Commentaire d'arrêt, Première Chambre civile, Cour de cassation, 3 février 2004, obligation de restitution de l'emprunteur au sein d'un prêt à usage indéterminé
En s'intéressant à cette affaire, Monsieur Bénabent, insatisfait de la tournure qu'elle prenait, faisait part de son « espoir de résistance », c'est ainsi que ces vœux furent entendus par le présent arrêt qui procède alors à une autocensure.
Le 3 février 2004, la première Chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt de cassation relatif à l'obligation de restitution de l'emprunteur au sein d'un prêt à usage indéterminé.
En l'espèce, un prêt à usage d'un immeuble avait eu lieu entre deux frères. Suite au décès du prêteur, les héritiers demandèrent la restitution du bien auprès de l'emprunteur qui refusa.
Ce dernier affirmait que le prêt fut consenti jusqu'à son décès, mais les juges du fond firent d'abord droit aux héritiers, leur donnant la faculté de résilier à tout moment sans exiger la preuve d'un besoin pressant et imprévu.
[...] Cependant ce genre de qualificatif est toujours source d'insécurité juridique à l'égard de celui-ci contre qui court le délai, cela peut être source de contentieux. Deux possibilités sont à envisager : soit le juge appréciera ce délai de sorte que l'emprunteur soit satisfait dans l'usage de la chose qui lui a été prêtée et dans ce cas le juge aura répondu aux attentes légitimes de l'emprunteur ; soit le juge appréciera ce délai sans tenir compte de la satisfaction de l'emprunteur, et dans ce cas cela constituera une atteinte à l'article 1888 du Code civil exigeant la restitution de la chose qu'après qu'elle (ait) servi à l'usage pour lequel elle a été empruntée : l'usage de la chose se trouvera cour-circuité. [...]
[...] Dans cette même affaire, une première cassation avait eu lieu affirmant une solution contraire : l'obligation de restitution de l'emprunteur était subordonné à la démonstration par le prêteur d'un besoin pressant et imprévu, ce qui n'était pas conforme à l'article 1875. Ainsi l'emprunteur s'assimilait à un usufruitier, et le prêteur à un donateur. Lorsque le contrat à usage permanent ne prévoyait pas de terme naturel ni prévisible, la difficulté soulevée quant à la restitution de la chose était résolue ainsi : tant qu'existait un besoin de l'emprunteur, on ne pouvait obliger la restitution sauf en cas de besoin pressant et imprévu prouvé par le prêteur (Civ février 1993, puis Civ novembre 1996) : le contrat perpétuel semblait être possible. [...]
[...] La permanence de l'usage ainsi que l'indétermination du terme du prêt ne permet pas d'imposer réellement l'obligation de restitution à l'égard de l'emprunteur (l'occupation d'un immeuble est un usage qui ne peut prendre fin), ainsi pour garantir au propriétaire généreux la restitution de sa chose, il est justifié de lui accorder une telle action afin de ne pas perdre les conséquences de sa propriété, mais surtout de ne pas voir son prêt transformé en donation. En cas de défaillance de l'emprunteur à son obligation imposé par l'article 1875, le prêteur est sécurisé par cette action en garantie de restitution. [...]
[...] Cela aurait pu être évité si l'on avait laissé cette prérogative de rupture à la discrétion du juge, conformément à la jurisprudence de 1998. Le juge semble plus apte à apprécier la durée du prêt en fonction des circonstance, lui aurait su respecter l'équilibre entre la satisfaction de l'usage de l'emprunteur et la nécessité de restituer la chose au prêteur. De plus comme le souligne Monsieur Crône, le recours au juge prévu par l'arrêt de 1998 présentait l'avantage d'aboutir à une décision valant autorisation d'expulsion, c'était un élément d'efficacité quant à la restitution de la chose, qui désormais n'est plus possible directement. [...]
[...] En ce sens, un revirement fut opéré en 1998 (Civ novembre 1998), sur lequel la présente décision s'appuie, où l'effectivité de l'obligation de restitution de l'emprunteur fut réaffirmée afin d'écarter le risque d'un contrat perpétuel. Cependant cette solution affirmait également qu'il appartenait au juge de déterminer la durée du prêt, ainsi on obligeait le prêteur à agir en justice, ce qui pouvait le décourager, et, en définitive cela n'écartait pas réellement le risque de la perpétuité du contrat de prêt à usage. [...]
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