Mandat mandataire action directe cassation code civil 13 février 2007
« Rendre service de tout son pouvoir, de toutes ses forces, il n'est pas de plus noble tâche sur la terre. » (Sophocle)
Cette citation semble prendre un sens nouveau lorsqu'elle est analysée à la lumière de la jurisprudence sur le mandat. En effet, bien que le mandat ne soit pas à proprement parlé un service rendu, il semble que cette action puisse être risquée si toutes les précautions ne sont pas prises par les intéressés. Alors, rendre service de tout son pouvoir et de toutes ses forces, certes mais pas sans s'assurer que la contrepartie est bien accessible. Cette idée peut sembler avide voire cupide mais il apparait qu'elle est le reflet de notre société moderne et, précisément, dans cette décision rendue le 13 février 2007 par la chambre commerciale de la Cour de cassation, le sous-mandataire, également appelé mandataire substitué, aurait pu en subir les conséquences.
En l'espèce, la société Centre de distribution de quincaillerie (la société CEDIS) mandate la société Transit Cazal pour qu'elle « procède aux opérations de marchandises lui appartenant » pour son compte. La société Transit Cazal se substitue à son tour un mandataire, M.X, qui exécute la prestation convenue. La difficulté apparait lorsque M.X souhaite voir ses frais remboursés et qu'il intente une action contre le mandant car la Société CEDIS a déjà payé son mandataire en acceptant une lettre de change et se trouve ainsi libérée.
L'action que M.X a intentée est une action dite directe qui correspond à l'exercice d'un droit propre qu'il a à l'encontre de la société CEDIS du fait qu'il a exécuté une opération pour son compte. D'autres actions de ce type se rencontrent dans le droit français, ainsi dans le domaine du bail le propriétaire a une action directe en paiement du loyer contre le sous-locataire. De la même façon, le sous-traitant a une action directe contre le maitre d'ouvrage et la victime d'un dommage contre l'assureur du responsable.
Ces actions directes sont séparées en deux catégories, les actions directes parfaites et les actions directes imparfaites. Une action directe est dite parfaite lorsque « la créance est immobilisée au profit du titulaire de l'action dès la naissance de son droit » ce qui signifie que l'intéressé n'a aucune démarche à effectuer pour que la créance soit indisponible.
Par opposition, une action directe imparfaite nécessite qu'une mise en demeure soit adressée pour que la créance soit immobilisée ce qui amène parfois à s'interroger sur l'ordre dans lequel les actions ont été réalisées pour connaitre la validité d'une cession de créance par exemple.
Toutes ces actions sont enfermées dans un régime semblable et notamment par la théorie de la double limite qui peut se résumer en ces termes « Le créancier qui agit contre le sous-débiteur ne peut agir que dans la double limite de ce que le sous débiteur doit encore au débiteur intermédiaire et de ce que le débiteur intermédiaire doit encore au créancier. ».
Dans l'arrêt du 13 décembre 2007 et, a fortiori, dans toute la jurisprudence relative à l'action directe du sous-mandataire contre le mandant cette règle a été fortement malmenée. C'est précisément sur ce point que l'arrêt montre un intérêt particulier, en effet l'arrêt de la Cour d'appel faisait valoir que l'acceptation de la lettre de change emportait libération de la société CEDIS et qu'ainsi, opposant la jurisprudence du 3 décembre 2002, l'action était sans effet. Cependant la Cour de cassation casse l'arrêt au motif que M.X avait, avant l'acceptation de la lettre de change, déjà exercé l'action par une demande en paiement adressée au mandant.
Cet arrêt nous pousse à nous interroger sur le point de savoir si le régime juridique de l'action directe du mandataire substitué envers le mandant est remis en question par l'instauration de cette nouvelle règle. Car, en effet ce revirement de jurisprudence salvateur (II) intervient dans un cadre juridique hésitant et controversé (I).
[...] Dans l'arrêt du 13 décembre 2007 et, a fortiori, dans toute la jurisprudence relative à l'action directe du sous-mandataire contre le mandant cette règle a été fortement malmenée. C'est précisément sur ce point que l'arrêt montre un intérêt particulier, en effet l'arrêt de la Cour d'appel faisait valoir que l'acceptation de la lettre de change emportait libération de la société CEDIS et qu'ainsi, opposant la jurisprudence du 3 décembre 2002, l'action était sans effet. Cependant la Cour de cassation casse l'arrêt au motif que M.X avait, avant l'acceptation de la lettre de change, déjà exercé l'action par une demande en paiement adressée au mandant. [...]
[...] Pour bien en comprendre l'ampleur, il est nécessaire de préciser un point de droit. La Haute juridiction, dans son arrêt du 9 novembre 1987 précise que « L'action directe du mandataire substitué peut être exercé dans tous les cas, que la substitutions ait été, ou non, autorisée par le mandant ». Cet arrêt implique donc une conséquence fondamentale, le mandant peut être actionné en justice par une personne dont il ignore tout, y compris qu'elle exécute une opération pour son compte. [...]
[...] En effet si la Cour imposait que la créance soit certaine dans son montant, cela laisserait toute marge de manœuvre au mandataire intermédiaire pour en disposer librement. Une autre série de condition est relative à la dette du sous-débiteur qui doit, quant à elle, être existante au jour de l'action, aucune condition de liquidité, exigibilité ou de caractère certain de la dette n'est attendu. Ce choix de la Haute juridiction est encore dicté par la recherche d'efficacité puisqu'en effet, cette action ayant pour but l'immobilisation de la dette, si l'on exigeait qu'elle soit liquide ou exigible, cela l'en priverait d'une grande partie. [...]
[...] » Cependant, par un arrêt publié aux Grands Arrêts de la Jurisprudence Civile rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 27 décembre 1960, la Haute juridiction autorise l'action inverse, du sous-mandataire vers le mandant. Cet arrêt fondamental en la matière bouleverse l'ordonnancement juridique et, bien accueilli par la doctrine, il sera maintenu. Le principe posé, la Cour de cassation s'est attelée à définir un cadre juridique pour son exercice, c'est pourquoi il semble être important de l'exposer. Le mandataire substitué peut agir si sa créance est certaine et exigible, conditions couramment employées en la matière et souvent complétées par liquidité de la créance. [...]
[...] Commentaire de l'arrêt : Com. - 13 février 2007 « Rendre service de tout son pouvoir, de toutes ses forces, il n'est pas de plus noble tâche sur la terre. » (Sophocle) Cette citation semble prendre un sens nouveau lorsqu'elle est analysée à la lumière de la jurisprudence sur le mandat. En effet, bien que le mandat ne soit pas à proprement parlé un service rendu, il semble que cette action puisse être risquée si toutes les précautions ne sont pas prises par les intéressés. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture