Dans sa thèse pour le doctorat, intitulée Des effets de l'obligation solidaire et soutenue à la
faculté de droit de Toulouse en 1884, Ferdinand Gary rappelle en introduction que « La solidarité
étant une modalité des obligations, il n'est d'obligation solidaire que celle qui est créée par une
disposition non équivoque de la volonté des parties ou par une prescription de la loi positive ». En
précisant que la volonté des parties doit être « non équivoque », Ferdinand Gary aborde
délicatement toute la difficulté de la qualification d'une obligation en obligation solidaire alors
même que celle-ci n'a pas été expressément qualifiée comme telle.
Cette difficulté constitue le noeud du problème dans l'arrêt rendu par la troisième chambre
civile de la Cour de cassation le 26 janvier 2005.
[...] En abandonnant le terme contrat en 2005, le juge de cassation élargit le champ à considérer lorsqu'il s'agit pour le juge du fond de déterminer le caractère solidaire d'une obligation ; ce faisant, il élargit incidemment le champ sujet à la subjectivité du juge du fond. La subjectivité du juge du fond se confronte à la subjectivité des parties, de laquelle découle leur volonté, et affaiblit ainsi le caractère consensuel de la convention. [...]
[...] Cette manière peu régulière d'insister sur l'objectivité de l'appréciation traduit une faiblesse, une zone d'ombre, dans la compétence même du juge du fond à interpréter des dispositions contractuelles pour qualifier une obligation d'obligation solidaire sans qu'elle ne l'ai été expressément. En d'autres termes le juge de cassation couvre une tentative du juge du fond de modifier le contrat or, comme le rappelle Patrick Maistre du Chambon dans son manuel, Le législateur refuse ( ) au juge le pouvoir de refaire le contrat. En voulant s'arroger ce pouvoir, l'objectivité mise en avant est infailliblement teintée de subjectivité, étant entendu qu'on ne peut modifier un contrat qu'en accord avec sa propre volonté. [...]
[...] Quant à la mention titre constitutif de l'obligation au lieu de contrat elle entraîne de lourdes conséquences. Concernant les verbes d'abord, remarquons d'abord que le présent de l'arrêt étudié a succédé à l'infinitif de l'arrêt de 1991, remarquons ensuite que le sens du verbe ressortir bien que pouvant être synonyme du verbe résulter est bien plus large que ce dernier. Ainsi, en 1991, la solidarité devait résulter du contrat à tout moment, c'est à dire sans considération du moment auquel on se penchait sur ce contrat, sans considération non plus des instants caractérisant le processus contractuel, mais uniquement en considération d'éléments objectifs et logiques (comme le suggère l'emploi même du verbe résulter). [...]
[...] Suite à la liquidation judiciaire de la SARL et de son assureur, deux liquidateurs ont été désignés. L'un des deux, arguant du non règlement d'un solde d'honoraires, a assigné en paiement la SCI. Cette dernière, invoquant des désordres dans la réalisation de la couverture, a sollicité la réparation de son préjudice. Après un premier jugement, le litige est arrivé devant la cour d'appel de Saint-Denis qui, se fondant sur la solidarité passive, a condamné le liquidateur à réparer le surcoût résultant des erreurs commises par la SARL. [...]
[...] Cela est d'autant plus évident que la concession, placée en tête de motivation, constitue une proposition séparée de l'explication quant au rôle du juge du fond par une virgule. Cela traduit toute l'importance de l'article 1202 dont le second alinéa indique en outre : Cette règle ne cesse que dans les cas où la solidarité a lieu de plein droit, en vertu d'une disposition de la loi. Ainsi en plaçant en début de motivation une concession qui renvoie à un article du Code civil lui-même renvoyant à des dispositions de la loi, la Cour met clairement en évidence la borne insurmontable que constitue la loi dans le processus de qualification d'une obligation contractuelle en obligation solidaire que le juge du fond voudrait entamer. [...]
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