CA; Cour de cassation; 22 octobre 2009; responsabilité du fait des choses; instrument du dommage; faute de la victime; exonération
Par un arrêt en date du 22 octobre 2009, la Deuxième Chambre de la Cour de cassation a eu l'occasion de se prononcer sur la notion parfois controversée de responsabilité du fait des choses. En l'espèce, M. X passe un contrat de transport avec le Régie autonome des transports parisiens (RATP). Il boit à lui seul deux bouteilles de vin dans la soirée (procès-verbal d'audition de M.X datant du 4 janvier 2005). Il descend du train dans un état d'imprégnation alcoolique avéré et chute sans que le quai, jugé en bon état, et sans que le train ne soient intervenus. Il s'est alors coincé le pied entre le quai et le wagon sans réussir à se relever par la suite. Le train l'a ensuite trainé sur plusieurs mètres. M. X a donc été victime d'un dommage corporel dont le train était l'instrument. M. X a alors assigné la RATP et le chauffeur de la rame en responsabilité et indemnisation de son préjudice devant le tribunal de grande instance. Une des parties interjette appel de la décision. La Cour d'appel de Versailles, dans un arrêt en date du 26 juin 2008, déclare la RATP responsable à hauteur de 20 % des conséquences dommageables de la chute dont a été victime M. X en vertu de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil, considérant qu'il n'a pas été démontré que la chute constituait un évènement imprévisible. La RATP se pourvoi alors en cassation arguant que le train n'était en rien à l'origine de la chute ayant causé le dommage, chute qui était uniquement dû à l'inattention de M. X se trouvant alors dans un état d'imprégnation alcoolique avéré. La Cour de cassation a alors dû répondre au problème suivant : la responsabilité délictuelle d'un transporteur peut-elle être engagée en vertu de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil lorsque la chute d'un homme, ayant été causé seulement par un manque d'attention avéré, précède un dommage corporel dont l'instrument était un véhicule sous la garde du transporteur ? La Deuxième Chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 22 octobre 2009, a estimé que si le train n'a pas été à l'origine de la chute, il a été pour partie au moins, l'instrument du dommage et que La RATP, ne démontrant pas que la chute d'un usager sur un quai et le heurt qui s'ensuit avec un wagon, constituent un événement imprévisible, doit être présumée responsable des conséquences dommageables de l'accident. Cependant, en raison de la faute d'inattention et du défaut de vigilance manifeste de la victime qui a chuté sans rencontrer d'obstacle alors qu'elle se trouvait dans un état d'imprégnation alcoolique avéré, faute qui a manifestement contribué et dans une large part à la réalisation de son dommage, la Cour de cassation confirme l'exonération partielle de la responsabilité de la RATP et de ne la retenir que dans une proportion de 20 %. La présomption de responsabilité du fait des choses est réaffirmée (I) mais la Cour de cassation confirme l'atténuation de la responsabilité lorsque la victime commet une faute avéré ayant contribué à la réalisation d'un dommage (II).
[...] En effet, on ne parle pas de commission de faute mais bien de dommage. En l'espèce, aucune faute n'incombe au train ou au conducteur qui ne pouvait pas voir l'homme à terre. La chose doit seulement agir matériellement dans la production du dommage, il faut qu'elle ait joué un rôle actif et qu'elle ait été l'instrument du dommage. Puisque la chose en question n'était pas inerte, la victime n'avait pas besoin de prouver l'intervention de la chose et son rôle actif. [...]
[...] La jurisprudence a mis un certain temps à accepter l'interprétation large de la notion de chose et il serait quelque peu regrettable de voir une nouvelle fois l'application de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil être fortement limitée. Le cas de force majeur ne peut et ne doit pas devenir le cas général. La réponse de la Cour de cassation est ambigüe. En effet, les parties n'ont pas démontré la force majeure mais elle rappelle qu'elle peut engendrer une exonération. [...]
[...] Le maintien d'une présomption de responsabilité du fait des choses. Dans un premier temps, la Cour de cassation prend note du fait que le caractère imprévisible de l'accident n'a pas été démontré et que, dans ses conditions, la présomption de responsabilité du fait des choses est applicable si la chose a été l'instrument du dommage L'absence de preuve du caractère imprévisible de l'accident. En l'espèce, le fait que la Cour de cassation prenne note que le caractère imprévisible de l'accident n'a pas été démontré sous entend que s'il l'avait été, le gardien aurait été partiellement ou totalement exonéré. [...]
[...] Cependant, il est exclu de rejeter la présomption de responsabilité de la RATP. Il faut alors trouver un juste milieu, définir dans quelle proportion le gardien sera exonéré. L'appréciation souveraine de la proportion de responsabilité. Il faut définir la proportion de la responsabilité du gardien de la chose lorsque la victime commet une faute entraînant le dommage. Cependant, il semble impossible d'établir une liste exhaustive de proportions applicables à chaque cas d'espèce. La Cour de cassation prend note qu'il faut tenir compte des fait, des circonstances et des parts de responsabilité dans la commission du dommage. [...]
[...] En effet, la victime a participé dans une large mesure à la réalisation du dommage. Cependant, le pouvoir de contrôle de la Cour de cassation est limité eu égard au fait qu'elle ne peut prendre en compte que les faits qualifiés lors de l'instance d'appel. Si cette proportion avait été sensiblement plus élevée, elle aurait pu laisser place à certaine dérives. Cependant, si la proportion avait été beaucoup moins élevée, voir nul, l'article 1834 alinéa 1 du Code civil aurait pu perdre de sa substance. La prééminence des juges est réaffirmée. [...]
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