Commentaire d'arrêt - Civ. 3eme, 21 mai 2008
L'expression « de non vigilantibus non curat praetor » (familièrement traduit par « la loi ne protège pas les imbéciles ») donne une image de l'erreur inexcusable dans le fait qu'elle ne peut pas, en principe, être une cause de nullité d'un contrat. Cependant, l'erreur inexcusable peut dans un cas être « excusée ».
L'arrêt de rejet de la troisième chambre civile de la cour de cassation, en date du 21 mai 2008, est relatif à l'erreur obstacle sur la cause du contrat.
En l'espèce, une promesse de vente sous seing privé a été établie par le notaire d'une venderesse. Les indications de cette promesse de vente ont été reproduites dans l'acte de vente du 12 août 1998 dans lequel la venderesse s'engageait à vendre divers biens immobilier à une société civile immobilière (SCI). Cependant, l'acte de vente du 12 aout 1998 « comportait une erreur importante de contenance du lot n°11, vendu pour 60 m² alors que sa superficie réelle était de 213 m² et ne précisait pas que ce lot faisait l'objet d'un bail commercial ». Par ailleurs, le notaire de la venderesse avait indiqué par lettre du 27 février 2002 au notaire de la SCI « qu'il pensait très sincèrement que sa cliente n'envisageait pas de vendre le lot n°11 ».
Cette vente ayant quand même été effectuée, la venderesse a assigné la SCI en nullité de la vente pour erreur sur l'identification du bien vendu. L'affaire est déférée devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui se prononce en faveur de l'appelante. C'est alors que l'intimé (la SCI) se pourvoi en cassation.
Le demandeur au pourvoi soutient premièrement que la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a méconnu l'article 1110 du Code civil dans la mesure où « la simple lecture des deux actes [promesse de vente et acte de vente] aurait permis à la venderesse de constater que la description des lots ne correspondait pas à sa volonté ». Ainsi, selon le demandeur, la « fausse représentation de la réalité » visée à l'article 1110 du Code civil n'est pas applicable au cas d'espèce. Le demandeur au pourvoi soutient deuxièmement que la cour d'appel d'Aix-en-Provence s'est limitée « à relever qu'il existait des inexactitudes qu'à la condition qu'elles soient importantes dans la promesse de vente puis dans l'acte de vente lui-même, et une méprise de [l'appelante] quant à l'étendue des droit qu'elle a cédés ». Ainsi, le demandeur soutient que l'article 1110 du Code civil « sanctionne de nullité l'erreur sur la substance caractérisée » et donc que la Cour d'appel d'Aix-en-Provence « n'a pas légalement justifié sa décision et prive son arrêt de base légale » dans la mesure où elle n'a pas vérifié les caractères de l'erreur commise par la défenderesse, « notamment si elle était excusable ».
[...] En l'espèce, la défenderesse a fait une erreur d'une part puisque « la promesse de vente sous seing privé établie par le notaire [de la défenderesse], dont les indications avaient été reproduites dans l'acte de vente du 12 août 1998, comportait une erreur importante de contenance du lot n°11 vendu pour 60 m² alors que sa superficie réelle était de 213 m² » et d'autre part puisqu'elle n'a pas compris que le lot n°11 « correspondait aux locaux commerciaux loués à une société ». Ainsi, la défenderesse a fait une erreur sur l'objet même de la vente. [...]
[...] Cependant, il convient de qualifier plus précisément cette erreur. Une erreur ayant des conséquences importantes sur la définition des biens vendus et la consistance de la vente En l'espèce, l'erreur « importante de contenance du lot n°11 » figurant dans l'acte de vente du 12 aout 1998 a d'une part des conséquences importantes sur la définition des biens vendus puisqu'il y a une erreur quant à la superficie du lot n°11 (60 m² au lieu de 213 m²), et d'autre part des conséquences importantes sur la consistance de la vente puisque « ce lot faisait l'objet d'un bail commercial ». [...]
[...] L'erreur fait obstacle à la formation du contrat ». Or en l'espèce, la défenderesse s'est méprise sur la définition des biens vendus et la consistance de la vente. Ainsi on peut affirmer qu'il n'y a eu « qu'un simple malentendu » entre les parties contractantes et que dès lors il n'y a pas eu de consentement, l'erreur de la défenderesse faisant obstacle à la rencontre des consentements, qui eux-mêmes sont essentiels à la formation du contrat. L'éviction du caractère inexcusable de l'erreur en cas d'erreur-obstacle En l'espèce, la cour de cassation a précisé que la cour d'appel n'avait pas à « procéder à une recherche sur le caractère inexcusable de l'erreur que ses constatations rendaient inopérante » et donc écarte toute incidence d'une éventuelle erreur inexcusable. [...]
[...] En effet, aussi bien pour une erreur-obstacle ou une erreur vice du consentement, dans les deux hypothèses, le point de départ du raisonnement est une volonté erronée exprimée par l'errans (l'errans étant celui qui agit en nullité). En effet, le fait d'admettre dans tous les cas l'éviction du caractère inexcusable de l'erreur en cas d'erreur-obstacle pourrait laisser place à de nombreux abus puisqu'il serait aisé de plaider une erreur-obstacle même suite à un « comportement grossier ou simplement négligent ». [...]
[...] Ainsi, selon le demandeur, la « fausse représentation de la réalité » visée à l'article 1110 du Code civil n'est pas applicable au cas d'espèce. Le demandeur au pourvoi soutient deuxièmement que la cour d'appel d'Aix-en-Provence s'est limitée « à relever qu'il existait des inexactitudes qu'à la condition qu'elles soient importantes dans la promesse de vente puis dans l'acte de vente lui-même, et une méprise de [l'appelante] quant à l'étendue des droit qu'elle a cédés ». Ainsi, le demandeur soutient que l'article 1110 du Code civil « sanctionne de nullité l'erreur sur la substance caractérisée » et donc que la Cour d'appel d'Aix-en-Provence « n'a pas légalement justifié sa décision et prive son arrêt de base légale » dans la mesure où elle n'a pas vérifié les caractères de l'erreur commise par la défenderesse, « notamment si elle était excusable ». [...]
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