Cession de créance, compensation, dettes connexes, débiteur cédé, bordereau dailly
L'arrêt qui nous est soumis aborde la question de la notification au débiteur cédé de la cession dailly et des conséquences de la non acceptation par le débiteur de celle-ci quant aux exceptions qu'il pourrait invoquer face au cessionnaire.
En l'espèce, il s'agit de la société LCE qui a cédé à la banque BNP, par un bordereau dailly, une créance sur la société L. En effet, celle-ci avait confié à la société LCE un transport, et devait lui verser le prix de celui-ci.
La société L invoquait d'important retard d'exécution de la part de la société LCE. Elle a alors demandé la compensation judiciaire entre la dette de dommage et intérêts que lui devait la société LCE en raison de l'inexécution du contrat. Et entre la dette qu'elle devait à la société LCE, qui avait été transmise à la BNP.
Afin d'argumenter cette compensation, la société L soutient qu'un lien de connexité existait entre sa créance et celle de la LCE.
La cour d'appel a rejeté les prétentions de la société L aux motifs que celle-ci ne peut opposer à la BNP une exception de compensation, puisque la créance de dommages et intérêts était née postérieurement à la notification de la cession. Que de ce fait la créance était sortie du patrimoine de la LCE pour entrer dans celui de la banque.
La cession dailly notifiée et pourtant non acceptée par le débiteur cédée, lui permet-il d'opposer l'exception de compensation au cessionnaire, entre des créances qu'il dispose avec le cédant, si l'une d'elles est née postérieurement à cette cession ?
La cour de cassation casse l'arrêt rendu par la cour d'appel au motif que la notification de la cession, dès lors qu'elle n'a pas été acceptée par le débiteur, ne l'empêchait pas d'invoquer des exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le cédant. Et en particulier celle de la compensation entre créances connexes.
Le principe étant que le transfert de créance, ne fait qu'opérer un changement de créancier, il est normal que le débiteur qui n'est pas parti à la cession, ne doit pas être tenu plus strictement que ce qu'il ne l'était à l'égard du cédant. Et ceci implique, le fait qu'il puisse opposer les mêmes exceptions au cessionnaire, que celles qu'il pouvait opposer au cédant. La cour de cassation accepte donc qu'en matière de cession dailly, le débiteur cédé, puisse opposer au cessionnaire, les exceptions inhérentes à la créance, y compris la compensation pour dettes connexes. Et ceci, même lorsque l'une de ces dettes est née postérieurement à la cession (A). Néanmoins le droit positif actuel n'a toujours pas déterminé à quel moment le débiteur cédé pouvait ou non opposer ces exceptions. La cour semble, dans cette espèce, faire de la notification de la cession au cédé et de son acceptation, le point autour duquel s'articule la possible opposabilité des exceptions (B).
[...] On voit donc la difficulté de la cour d'appel et de la cour de cassation à concilier les intérêts en cause. Ainsi, refuser la compensation au débiteur cédé, le fragiliserait mais serait justifiée au regard de la disparition de la réciprocité. C'est d'ailleurs, en cela que se justifie la décision de la cour d'appel qui a considéré que la dette dont se prévaut la société L est sortie du patrimoine de la LCE. Mais au regard de la décision de la cour de cassation, il semble qu'elle favorise le risque que le cessionnaire acquière une créance compensable. [...]
[...] notification et acceptation : le débiteur cédé, maître de son propre destin Une incertitude subsiste au sein du droit positif quant au fait de savoir si la notification, et l'acceptation de la cession par le cédé, modifierait sa capacité à pouvoir exposer au cessionnaire l'exception de compensation. Si l'on prend a contrario le raisonnement de la cour de cassation, son acceptation pourrait en effet avoir un impact sur ces facultés Et ce raisonnement est appuyé par la référence à l'article 6 de la loi dailly qui mentionne l'acceptation formelle de la cession par le débiteur cédé. Peut-être la cour de cassation glisse-t-elle vers un formalisme contraignant de la cession dailly? [...]
[...] Cette décision va à l'encontre de ce qu'avait décidé la cour d'appel qui avait refusé cette compensation, en estimant que la créance était sortie du patrimoine du cédant. La cour de cassation, quant à elle ne semble pas se préoccuper de la nécessaire réciprocité des créances Elément pourtant fondamental de la compensation, dont l'omission semble être comblée par le lien de connexité. A. le passage en force de la compensation pour une dette absente du patrimoine du cédant La réciprocité est l'élément, en principe auquel on ne peut déroger. [...]
[...] Il suffisait donc au juge de déclarer ces dettes connexes, et l'obstacle de la compensation légale était surmonté par le recours à la compensation judiciaire. Ceci semble conférer au débiteur cédé une grande protection, qui lui permet tant bien que mal de parvenir à ses fins. De même dans un arrêt de 1983, il s'agissait d'un cessionnaire qui sollicitait le paiement d'un prix, et les époux cédés luit avaient opposé la compensation de cette dette avec la créance qu'ils détenaient contre le cédant. [...]
[...] Et de ce fait, il pourrait valablement se libérer de son paiement envers le cédant. Il considérerait donc que sa créance est toujours dans le patrimoine du cédant, et qu'il peut valablement opposer la compensation. Néanmoins se serait retirer le caractère pratique et moins contraignant de la cession dailly qui a été à l'origine crée pour simplifier les cessions de créances professionnelles. Et ce afin que les paiements se fassent plus rapidement, sous peine d'entraver le bon fonctionnement de l'économie. [...]
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