Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 juillet 2006, obligation générale, renseignement, vendeur
Contrairement à l'adage classique sur lequel est fondé le droit anglais « Emptor debet esse curiosus » (l'acquéreur doit être curieux), l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation rendu en date du 11 juillet 2006 met à la charge du vendeur (non seulement à l'acquéreur) une obligation générale de renseignement et de conseil sur les caractéristiques du produit que seul lui peut connaître. Ainsi, il s'agit ici d'un arrêt élargissant le domaine de son obligation de délivrance à l'obligation de renseignement et de conseil du vendeur.
En l'espèce, une société Conseil développement assistance (CDA) a vendu à une seconde société Téléfil un progiciel. L'acquéreur lui ayant versé deux acomptes au titre de cet achat a décidé, par après, de ne pas payer le solde du prix à raison d'un dysfonctionnement de la chose (logiciel), qui lui a été vendue. Par ailleurs, elle demande la réparation du préjudice que cela lui aurait causé.
La Cour d'appel a débouté la société demanderesse de l'indemnisation et en sus, l'a condamnée à payer à la société venderesse une somme de 5.976 euros. Pour fonder sa décision, la Cour d'appel s'appuie d'abord sur le fait que la demanderesse n'avait pas informé les vendeurs que la police de caractère « Roman » n'existait pas sur son imprimante. La Cour d'appel a retenu encore que le matériel informatique a été mal initialisé pour l' « application spécifique » de la société acheteur, faute pour cette dernière d'avoir transmis à la société CDA les fichiers de données de l'ancien logiciel. Après l'échec de ses demandes, l'acheteur se pourvoit en cassation.
[...] La problématique qui se pose à la Cour de cassation est double : Le vendeur est-il tenu d'une obligation d'information de l'acheteur de toutes les caractéristiques de la chose vendue en toutes circonstances ? A quel moment peut-on considérer comme remplie l'obligation de délivrance du vendeur? La Cour de cassation casse cette première partie de la décision en retenant que « le vendeur professionnel d'un matériel informatique est tenu d'une obligation de renseignement et de conseil envers un client dépourvu de toute compétence en la matière ». [...]
[...] Or, l'innovation du présent arrêt est que, dans le premier attendu de principe, la chambre commerciale pose avec plus de force, après plusieurs jurisprudences moins expressives, une formule générale du devoir de renseignement et de conseil. Cette solution se fonde sur la présomption d'une infériorité de l'acheteur profane. Elle ne vaut que pour les cas où le client n'est pas spécialiste dans la matière concernant son achat. En l'espèce, l'acheteur a acquis un progiciel, un logiciel destiné à des professionnels. [...]
[...] Il semble que la Cour de cassation parait exiger que le client ait lui-même constaté le bon fonctionnement ou le dysfonctionnement de la chose. Or, au vue de sa faveur accordée au consommateur, on peut plutôt considérer que, la Cour de cassation cherche à protéger l'acheteur au-delà de l'installation de la chose par lui-même ou le vendeur. La Cour de cassation reprend donc l'idée que l'obligation de délivrance s'étend dans l'esprit du contrat à la mise en mesure du client d'utiliser le produit, dont il ne connaît pas bien les aspects techniques. [...]
[...] Ceci revient donc en l'espèce à fixer le devoir de collaboration à la seule obligation de l'acquéreur non professionnel de répondre aux questions du vendeur professionnel. Ainsi, seul le vendeur a manqué à son obligation de renseignement et de conseil face à son « client dépourvu de toute compétence en la matière », comme l'a retenu dans notre cas la Cour de cassation. Cela permet donc de dire, que dans le cas relations contractuelles entre un vendeur et un acheteur (tous les deux) professionnels, la solution de la Cour de cassation aurait pu être différente, en ce que l'acheteur aurait du s'informer plus et en ce que le vendeur serait tenu d'une obligation de renseignement et de conseil moins ferme. [...]
[...] L'article L.211-5 définit par la suite la conformité du bien comme l'aptitude du produit à un « usage habituellement attendu d'un bien semblable ». L'obligation de conformité du bien inclut désormais la garantie des vices cachés qui affectent l'usage de la chose, et c'est dans ce cadre que la solution de la Cour de cassation peut aussi s'affirmer correct, en ce qu'elle permet d'inclure la mise au point effective dans l'obligation de conformité due par le vendeur, et ce encore plus qu'il s'agit d'un produit élaboré et complexe vendu à un profane. [...]
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