Obligation d'information - obligation de loyauté- valeur économique du bien acquis - réticence dolosive - informations privilégiés - dol - Cour de cassation - droit civile - droit des contrats - droit des obligations
L'erreur, la violence et le dol constituent les trois hypothèses dans lesquelles le vice est caractérisé. Le dol, qui nous intéresse présentement, désigne l'acte de déloyauté de la part d'un contractant caractérisé par des manoeuvres, machinations ou mensonges qui provoquent une erreur déterminante du consentement du cocontractant. La réticence volontaire d'informations est tellement essentielle au partenaire au contrat que si elles lui avaient été délivrées elles auraient été déterminantes de son refus de contracter, est un cas constitutif du dol. En effet, le dol se forme sur la nécessité en tout contrat d'une solidarité et d'un civisme contractuels tels que le contrat doit pour certains auteurs doctrinaux, consister dans une coopération des partenaires aux fins de favoriser les intérêts réciproques de l'ensemble des parties. Il en ressort une obligation de loyauté, de sincérité ou encore de droiture qui est inexorablement bafouée par le manquement au devoir intrinsèque d'information.
Le présent arrêt semble mettre en exergue la question de la légitimité de l'obligation de loyauté notamment s'agissant de ses limites.
En l'espèce, un professionnel de l'immobilier acquière, par levée de l'option d'une promesse de vente dont il était bénéficiaire, un bien immobilier. Le particulier vendeur ne s'exécute pas car il considère qu'il a fait les frais d'une réticence dolosive du professionnel de l'immobilier qui ne l'avait pas informé sur la valeur réelle de son bien.
L'acquéreur assigne le vendeur en réalisation de la vente. La partie déboutée en première instance interjette appel. La Cour d'appel déboute l'acquéreur de sa demande et prononce la nullité de la promesse de vente en retenant que le professionnel s'est délibérément abstenu de révéler la valeur économique du bien immobilier du particulier qui ne pouvait connaître celle-ci. L'attitude du professionnel caractérise un manquement au devoir de loyauté qui s'impose à tout contractant et caractérise par suite une réticence dolosive. Il ressort des énonciations précédentes la question de savoir si la rétention de l'information de la valeur réelle du bien acquis constitue-t-elle un cas de réticence dolosive.
[...] Il y a bien réticence d'information de la part de l'acquéreur puisqu'il ne divulgue pas la valeur réelle du bien du vendeur. Toutefois, cette information est accessible au vendeur qui pouvait en avoir connaissance s'il l'avait recherché, or la réticence dolosive se forme sur le postulat de l'impossibilité, pour le contractant, d'obtenir l'information par un autre moyen que par l'intermédiaire de son partenaire. On ne peut donc à proprement parler de manœuvres, mais en admettant qu'il se puisse, il faut encore qu'elles soient « telles, qu'il soit évident que, sans ces manœuvres ( ) ». [...]
[...] Obligation de loyauté et déresponsabilisation du contractant L'obligation de loyauté qui s'impose réciproquement aux contractants veut, dans l'optique d'un solidarisme contractuel, protéger la partie contractante faible s'il en existe une. Par cette responsabilisation apparente des contractants, qui doivent être le plus sincère possible, afin que de limiter les risques de dol notamment, il se pourrait bien qu'il résulte en fait une déresponsabilisation du contractant. A force de pousser toujours plus loin l'obligation de loyauté, et ainsi de multiplier les exigences tirées du principe, il devient de plus en plus aisé de revenir a posteriori sur la validité des contrats. [...]
[...] Dans cet arrêt, la Cour faisait savoir que n'existant aucune obligation d'information sur la valeur du bien acquis, l'acheteur ne pouvait être sanctionné sur le terrain du dol. Après avoir étudié et analysé l'arrêt, il semble qu'il faille en toute logique s'intéresser plus en détail à la position de la Cour de cassation dont il a été question seulement sommairement jusqu'à présent. Il s'agit en fait de rechercher en quoi cette position est apparue nécessaire. Ceci sera notamment résolu par l'étude du conflit entre la volonté de pousser au plus loin l'obligation de loyauté et celle de préserver les fondements de l'activité contractuelle notamment en matière d'actes de commerce. [...]
[...] Il faut encore voir que la mauvaise foi inhérente aux manœuvres dolosives n'est pas évidemment présente chez le professionnel de l'immobilier dans le cas d'espèce. La mauvaise foi serait vraiment caractérisée s'il affirmait que le prix fixé pour la vente était bel et bien conforme aux prix du marché et à la valeur réelle du bien . Il semble qu'il n'en soit rien. Et la manœuvre, à considérer qu'on puisse bien parler de manœuvre, n'est pas véritablement déterminante du consentement de la victime en ce que le vendeur a vendu au prix qu'il pensait convenable pour son bien. [...]
[...] En outre, la qualité de marchand de bien de l'acquéreur aurait du éveiller les soupçons et la méfiance du vendeur sur la question d'une éventuelle différence entre le prix annoncé et la valeur réelle de son bien ce qui aurait du l'amener à se renseigner d'autant plus. Au vu de ces considérations, il semblerait même que l'obligation d'information sur la valeur que les juges du fond estiment exister entre les contractants vienne encourager une légèreté contractuelle. En l'espèce, l'erreur engendrée par le dol aurait pu apparaître comme inexcusable en ceci que l'information manquante était accessible au vendeur. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture