Commentaire d'arrêt, Cour de cassation, 5 mai 1993, obligation de délivrance, obligation de garantie des vices cachés
Toute personne autonome est au moins une fois par jour partie à un contrat de vente, mais la chose achetée peut se retrouver être défectueuse, car atteinte d'un défaut ou bien elle n'est pas la chose désirée initialement.
En 1974, les époux X ont acquis de la société Blocs et matériaux du Beauvaisis (BMB) des tuiles plates dont ils ont effectué eux-mêmes la pose sur la toiture de leur pavillon. En 1976, des désordres sont apparus et la société BMB a accepté de leur fournir gratuitement mille tuiles plates de remplacement. Toutefois, les désordres n'ont fait que s'étendre, allant jusqu'à toucher la quasi-totalité de la toiture en 1982.
En 1983, les époux X ont assigné la société BMB en dommages et intérêts pour leur préjudice subi. Par un arrêt du 29 mai 1990, la Cour d'appel d'Amiens les déboute de leur demande au motif que celle-ci n'avait pas été intentée dans le bref délai imparti de l'article 1648 du Code civil. Les époux X forment un pourvoi en cassation aux motifs que l'obligation de délivrance ne se cantonne pas aux spécificités contractuelles prévues, mais s'étend à la conformité de la chose à celle commandée, au sens large du terme. De plus, les requérants invoquent l'ouverture de l'action rédhibitoire, mais aussi de l'action en responsabilité contractuelle.
[...] L'article 1603 du Code civil précise que le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend Par le biais d'une interprétation littérale de cet article, l'obligation de délivrer la chose se situerai donc au niveau de l'exécution du contrat tandis que l'obligation de garantie des vices cachés se situerai après. Toutefois, la limite entre ces deux notions semble étroite, c'est pourquoi le législateur a tenté de donner une définition concrète de chacune d'elles. [...]
[...] C'est ainsi que l'extension de l'obligation de délivrance a vidé de son contenu l'obligation de garantie des vices cachés qui elle-même sanctionnait le contrat du seul fait que le défaut rendait impropre la chose à sa destination normale. L'affirmation de deux obligations complémentaires garantissant une protection accrue de l'acheteur Deux chambres de la Cour de cassation première et la troisième chambre civile- ont été pendant de longues années en conflit concernant la portée à donner à ces deux notions. Si la première chambre civile adopte une interprétation extensive de la notion d'obligation de délivrance permettant ainsi une protection accrue de l'acquéreur souvent profane, la troisième chambre civile quant à elle adopte une interprétation stricte des dispositions légales. [...]
[...] L'article 1147 du Code civil, sur lequel est basée la responsabilité contractuelle composée de l'obligation de délivrance- dispose que Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution En l'espèce, l'obligation de la société BMB était de délivrer aux époux X une quantité déterminée de tuiles plates, ce qu'elle fit en 1974. C'est pourquoi, en délivrant aux époux X des tuiles plates physiquement conforment aux dispositions contractuelles prévues et qui ne présentait en apparence aucun défaut susceptible d'être vu à l'œil nu pendant les diligences normales, les requérants ne pouvaient mettre en jeu la responsabilité contractuelle de la société BMB. [...]
[...] Elle admet donc que les deux actions ne peuvent pas se cumuler et que l'action en garantie des vices cachés dispose d'un régime juridique propre. Elle reconnait donc par la même occasion son autonomie. Dans cet arrêt, les juges parlent de défaut de la chose, ce défaut appelé vice a un aspect pathologique susceptible d'évolution selon le rapporteur de la Cour de cassation. Il survient souvent accidentellement, c'est pourquoi est exclue dans la notion de vice, l'idée même de faute. [...]
[...] En l'espèce, la société Blocs et matériaux du Beauvaisis est considérée comme un vendeur professionnel et les époux X des consommateurs, donc si les époux X avaient intenté une action rédhibitoire dès 1974, il y a de fortes chances pour qu'ils aient obtenu le remboursement du prix payés des tuiles défectueuses et également des dommages et intérêts pour le préjudice subi. Pourtant, ils se sont bornés à intenter une action en responsabilité contractuelle pour reconnaitre un fait fautif de la part du vendeur alors que la notion de vice est un concept objectif. B') Un délai arbitraire laissé à la souveraineté des juges du fond : l'origine d'une instabilité juridique Par l'arrêt du 5 mai 1993, la Cour de cassation se borne à fermer expressément la possibilité d'invoquer l'action en responsabilité contractuelle en présence d'un vice caché. [...]
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