Commentaire groupé des arrêts de la troisième chambre civile du 25 mars 2009 et de la chambre mixte du 26 mai 2006.
Le pacte de préférence est la « star » des avant-contrats, il est très utilisé par les individus qui s'engagent à s'offrir en priorité la conclusion d'un contrat. La Cour de cassation a par un arrêt du 26 mai 2006 effectué un revirement de jurisprudence, autorisant la substitution du bénéficiaire du pacte à un tiers acquéreur dans le cas ou le promettant aurait violé le pacte. Puis, par un arrêt du 25 mars 2009, la Cour de cassation a confirmé et peaufiné l'arrêt de 2006.
En l'espèce, dans l'arrêt de la Chambre mixte, le 18 décembre 1957 un acte de donation-partage contenant un pacte de préférence a été dressé. Cet acte a attribué un bien immobilier situé à Haapiti. Une parcelle appartenant à ce bien a, le 7 août 1985, été transmise par donation-partage. Le propriétaire du bien, en violation du pacte, a, le 3 décembre 1985, vendu son bien à une société par un acte notarié. Les bénéficiaires du pacte se sentant lésés dans leurs droits ont demandé, en 1992, une substitution dans les doits de l'acquéreur et le paiement de dommages et intérêts.
En l'espèce, dans l'arrêt de la troisième chambre civile du 25 mars 2009, les faits sont similaires à l'arrêt du 26 mai 2006, en l'espèce une femme s'est vue attribuée un acte de donation partage qui contenait un pacte de préférence. Elle a par la suite conclue une promesse synallagmatique de vente. La bénéficiaire du pacte a alors demandé sa substitution dans les droits des acquéreurs.
Dans l'arrêt de la Chambre mixte, les bénéficiaires forment un pourvoi en cassation, aux motifs que, premièrement l'obligation de ne pas faire ne se résout en dommages-intérêts que lorsqu'il existe une impossibilité exécution en nature. Secondement un pacte de préférence oblige le vendeur d'un immeuble à proposer la vente en priorité aux bénéficiaires du pacte, et que la non-proposition s'analyse comme l'octroi d'un droit de préemption. Pour finir, le pacte de préférence avait été régulièrement publié et que par conséquent il devait être connu de tous.
Dans quels cas le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'exiger l'annulation d'un contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits ? Le bénéficiaire du pacte de préférence peut-il se substituer dans les droits du tiers acquéreur ?
La Cour de cassation dans son arrêt du 26 mai 2006, rejette le pourvoi, elle déclare que « si le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'exiger l'annulation d'un contrat passé avec un tiers en méconnaissance des ses droits et d'obtenir sa substitution a l'acquéreur, c'est à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu'il a contracté, de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir ». La Cour en effet ne considère qu'il n'a pas été démontré que la société savait que le bénéficiaire avait l'intention de se prévaloir du pacte.
Dans l'arrêt du 25 mars 2009, la Cour d'appel déclare que pour substituer les bénéficiaires aux futurs acquéreurs, il fallait que le compromis de vente fasse référence au pacte de préférence. Qu'en l'espèce le notaire n'avait découvert l'existence de celui-ci qu'après le compromis et avait informé la bénéficiaire de la signature d'un compromis de vente en violation du PP. La Cour ajoute que la substitution n'est autorisée seulement lorsqu'il est prouvé l'acquéreur est de mauvaise foi, et qu'en l'espèce c'était le cas puisque les acquéreurs avaient eu connaissance du pacte et savaient par ailleurs que la bénéficiaire n'avait pas renié l'acceptation de l'offre qu'elle avait faite. On peut alors parler d'une collusion frauduleuse, qui est un accord entre le promettant et le tiers acquéreur de violer le pacte.
A quelle date, la connaissance du pacte de préférence et de l'intention de son bénéficiaire de s'en prévaloir, s'apprécie-t-elle ?
