Commentaire d'arrêt, Cour de cassation, Chambre civile, 28 octobre 2010, indivisibilité des contrats, commune intention des parties
Bien que la liberté contractuelle soit un principe central du droit des contrats, son expression par l'intention des parties peut être difficile à interpréter. Cette difficulté est illustrée par l'arrêt rendu par la Première Chambre civile de la Cour de cassation le 28 octobre 2010.
En l'espèce, un contrat de vente et de prestation de services était financé à l'aide d'un second contrat de location financière de même durée. Une procédure de liquidation judiciaire fut ouverte, laissant le contractant dans l'impossibilité d'exécuter ses obligations au titre du premier contrat. Son cocontractant cessa alors d'exécuter son obligation de payement des loyers au titre du second contrat et demanda la reconnaissance de la caducité du contrat pour défaut de cause, les deux contrats étant indivisibles. La Cour d'appel de Paris refusa de donner droit à la demande au motif de la divisibilité des contrats. Le demandeur forma alors un pourvoi en cassation au motif que, selon la première branche, l'indivisibilité des contrats peut découler soit de la volonté des parties, soit du fait que les contrats constituent un ensemble contractuel indivisible; selon la deuxième branche, la clause contraire à l'économie générale des contrats doit être réputée non écrite et, selon la troisième branche, la cause d'un contrat à exécution successive ne s'apprécie pas uniquement lors de sa conclusion, mais tout au long de son exécution.
[...] Un autre intérêt de cet arrêt est de préciser que les clauses implicites de divisibilité sont valides. Par extension, on doit donc supposer que les clauses expresses de divisibilité le sont également. Il est utile de noter que l'interprétation de l'intention des parties relève des juges du fond, et non de la Cour de cassation, qui n'étudie que des éléments de droit. Elle ne peut dès lors revenir sur l'interprétation des juges du fond, qui aurait pourtant l'avantage de favoriser l'uniformisation de la jurisprudence. [...]
[...] La Cour de cassation n'a pas relevé l'élément tenant au moment d'appréciation de la cause, le rejetant ainsi implicitement. La troisième branche du moyen relevait ainsi que la Cour d'appel avait apprécié l'existence de la cause lors de la conclusion du contrat, ce qui est conforme à la règle retenue par une jurisprudence constante. Cependant, le contrat en question était un contrat de location, c'est à dire un contrat à exécution successive. Or, comme le rappelait le moyen, la cause des contrats à exécution successive doit s'apprécier tout au long de leur exécution, et non pas uniquement lors de leur conclusion. [...]
[...] I la commune intention des parties : critère de détermination de l'indivisibilité des contrats La Cour de cassation confirme dans l'arrêt commenté que la divisibilité ou l'indivisibilité des contrats résulte de la commune intention des parties qui ne souffre pas d'exception B). A le principe de la détermination de l'indivisibilité des contrats par la commune intention des parties Dans l'arrêt commenté, la première branche du moyen avançait que la divisibilité des contrats pouvait résulter de deux choses : soit de l'intention des parties, soit du fait que l'une des conventions n'aurait aucun sens l'une sans l'autre. [...]
[...] II la commune intention des parties pour déterminer l'indivisibilité des contrats : un critère contestable A difficulté d'appréciation de la commune intention des parties Comme le démontre l'arrêt commenté, l'enjeu réside dans la preuve de la volonté des parties. Celle-ci est difficile à avancer dès lors qu'aucune clause expresse de divisibilité ou d'indivisibilité n'est stipulée dans le contrat. En l'espèce, la clause était en effet implicite. Il appartient dès lors aux juges du fond de rechercher la volonté des parties. [...]
[...] On notera cependant que la Cour de cassation ne s'oppose pas expressément à ce que le critère de l'économie générale des contrats puisse servir de critère au juge du fond lorsque celui-ci recherche la commune volonté des parties. Cet arrêt entretient l'ambiguité résultant de la jurisprudence antérieure qui retient parfois un critère objectif (voir Ccass civ 1e 13 février 2007), parfois un critère subjectif (voir Ccass civ 1e 4 avril 2006). La Cour de cassation décide également que le principe de la détermination de l'indivisibilité des contrats par la commune intention des parties ne souffre pas d'exception. [...]
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