1 juillet 2010, Cour de cassation, deuxième chambre civile, loi Badinter, Régimes spéciaux, responsabilité, du fait des choses, accident, circulation, force majeure, indemnisation, régime, loi, 1985, °85-377, 1251, 1382
Avant la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des
victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures
d'indemnisation, les accidents de la circulation causés par un véhicule relevaient du
domaine de la responsabilité du fait des choses. Or, il est apparu particulièrement
inopportun que le gardien du véhicule, le conducteur, qui a blessé un piéton, puisse
s'exonérer en partie, voire totalement en raison de la simple négligence de la victime.
La faute de la victime est donc de nature à exonérer le gardien. Cela a paru injuste
notamment car cela laissait souvent les victimes avec leur préjudice, et encore plus
injuste car ce n'était pas le conducteur qui indemnisait, mais son assureur. C'est la
raison pour laquelle le Législateur est intervenu en 1985 en adoptant la loi n°85-377
nommée loi Badinter. Cette dernière a comme but d'améliorer et d'accélérer
l'indemnisation des victimes. Elle vient par exemple alléger les conditions de la
responsabilité à travers la notion d'implication, ce qui fait qu'on n'exige plus un fait
de la chose mais simplement une implication de la chose, donc une simple implication
du véhicule dans l'accident. En outre, elle impose également aux assureurs d'adresser
à la victime dans un bref délai une proposition d'indemnisation, sous peine de
pénalités.
Avec cette loi, l'on a une nouvelle conception qui soutient que le droit à
réparation de la victime ne doit pas dépendre du comportement de l'auteur du
dommage. L'on a donc une nouvelle démarche qui consiste en renverser la
perspective, c'est à dire qu'il ne s'agit plus de se placer du côté de l'auteur (qui est
responsable) mais de la victime. Avec cette nouvelle conception, l'on s'est donc
détachée de l'idée de faute. On se focalise donc sur la vertu indemnisatrice de la
responsabilité de sorte que l'on ne parle même plus d'un régime de responsabilité,
mais plutôt d'un régime d'indemnisation. La loi Badinter constitue le seul régime de la
responsabilité véritablement fondé sur la garantie.
Se pose alors aux juges de la Haute juridiction la problématique de la qualité
de conducteur d'une victime dans un accident. Plus précisément, une fois sortie de
son véhicule, la victime garde-t-elle la qualité de conducteur, ou, au contraire,
devient-elle non-conducteur ?
[...] Pal décembre 2010 343, p chron. Mekki. (spé. II. A.). [...]
[...] L'on se demande alors, comment une personne, sortie de son véhicule, peut être un conducteur lorsqu'elle ne remplit plus aucun de ces critères donnés par la définition. Qu'en est-il des personnes éjectées lors d'un accident ? Ou une personne qui sort de son véhicule pour dresser un constat ? Qu'en est-il d'une victime conductrice qui, après être heurtée, lorsqu'elle sort de son véhicule pour se mettre à l'abri, est heurtée une deuxième fois? Le régime semble ne pas être opportun dans toutes les hypothèses La notion d'accident complexe, une notion inéquitable Pour répondre à la question mentionnée, la Cour de cassation souligne régulièrement qu'un conducteur en panne qui attend au coté de son véhicule pour se mettre à l'abri ou celui qui commence à en descendre, n'a plus la qualité de conducteur. [...]
[...] En l'espèce, un groupe de motards participe à une sortie tout-terrain. L'usage est que le premier indique au suivant l'éminence d'un virage ou d'une courbe en tendant la jambe du côté concerné. Durant la sortie, le premier indique le virage éminent mais les motards suivants chutent et se télescopent dans ledit virage. Ici, la première moto est aussi impliquée car elle a participé à la manœuvre en la commandant. Donc, à l'implication matérielle s'ajoute une implication intellectuelle. En l'espèce, il y a une simple implication matérielle, c'est à dire le véhicule de la victime est intervenu. [...]
[...] Le 1er avril 2009, les juges du fond estiment qu'au moment de la deuxième collision, la victime avait la qualité de piéton et par conséquent n'avait plus la qualité de conducteur. La Cour d'appel de Rennes refuse donc d'appliquer l'article 4 de la loi Badinter disposant que La faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis.» La société Macif se pourvoit alors en cassation en avançant que l'existence d'un accident unique et indivisible empêchait au conducteur victime de changer de qualité entre la première et la deuxième collision. [...]
[...] Il fallait donc bien un changement face à ces solutions injustes Le 21 juillet 1982, la Deuxième Chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt de provocation, l'arrêt Desmares, afin de forcer le Législateur à intervenir. Dans cet arrêt remarqué, les juges ont transformé la règle prévalant en matière d'appréciation de la faute de la victime, exigeant que la faute de la victime réponde aux conditions de la force majeure pour pouvoir exonérer le gardien. Le conducteur était pleinement responsable car ce n'était pas un cas de force majeure dans cet arrêt. [...]
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