligation naturelle ne peut faire l'objet d'une exécution forcée. D'une part la théorie objective définie l'obligation naturelle comme étant une obligation civile prescrite. D'autre part, la théorie subjective déclare qu'une obligation naturelle peut naître d'un devoir de conscience quand une personne se croit moralement obligée envers une autre. La jurisprudence en donne une définition claire, il y a obligation naturelle chaque fois qu'une personne verse une somme d'argent à une autre en vertu d'un devoir de conscience, de reconnaissance ou d'honneur Dans une obligation naturelle un personne s'engage donc d'elle même de manière unilatéral envers une autre. [...]
[...] La Cour de cassation consacre ici la transformation de l'obligation naturelle en obligation civile en la soumettant au même régime de preuve que les actes juridiques. D'autres décisions ont confirmé et alimenté cette thèse si bien que le législateur pourrait être tenté de la suivre également. Vers une future consécration légale La Cour de cassation admet donc ici qu'un engagement unilatéral de volonté peut suffire à faire naître une obligation civile. D'autres décisions de la Cour de cassation vont également dans ce sens et réaffirment les bases posées par l'arrêt du 10 octobre 1995. [...]
[...] La Cour de cassation, dans son arrêt du 10 octobre 1995, précise alors que le preuve de la promesse doit être établie selon les règles générales de preuves des actes juridiques définies aux article 1341 et suivants du Code civil. L'article 1341 exige une preuve par écrit authentique ou sous seing privé pour tous les actes juridiques portant sur une somme excédant une valeur prévue par décret. Cette valeur est aujourd'hui fixée à mille cinq cent euros. Ainsi si une obligation porte sur une somme supérieure à mille cinq cent euros, il est nécessaire de prouver l'engagement du débiteur grâce à un écrit. [...]
[...] La promesse: cause de la transformation en obligation civile Une obligation naturelle est donc le fait pour une personne de se sentir obligée envers une autre. Un individu s'auto-proclame alors débiteur. Il est en effet difficile de concevoir qu'une personne puisse se déclarer créancière de manière unilatérale. Dans le cas où une personne se donne un engagement et promet à une autre de le remplir, l'obligation naturelle se transforme en obligation civile. C'est en effet la solution donnée par la Cour de cassation dans son arrêt du 10 octobre 1995. [...]
[...] Plusieurs projet de réforme du droit des obligations sont actuellement en cours suite aux conclusions jurisprudentielles. On peut citer l'article 1151 de l'un d'eux qui dispose que l'obligation naturelle recouvre un devoir de conscience envers autrui. Elle peut donner lieu à une exécution volontaire, sans répétition, ou à une promesse exécutoire de s'en acquitter Ainsi l'obligation naturelle serait définie comme un devoir moral pris par une personne qui s'auto-proclame débitrice et s'oblige elle même à l'exécuter volontairement. Cet article reprend également les dispositions de l'actuel article 1235 du Code civil qui dispose que la répétition n'est pas admise à l'égard des obligations naturelles volontairement acquittées Cet article défini également l'obligation naturelle comme une promesse exécutoire et signale donc qu'un pouvoir de contrainte existe pour le créancier dans le cas où le débiteur de s'exécute pas. [...]
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