Commentaire d'arrêt - Civ. 2ème, 24 février 2005
L'arrêt de rejet de la deuxième chambre civile de la cour de cassation, en date du 24 février 2005, est relatif à l'anormalité comme critère permettant d'établir le rôle actif de la chose inerte dans la réalisation du dommage au sens de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil.
En l'espèce, des moniteurs de la société PROMAG ont installé, au bord d'un étang, sur la plage, un tremplin pour effectuer des sauts à vélo tout terrain (VTT) dans l'étang. Neuf jours après, une personne, en plongeant, a glissé du sommet du tremplin et s'est blessé en tombant au droit du tremplin où l'eau était peu profonde.
Cette personne, ses parents, ses soeurs et son frère ont assigné la société PROMAG et son assureur, la compagnie Axa en réparation de leur préjudice, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie. L'affaire est allée devant la Cour d'appel de Montpellier qui, le 5 juin 2003, les a déboutés de leurs demandes. Ces appelants se pourvoient en cassation.
Les demandeurs soutiennent premièrement qu'en niant le « rôle causal joué par le tremplin dans la réalisation de l'accident, sous prétexte qu'il était dans une position "normale", tout en constatant qu'il avait été, par sa position, l'instrument du dommage », la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil. Les demandeurs soutiennent deuxièmement que « la cour d'appel ne pouvait considérer comme "normal" et "n'ayant rien d'insolite" le fait qu'un tremplin soit abandonné pendant neuf jours au bord d'un étang, et à un endroit où l'eau est peu profonde, à la portée de tous les estivants, en plein mois d'août ». Dès lors, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil. Les demandeurs soutiennent troisièmement qu'en exonérant totalement le gardien du tremplin de toute responsabilité, au motif que la victime avait commis une faute en utilisant le tremplin comme un plongeoir, sans constater que cette faute était pour le gardien imprévisible et irrésistible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil. Les demandeurs soutiennent quatrièmement qu'en affirmant que parce qu'ils ne concluaient pas à l'infirmation du jugement entrepris, ils se fondaient exclusivement sur la notion de garde et non sur la notion de subordination, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile.
La question de droit qui se pose est de savoir si le rôle actif de la chose inerte doit être prouvé pour que soit engagé la responsabilité du gardien de cette chose. Et donc pour établir ce rôle actif il faut savoir si la position ou l'état matériel dans lequel se trouve le tremplin ont un caractère anormal.
La cour de cassation énonce que « la présence d'un tel tremplin n'avait rien d'insolite et d'anormal dans un lieu d'animation sportive, qu'il ne présentait lui-même aucun caractère de dangerosité alors qu'il était d'une hauteur de 1 m et d'une largeur de 1,20 m ». Or, le demandeur, « qui connaissait parfaitement les lieux et savait qu'il n'existait aucune profondeur au droit du tremplin, a détourné sciemment l'usage du tremplin qui ne présentait aucun risque dans le cadre de son utilisation normale ». Ainsi, « en l'état de ces constatations et énonciations établissant l'absence d'anormalité de la chose, la cour d'appel a exactement déduit que le tremplin n'avait pas été l'instrument du dommage ». En ce qui concerne le moyen pris en sa troisième et quatrième branche, la cour d'appel ayant retenu que la faute du demandeur était à l'origine exclusive de son dommage, le moyen, est donc il est inopérant. Par ces motifs, la deuxième chambre civile de la cour de cassation rejette le pourvoi.
L'intérêt de cet arrêt est de mettre en exergue la distinction des choses en mouvement et des choses inertes. En effet, la deuxième Chambre civile subordonne la mise en oeuvre de la responsabilité du gardien d'une chose inerte à une exigence de causalité qualifiée (I). Dès lors, il est nécessaire d'établir le rôle actif de la chose inerte par le biais du critère de l'anormalité de cette chose. Ainsi, la deuxième Chambre civile énonce des critères permettant la caractérisation de l'anormalité de la chose inerte (II).
[...] Ainsi, la Cour de cassation retient que le rôle actif de la chose inerte s'exprime par sa condition d'anormalité. Cependant, il convient de caractériser cette condition d'anormalité. Les critères permettant la caractérisation de l'anormalité de la chose inerte Ces critères de l'anormalité permettent de la définir en référence à la normalité Dès lors, la Haute juridiction, par cette définition large de l'anormalité induit des avantages. Cependant, par un autre arrêt la Cour de cassation a précisé cette définition, induisant par là même des désavantages Les critères du critère : de la normalité à l'anormalité En l'espèce, « la présence d'un tel tremplin n'avait rien d'insolite et d'anormal dans un lieu d'animation sportive, qu'il ne présentait lui-même aucun caractère de dangerosité ». [...]
[...] Les demandeurs soutiennent deuxièmement que « la cour d'appel ne pouvait considérer comme "normal" et "n'ayant rien d'insolite" le fait qu'un tremplin soit abandonné pendant neuf jours au bord d'un étang, et à un endroit où l'eau est peu profonde, à la portée de tous les estivants, en plein mois d'août ». Dès lors, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil. Les demandeurs soutiennent troisièmement qu'en exonérant totalement le gardien du tremplin de toute responsabilité, au motif que la victime avait commis une faute en utilisant le tremplin comme un plongeoir, sans constater que cette faute était pour le gardien imprévisible et irrésistible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil. [...]
[...] L'anormalité est définie comme quelque chose qui outrepasse la norme, qui excède la mesure. Dès lors, ce critère d'anormalité implique une comparaison avec une situation normale. Autrement dit, la chose sera considérée comme anormale si elle présente un vice. Or la preuve de la connaissance par le gardien de ce vice, et donc sa faute à ne pas y remédier ou à ne pas en informer au préalable la victime, n'est pas exigée. Par conséquent, ce n'est pas la référence au comportement du gardien qui est pertinente, mais bel et bien la seule analyse de la chose. [...]
[...] Dès lors, la jurisprudence antérieure avait écarté cette solution classique en retenant que la simple participation matérielle de la chose inerte (son contact avec la victime), suffisait à démontrer sa participation causale, et donc son rôle actif. La Cour de cassation n'exigeait donc plus le constat de la position anormale ou défectueuse de la chose ce qui avait pour conséquence de faire peser sur le gardien une responsabilité très lourde si on garde en tête la conception très restrictive de la cause étrangère, seule cause d'exonération totale admise en cette matière. [...]
[...] En effet, dans la jurisprudence antérieure la Cour de cassation n'exigeait plus le constat de la position anormale ou défectueuse de la chose ce qui avait pour conséquence de faire peser sur le gardien une responsabilité très lourde dans la mesure où les assurances multirisques habitation et risques locatifs bien qu'étant répandues, ne sont pas systématiques, et les risques garantis pouvaient ne pas couvrir le fait de toute chose inerte dont l'assuré peut être gardien. Ainsi, cette nouvelle politique jurisprudentielle permet d'éviter des dérives vers un système d'indemnisation automatique et aveugle des dommages causés par des choses. [...]
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