T. corr. Fort-de-France, 22 septembre 1967
La célèbre décision du tribunal correctionnel de Fort de France du 22 septembre 1967 soulève des questions sur la tentative punissable et la protection pénale de la sépulture.
En l'espèce, un homme avait entrepris, avec le concours d'un comparse fossoyeur de profession, de creuser une sépulture dans le but de prélever un morceau de chair sur le cadavre récemment enterré de la dame Charles-Donatien. Ils s'étaient cependant désistés avant l'accomplissement de l'ouvrage. Ce dernier avait été motivé par la volonté d'enduire un coq de combat d'un mélange de rhum et de chair humaine dans le but de décupler ses performances combatives.
Les chefs d'accusation dégagés par la Cour ont été la violation de la sépulture de la dame Charles-Donatien et la tentative de soustraction frauduleuse d'une partie du cadavre de celle-ci, manifestée par un commencement d'execution.
Il a toutefois été relevé dans le dernier cas que l'acte n'a pas été conduit à terme, alors que le premier a été qualifié et puni par la juridiction.
On peut alors se demander sur quels éléments repose l'hypothèse d'une tentative punissable dans cet arrêt.
Dans la solution rendue par le tribunal correctionnel, les deux défendants ont fait l'objet d'une condamnation pour délit de violation de sépulture (I), mais ont en revanche été déclarés non coupables en ce qui concerne le délit de tentative de vol (II).
[...] Des faits constitutifs d'une violation de sépulture Il est intéressant de relever que c'est sur la violation de sépulture que la condamnation des défendants a porté son objet. L'attendu de solution relève en effet que la cour " les déclare ( ) convaincus et coupables du délit de violation de sépulture: les condamne, Aline et Elama, chacun à six mois d'emprisonnement.".Il convient alors de s'interroger sur le fondement d'une telle décision. Tout d'abord, on peut constater que le tribunal correctionnel donne peu de détails dans son attendu. [...]
[...] Un vol non accompli.Le tribunal correctionnel a considéré qu'il n'y avait eu qu'une tentative de vol du fait que le désistement volontaire soit intervenu (B).A. Une tentative de vol Malgré la qualification jurisprudentielle de la dépouille mortelle en tant qu'élément de la sépulture qui était pouvait être admise à l'époque, le tribunal correctionnel a préféré parler de vol.Ceci est intéressant au vu de la définition du vol donnée par le Code Pénal de 1810 en vigueur à l'époque:Article 379: "Quiconque a soustrait frauduleusement une chose qui ne lui appartient pas, est coupable de vol."Il est question en effet d'une chose, la cour en a donc déduit que le cadavre humain était qualifiable de la sorte. [...]
[...] L'arrêt ne dit rien non plus des relations entre Aline et Elama. Dans les faits, il a pourtant été relevé que le premier avait offert une somme de 50 F au second pour l'exécution de ce macabre projet, et aussi que Aline "faisait creuser" la tombe de la dame Charles Donatien, ce qui impliquait qu'il ne maniait peut être pas la pelle. Ceci aurait sans doute pu donner lieu à une qualification de la responsabilité de chacun dans l'infraction, soulevant notamment la question de la complicité. [...]
[...] Il laisse toutefois également au juge la détermination de l'acte pouvant être susceptible d'être qualifié de violation de sépulture.On remarque que le législateur de l'ancien code n'avait pas non plus donné une définition précise de la notion de violation de sépulture, considérant sans doute que celle-ci allait de soi. Biswang en a donc dégagé deux éléments ayant fait l'objet d'une jurisprudence abondante, l'un matériel et l'autre moral. L'élément matériel impliquerait une atteinte physique à l'intégrité de la sépulture, qui inclut selon la définition de l'époque le corps en lui-même. L'élément moral retient quant à lui l'intention de profaner la sépulture, la volonté serait l'élément déterminant. [...]
[...] La tentative se comprend comme un commencement d'exécution d'un acte ayant été avorté en raison de circonstances extérieures à la volonté de l'auteur. Elle fait aujourd'hui l'objet de l'article 121-5 du Code Pénal.Il faut retenir que la tentative implique que l'acte n'a pas été mené à terme, il ne peut donc être condamnable. C'est en effet sur la tentative elle-même que se porte le chef d'accusation, elle est donc punissable.En l'espèce, le vol de chair humaine n'a pas eu lieu, mais les juges se sont attachés à vérifier si la tentative était condamnable.Selon la définition de l'époque, le commencement d'exécution était caractérisé objectivement, la jurisprudence considérait qu'il s'agissait avant tout de la consommation de l'acte.En l'espèce, le tribunal a considéré "que le but de Aline en faisant creuser la tombe de dame Charles-Donatien était de soustraire partie du cadavre de cette dernière; Qu'il y a eu commencement d'exécution dans le fait qu'Aline et Elama ont creusé la terre sur 50 cm de profondeur;". [...]
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