Commentaire d'arrêt, Première Chambre civile, Cour de cassation, 7 juin 1995, remise en cause de l'illicéité de la cession de clientèle
Le présent arrêt aborde le thème de la licéité de l'objet d'un contrat. Celui-ci est rendu par la Première Chambre civile de la Cour de cassation en date du 7 juin 1995. Pour qu'un contrat soit valablement formé, l'objet du contrat doit présenter certains caractères, dont celui d'être licite. L'objet du contrat ne peut être licite que s'il est dans le commerce et conforme à l'ordre public et aux bonnes mœurs. Le développement n'abordera pas la conformité de l'objet à l'ordre public et aux bonnes mœurs. L'article 1128 du Code Civil en vigueur dispose "Il n'y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l'objet des conventions". En l'espèce, M. Leone, chirurgien-dentiste, et Mlle Giray ont conclu un contrat selon lequel M. Leone s'engageait à présenter la moitié de sa clientèle à Mlle Giray contre le versement d'une somme de 350 000 Frcs. Mlle Giray a agit en justice contre M. Leone afin que la convention passée entre ces deux patriciens soit déclarée nulle, qu'elle puisse bénéficier de dommages et intérêts et du retour de la somme versée à M. Leone. La Cour d'appel répond positivement à la demande de Mlle Giray au motif que la pratique de cession de clientèle civile est une activité hors commerce portant atteinte au principe de libre choix du praticien par le patient. La question se pose de savoir si cette pratique qu'est la cession de clientèle porte atteinte aux dispositions de l'article 1128, portant ainsi atteinte au libre choix du praticien par le patient. Dans l'arrêt du 7 juin 1995, la Cour de cassation casse et annule l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Limoges le 10 mai 1993 au motif que M. Leone s'était simplement engagé à faire son possible pour que ses clients reportent la confiance qu'ils avaient en lui à Mlle Giray. La Cour de cassation déclare dans son attendu de principe, qu'au vu de l'article 1128, "Si la clientèle d'un médecin ou d'un chirurgien-dentiste n'est pas dans le commerce, le droit, pour ce médecin ou chirurgien-dentiste, de présenter un confrère à sa clientèle, constitue un droit patrimonial qui peut faire l'objet d'une convention régie par le droit privé". Cet arrêt nous montre le glissement jurisprudentiel selon lequel la cession de clientèle était, au départ, illicite, mais qui, finalement, s'avère être licite si l'on contourne les dispositions de l'article 1128.
[...] II – Le point de départ d'une évolution jurisprudentielle: En réfutant les motifs de la cour d'appel de Limoges, la Cour de cassation, dans son attendu de principe, a affirmé que le contrat de présentation de la clientèle entre praticien était accepté De ce fait, la jurisprudence évolue et change donc de point de vue, prenant donc une position intermédiaire au vu de la jurisprudence actuelle qui a consacré la cession de clientèle licite A – L'acceptation du contrat de présentation de la clientèle par la Cour de cassation: Dans son attendu de principe, la Cour de cassation affirme " Si la clientèle d'un médecin ou d'un chirurgien-dentiste n'est pas dans le commerce, le droit, pour ce médecin ou chirurgien-dentiste, de présenter un confrère à sa clientèle, constitue un droit patrimonial qui peut faire l'objet d'une convention régie par le droit privée". Ce qui montre bien le changement de point de vue concernant l'illicéité de la cession d'une clientèle entre praticiens. La cession de clientèle est, en principe, incessible. Cependant, l'affirmation par la Cour de cassation du droit de présentation de la clientèle contourne cette règle. En effet la clientèle d'un praticien est considérée comme un bien patrimonial, relevant du droit patrimonial et donc du droit privé. La cession de clientèle relevait traditionnellement du droit commercial. [...]
[...] La cour de cassation admet ca a condition que . II – Le nécessaire respect de la liberté de choix du patient A – Principe de liberté de choix comme fondement originaire de l'incessibilité En l'espèce, c'est bien sur cette liberté de choix du patient que se fonde l'incessibilité de la clientèle. L'obligation de présentation respecte la liberté de choix. La cour a postérieurement admis une valeur qui peut être portée à l'actif successoral. Le droit devient un bien incorporel du patrimoine. [...]
[...] Cette solution de la Cour de cassation fait la distinction entre la personne en tant qu'objet direct du contrat. En effet, la Cour suprême retient que ce n'est pas les personnes mêmes qui sont visées par le contrat passé entre Mlle Giray et M. Leone, il s'agit seulement de la clientèle en tant que telle. Ainsi, ce contrat ne porte ni atteinte au principe de libre choix du praticien par le patient, ni aux dispositions de l'article 16 du Code civil qui dispose "La loi interdit toute atteinte à la dignité de la personne". [...]
[...] Dans l'arrêt du 7 juin 1995, la Cour de cassation casse et annule l'arrêt rendu par la cour d'appel de Limoges le 10 mai 1993 au motif que M. Leone s'était simplement engagé à faire son possible pour que ses clients reportent la confiance qu'ils avaient en lui à Mlle Giray. La Cour de cassation déclare dans son attendu de principe, qu'au vu de l'article 1128, "Si la clientèle d'un médecin ou d'un chirurgien-dentiste n'est pas dans le commerce, le droit, pour ce médecin ou chirurgien-dentiste, de présenter un confrère à sa clientèle, constitue un droit patrimonial qui peut faire l'objet d'une convention régie par le droit privée". [...]
[...] Ce qui induit donc que cette décision du 7 juin 1995 a une position intermédiaire. B – Une position jurisprudentielle intermédiaire amenée à évoluer vers la licéité de la cession de clientèle: La solution consacrée dans l'arrêt du 7 juin 1995 est à mi-chemin entre l'illicéité et la licéité de la clientèle civile. Effectivement la une cession de clientèle était réputée inconcevable puisque la relation de confiance entre un patricien et son client est difficilement transmissible. Ce lien est de ce fait incompatible avec la cession de clientèle civile. [...]
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