Commentaire Comparé: Cass. 1ere Civ, 24 mai 2005; Cass. 1ere Civ, 4 juin 2009
Les deux arrêts présents ont été rendus par la Cour de Cassation en sa première chambre civile les 24 mai 2005 et 4 juin 2009. Leur objet commun est la signification d'un silence en ce qui concerne l'acceptation d'une offre.
Dans l'espèce du 24 mai 2005, un particulier se voit obligé par arrêté préfectoral de réaliser des fouilles archéologiques sur son terrain. Il réalise un devis auprès de l'AFAN. Cette dernière déclarant que le terrain est susceptible de renfermer des vestiges, le préfet prend un second arrêté prévoyant des travaux de fouilles d'une durée de quelques jours, ceux ci sont éxécutés. Le particulier refuse de régler la facture au motif qu'il n'a pas accepté le devis.
Dans l'espèce du 4 juin 2009, le ministère de la défense conclut en 1990 un contrat avec un prestataire de service, la SOMES, afin d'obtenir la prise en charge à tarif réduit de personnes handicapées dans un établissement spécialisé pour 10 ans, moyennant le versement initial supplémentaire d'un capital. En 1996, la SOMES a fait l'objet d'un redressement judiciaire, qui a conduit à sa reprise par la société Le Colombier, aux droits de laquelle vient la société Medica. Cette dernière a alors assigné l'Etat devant les juridictions judiciaires afin d'obtenir le paiement à plein tarif de la prise en charge des personnes.
Dans le premier cas, l'AFAN assigne M.X en paiement, la cour d'appel de Versailles accède à cette demande, ce dernier forme alors un pourvoi en Cassation sur deux moyens.
Il estime d'une part que le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, qu'en décidant donc que son mutisme valait acceptation, la cour d'appel a violé les articles 1101 et 1108 du Code Civil.
D'autre part que la cour d'appel, en soutenant que M.X n'avait pas prouvé de manière satisfaisante la rupture des relations contractuelles avec l'AFAN, a violé l'article 1315 du Code Civil concernant la charge de la preuve.
La cour d'appel a quant à elle estimé que l'arrêté pris par le préfet d'exécuter les fouilles imposait à M.X de faire exécuter le devis présenté par l'AFAN, d'où il résulte que son silence valait acceptation.
Le pourvoi a été rejeté par la Cour de Cassation.
Dans le second cas, le TGI a accueilli cette demande, la cour d'appel s'est quant à elle déclarée incompétente et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir par une décision du 10 juin 2004. La Cour de Cassation a par la suite cassé cet arrêt (Civ.1, 28 novembre 2006). Cette cassation ayant été contestée, la décision du TGI a fait l'objet d'un renvoi devant la cour d'appel d'Aix en Provence, le 14 février 2008, pour finalement revenir devant la Cour de Cassation.
La société Medica forme le pourvoi selon deux moyens. D'abord en ce que la cour d'appel a considéré que le silence de la société valait acceptation de poursuivre le contrat établi entre l'Etat et l'ancien prestataire de service, d'où une violation des articles 1101, 1108 et 1134 du Code Civil. La société Medica considère également que le fait qu'un capital ne lui ait pas été versé comme le prévoyait le contrat originel excluait toute reconduction tacite de celui ci.
La cour d'appel a quant à elle estimé que le délai de plus d'un an écoulé avant que la société Médica ne conteste la situation relative aux pensionnaires, après avoir sciemment reconduit tacitement la convention sans demander de subventions à l'Etat, équivalait à une reprise tacite des conditions de prise en charge appliquées entre ce dernier et l'ancien prestataire de service.
La Cour de Cassation a rejeté le pourvoi formé par la société Medica.
Le problème commun à ces deux cas serait de savoir comment envisager le silence comme mode d'acceptation de l'offre.
En 2005, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi, considérant que la cour d'appel n'a pas inversé la charge de la preuve notamment au vu de la présence de l'attestation de levée de contraintes archéologiques, délivrée quelques jours après les travaux et faisant foi de l'exécution de ceux ci. Selon ces circonstances, la Cour de Cassation a estimé que son silence avait la signification d'une acceptation.
En 2009, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi, en estimant que la société Medica ayant tacitement admis les conditions de l'ancien contrat, elle ne pouvait revenir sur son engagement.
La question de l'acceptation par le silence fait l'objet depuis longtemps d'un principe mis en place par la jurisprudence (I), cependant, par ces deux décisions, la Cour de Cassation a introduit une exception nouvelle à celui ci (II).
[...] On peut considérer qu'elle trouve son origine dans la jurisprudence de la Cour de Cassation par un arrêt dit "Guilloux" du 25 mai 1870. Les magistrats ont ainsi déduit des articles 1101 et 1108 du Code Civil (à l'époque Code Napoléonien) le principe suivant : "Attendu, en droit, que le silence de celui qu'on prétend obligé ne peut suffire, en l'absence de toute autre circonstance, pour faire preuve contre lui de l'obligation alléguée.". Ce principe s'applique notamment pour la formation du contrat et pour d'éventuelles modifications de celui ci en cours d'application. [...]
[...] Une apparente atteinte à la tradition jurisprudentielle La Cour de Cassation tire en effet de ces espèces une conclusion qui va à l'encontre de l'acception traditionnelle du principe. Il est admis dans les deux cas que le silence vaut acceptation.Dans sa décision du 24 mai 2005, la Cour déduit que le silence peut être considéré comme acceptation en raison de certaines circonstances réunies:"Mais attendu que si le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, il n'en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d'une acceptation.". [...]
[...] On observe également dans les deux arrêts que la volonté du destinataire de l'offre est à chaque fois évincée. La Cour de Cassation a ainsi attribué aux deux pourvoyeurs une acceptation à l'encontre de leur gré, ce qui semble quelque peu paradoxal.La nouvelle portée de l'exception par silence circonstancié semble ainsi avoir quelques effets pervers qui vont à l'encontre du but recherché par le principe traditionnel issu de l'arrêt Guilloux, à savoir la sécurité juridique et la protection du destinataire de l'offre.Pourtant, cette exception découle directement de ce dernier, puisqu'elle ne fait qu'appliquer la nuance introduite dans l'attendu de solution l'absence de toute autre circonstance"). [...]
[...] Selon l'attendu de solution de l'arrêt du 24 mai 2005, l'application de l'exception est désormais soumise à ce que "les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d'une acceptation". L'applicabilité d'un silence circonstancié devient alors bien plus large qu'elle ne l'était, à tel point qu'elle pourrait se heurter à d'autres formes d'acceptation. L'arrêt du 4 juin 2009 montre par exemple une certaine ambiguité, l'attendu de solution mentionne à deux reprises le terme "tacite". Il serait dans ce sens possible d'envisager l'application de deux modes d'acceptation différents pour le même cas (silence circonstancié ou acceptation tacite). [...]
[...] Commentaire Comparé: Cass. 1ere Civ mai 2005; Cass. 1ere Civ juin 2009 Les deux arrêts présents ont été rendus par la Cour de Cassation en sa première chambre civile les 24 mai 2005 et 4 juin 2009. Leur objet commun est la signification d'un silence en ce qui concerne l'acceptation d'une offre. Dans l'espèce du 24 mai 2005, un particulier se voit obligé par arrêté préfectoral de réaliser des fouilles archéologiques sur son terrain. Il réalise un devis auprès de l'AFAN. [...]
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