Compensation procédure collective Code civil 30 Juin 2009 15 décembre 2009 cassation
« Qui paie ses dettes s'enrichit » disait Honoré de Balzac, mais si l'on occulte l'aspect moral du paiement et que l'on s'attache à une analyse plus triviale de la situation, l'appauvrissement est bien réel et c'est précisément cela qui créé quelques difficultés dans les arrêts commentés. En effet, les deux situations sont semblables sur un point, le débiteur est à la limite de la cessation de paiement et se trouve placé en liquidation judiciaire, il n'honore donc plus les dettes qu'il a contractées. Dans cette situation, le seul moyen pour un de ses créanciers d'obtenir le paiement est la compensation qui règle la situation dans laquelle « deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre » comme le précise l'article 1240 de l'avant projet de réforme. Et, si tel est le cas, « les deux dettes s'éteignent par compensation jusqu'à concurrence de la plus faible » poursuit le texte. Il s'agit d'une situation très courante lorsque deux entreprises sont en relations d'affaires constantes et la compensation s'opère fréquemment notamment dans le secteur bancaire mais sa mise en oeuvre s'accompagne, dans certains cas, de complications. Ces difficultés viennent de l'existence de deux mécanismes distincts, la compensation légale qui s'opère automatiquement si ses conditions sont réunies et judiciaire qui implique la connexité des dettes à compenser et l'intervention d'un juge.
En l'espèce, dans l'arrêt de la chambre commerciale rendu le 15 décembre 2008 la société X est débitrice de la société Siela d'une dette compensable, compensation qu'elle invoque logiquement. Cependant la Cour d'appel d'Anger rejette la compensation au motif qu' « il existait entre les parties des accords ponctuels (...), sans que leurs relations commerciales ne puissent s'analyser comme constituant un cadre de règlement unique de leurs créances réciproques susceptibles de les inclure dans un contrat ou une opération économique unique. ». La Cour d'appel recherche donc le lien de connexité entre les dettes alors qu'il s'agit d'un cas ce compensation légale, les juges du fond ont suivi un raisonnement erroné qui implique sa censure, ce que ne manque pas de faire la Haute juridiction.
L'histoire de la seconde espèce est semblable au plan factuel, La Caisse fédérale de crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre Ouest et la société Sogescap sont réciproquement créancières l'une de l'autre de dettes connexes. Malgré leur connexité et leur caractère vraisemblable, la Cour d'appel refuse de prononcer la compensation car elle serait, « à ce stade de la procédure collective, prématurée l'une des créances faisant encore l'objet de vérifications devant le juge-commissaire ». Par cet arrêt, les juges de Rennes ont ajouté une condition à la mise en oeuvre de la compensation judiciaire, cette liberté qu'ils se sont octroyée provoque la censure de leur décision.
Ces deux arrêts de cassation sont rendus au visa des articles 1289, 1290 et 1291 du Code civil et L.622-3 et L.621-4 du Code de commerce qui prévoient les mécanismes de compensation dont les Cours d'appel précitées tentent de déformer la lettre.
Ces deux arrêts posent donc la question de savoir comment le procédé de compensation des dettes parvient-il à s'imposer comme une réelle dérogation aux principes des procédures collectives ? La Cour de cassation, pour y parvenir, maintient les juges du fond dans un contrôle minimal en se laissant porter par le vent du libéralisme (I) et, ainsi garanti des effets attendus d'un tel mécanisme (II).
[...] Vers un ultralibéralisme condamnable ? Il résulte des éléments évoqués tout au long du présent commentaire que la Cour de cassation a une appréciation libérale de la compensation, la laissant agir très largement. Cette méthode a pour intérêt de protéger les créanciers chirographaires comme il résulte des considérations précédentes mais tord le coup à un principe de base en la matière, celui de l'égalité entre les créanciers posé par l'article 2285 du Code civil qui dispose que « les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers et le prix s'en distribue entre eux par contribution, à moins qu'il n'y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence » Par ailleurs, si l'on se place du point de vue du failli, la perception de la compensation n'est plus du tout la même, en effet celui-ci est entré dans une procédure permettant de redresser sa situation financière en lui accordant des échelonnements dans le temps et lui permettant de percevoir toutes ses créances. [...]
[...] Une dette est dit réciproque lorsque son débiteur et aussi créancier de son créancier et qu'ainsi les deux obligations se croisent. Cette condition soulève parfois une difficulté lorsqu'une personne agit en deux qualités différentes car alors la condition de réciprocité n'est pas remplie malgré l'invocation de la théorie des apparences (Com. - 29 février 1973). La fongibilité de deux obligations s'entend de la « qualité des choses qui sont fongibles et qui peuvent se remplacer indifféremment les unes par les autres ». [...]
[...] Le juge-commissaire est donc la pierre angulaire de l'édifice compensatoire, et de ce fait, les juges du fond, s'ils ne peuvent rien en principe, peuvent tout en pratique. Cependant, il est regrettable que les juges aient à recourir à de tels artifices pour obtenir un légère marge de manœuvre dans cette procédure et il serait peut être préférable que la Cour de cassation offre un peu plus de possibilités aux juges du fond pour rejeter des demandes de compensation inopportunes. [...]
[...] Enfin, la condition d'exigibilité prévue à l'article 1292 du Code civil prohibe la compensation d'une dette à terme mais un éventuel délai de grâce n'aurait aucun effet (Com - 18 octobre 1961). La compensation judiciaire ne peut intervenir que si les dettes sont connexes, étroitement liées soit par l'exécution d'un même contrat soit s'inscrivant dans une « opération économique globale » selon l'expression consacrée. Par ailleurs, la cour de cassation exigeait traditionnellement que les créances soient certaines mais dans l'arrêt commenté du 30 Juin 2009, les sages ouvrent encore plus la condition en employant l'expression de « caractère vraisemblable de la créance ». [...]
[...] En l'espèce, dans l'arrêt de la chambre commerciale rendu le 15 décembre 2008 la société X est débitrice de la société Siela d'une dette compensable, compensation qu'elle invoque logiquement. Cependant la Cour d'appel d'Anger rejette la compensation au motif qu' « il existait entre les parties des accords ponctuels ( sans que leurs relations commerciales ne puissent s'analyser comme constituant un cadre de règlement unique de leurs créances réciproques susceptibles de les inclure dans un contrat ou une opération économique unique. [...]
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