La Cour de cassation en sa troisième chambre civile, casse et annule l'arrêt du 19 novembre 2007 de la Cour d'appel de Grenoble. Elle indique alors que « la connaissance du pacte de préférence et de l'intention de son bénéficiaire de s'en prévaloir s'apprécie à la date de la promesse de vente, qui vaut vente, et non à celle de sa réitération par actes authentique ». Le promettant forme une promesse de vente avec des tiers acquéreurs, c'est à cette date que s'apprécie la connaissance de la violation du pacte, et non à la réitération de cet acte.
Quels éléments doivent être respectés pour permettre la mise en oeuvre d'une sanction suite à la violation d'un pacte de préférence ? Une substitution est-elle envisageable ?
Suite aux arrêts de 2006 et de 2009 la force contraignante du pacte de préférence s'est accrue (I). Ces arrêts étaient attendu, et le revirement de jurisprudence de l'arrêt de 2006 a fait grand bruit, cependant la désillusion de la doctrine a été grande aux vues des conditions émises par la Cour de cassation, pour envisager une substitution (II).
[...] Un souffle nouveau venu du projet de la Chancellerie. Le pacte de préférence est en quelque sorte un contrat innomé. Le Code civil n'y consacre pas de dispositions particulières contrairement au projet de droit des contrats de la Chancellerie. Effectivement l'article 35 alinéas 1 et 2 du projet dispose : Le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s'engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui au cas où elle déciderait de contracter. Lorsque, en violation d'un pacte de préférence, un contrat a été conclu avec un tiers qui en connaissait l'existence, le bénéficiaire du pacte peut agir en nullité ou demander de le substituer au tiers dans le contrat conclu, sans préjudice de dommages et intérêt. [...]
[...] Cependant, la jurisprudence de la troisième Chambre civile du 4 mars 1971 rendait obligatoire la publication du pacte de préférence à la Conservation des Hypothèque. La Cour a déclaré, au visa de l'article 30-1 du décret du 4 janvier 1955 : qu'il résulte de ce texte qu'une restriction au droit de disposer, dès lors qu'elle a fait l'objet d'une mesure de publicité, est opposable aux tiers ; que tel est le cas notamment d'un pacte de préférence Par la suite la Cour de cassation a soumis le pacte de préférence sous un régime de publicité facultative, par un arrêt de la troisième Chambre civile du 16 mars 1994, dans lequel la Cour a affirmé que le pacte de préférence n'était qu'une simple promesse unilatérale conditionnelle. [...]
[...] La Cour de cassation a par plusieurs arrêts affirmés l'arrêt du 26 mai 2006, comme avec les arrêts de la troisième Chambre civile du 31 janvier 2007 et du 14 février 2007. Néanmoins, l'arrêt de 2009 ne permet pas de rassurer la doctrine sur une réelle reconnaissance d'un droit de substitution au bénéficiaire. Un assouplissement des conditions sera peut- être envisageable avec l'adoption prochaine du projet Chancellerie. [...]
[...] Les arrêts du 26 mai 2006 et du 25 mars 2009 : un désapointement face aux conditions proposées. La doctrine ne s'attendait pas à des conditions aussi sévères quant à la possibilité de réclamer la substitution du bénéficiaire Cependant le projet de la Chancellerie apporte un nouveau point de vue qui pourra peut-être satisfaire la doctrine A. La désillusion de la doctrine face aux conditions posées par les arrêts de 2006 et de 2009. L'arrêt qu'a rendu la Chambre mixte de la Cour de cassation du 26 mai 2006 était un arrêt très attendu, cependant il a tout de même déçu la doctrine par son contenu. [...]
[...] Elles doivent être exécutées de bonne foi Le Code civil condamne donc la mauvaise foi dans les contrats. Cette mauvaise foi, peut être qualifiée de collusion frauduleuse, qui se caractérise par un accord entre le promettant et le tiers acquéreur sans toute fois mettre au courant le bénéficiaire de cet accord. Il existe plusieurs moyens qui permettent de prouver que le tiers avait eu connaissance du pacte, telle que la publicité à la conservation des hypothèques. Une difficulté se pose en revanche lorsqu'on exige, que le tiers ait connu l'intention du bénéficiaire de se prévaloir du pacte préférence. [...]
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