Commentaire d'arrêt, Première Chambre civile, Cour de cassation, 12 juin 2012, obligation alimentaire, obligation naturelle
Un couple divorce le 27 septembre 1976. L'ex-épouse obtient le versement d'une pension alimentaire. En 1983, elle demande l'instauration d'une procédure de paiement direct aux mains du trésor public. Son ex-époux l'assigne en justice au titre du remboursement des sommes versées que celle-ci se soit remariée le 5 juin 1993.
L'époux souhaite mettre fin aux versements et saisit le tribunal de grande instance de Pontoise puis de Cayenne le 25 mars 1996, qui déclare la requête irrecevable. L'époux saisit le tribunal de grande instance d'Avignon qui condamne le 28 avril 2008 l'ex-épouse à restituer la somme de 42 516.13 euros. Celle-ci se pourvoit alors en cassation avec pour motif un défaut de base légale et la violation des articles 2277 et 1382 du Code civil.
L'épouse se base sur l'article 1235 alinéa 2 du Code civil pour défendre le fait qu'elle doive rembourser les sommes reçues au titre de la pension alimentaire. Cet article dispose que le remboursement de sommes volontairement versées n'est pas possible et que dès lors, elle n'aurait pas à restituer la pension alimentaire versée par son ex-époux. Selon elle ce paiement aurait été volontaire dans la mesure où son mari pouvait demander la fin du versement de la pension. Il lui suffisait de faire produire par un huissier un certificat attestant de la fin de la nécessité du versement de la pension alimentaire.
[...] Toute les tentatives d'obtenir la mainlevée du paiement devant la justice n'ont pas abouti. Or il semblerait que la possibilité juridique implique non pas une simple possibilité, mais bien un jugement de mainlevée du paiement. La Cour de cassation en jugeant que le paiement de la pension n'avait aucun caractère volontaire précise la nature du paiement direct par le Trésor public. Celui-ci n'est donc pas considéré comme une manifestation de la volonté du débiteur, notamment parce qu'il a été instauré par le créancier. [...]
[...] La Cour de cassation affirme donc le caractère nécessaire de la volonté dans la transformation d'une obligation civile en obligation naturelle. Dans sa décision la Cour de cassation ne se prononce pas sur l'éventualité d'une devoir de conscience qui conduirait à une aide matérielle entre ex- époux, au-delà de l'article 301 alinéa 1er de l'ancien code civil. L'intérêt de cet arrêt réside dans le fait que la Cour de cassation insiste longuement sur la volonté, en déclinant cela avec la caractérisation du paiement volontaire. [...]
[...] Il lui suffisait de faire produire par un huissier un certificat attestant de la fin de la nécessité du versement de la pension alimentaire. Si l'on peut arguer que le paiement n'était pas volontaire, il ressort de l'affaire que l'ex-époux était au courant du remariage dès 1996, mais qu'il n'a rien fait pour demander la fin du paiement. Ainsi en demandant la répétition de sommes volontairement versée, la cour d'appel va à l'encontre de l'article 1235 du Code civil. Même si au titre de l'ancien article 301 du Code civil le versement de la pension alimentaire cesse avec le remariage du créancier, cela n'empêche pas de verser une somme mensuelle au titre d'une aide matérielle, d'une contribution à l'entretien de l'ex-époux. [...]
[...] Elle ne s'est donc pas intéressée au résultat des procédures judiciaires mises en place, mais uniquement à la volonté qui animait l'ex-époux. Elle l'a fait en dépit d'une lettre du 27 mai 2000 dans lequel l'ex-époux indique qu'il avait négligé d'insister pour obtenir la mainlevée du paiement Dès lors l'appréciation des juges du fond s'est fait non pas sur les faits, mais sur l'intention. Ils ont pris en compte ce qui est apparu pendant les débats, presque à l'insu de l'ex-époux. [...]
[...] La Cour de cassation a estimé qu'au vu de la procédure de paiement direct entre les mains du Trésor public, le paiement n'avait pas un caractère volontaire et que dès lors l'obligation naturelle ne se transforme pas en obligation civile. La Cour de cassation a déclaré que cet article ne peut s'appliquer à des sommes qui n'auraient pas dû être payées. Ce type de somme relève en effet du régime spécifique des quasi-contrats. La Cour de cassation a estimé que les 3 tentatives de mainlevée du versement de la pension alimentaire, même si elles n'avaient pas abouti, ne constituaient pas un cas de négligence fautive. [...]
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