Droit des contrats, force obligatoire du contrat, article 1134 du Code civil, imprévision, Canal de Craponne, droit des obligations
En matière administrative, le Conseil d'Etat avait admis la révision du contrat pour imprévision dans l'arrêt Gaz de Bordeaux du 30 mars 1916 afin d'éviter l'interruption du service public. Le juge judiciaire dans l'arrêt Cass. Civ., 6 mars 1876 se refuse de réviser le contrat pour imprévision.
En 1567, Adam de Craponne a l'idée de construire un canal afin d'irriguer les terres d'un certain nombre d'agriculteurs. Il s'était engagé à entretenir et à faire bénéficier les riverains de ce canal d'irrigation moyennant une redevance de 3 sols par carteirade (190 ares). Ce contrat a été exécuté pendant de nombreuses années et même pendant plusieurs siècles. Trois siècles plus tard, en 1867, les héritiers d'Adam de Craponne considèrent que la rémunération était insuffisante eu égard la baisse de la valeur de la monnaie et de la hausse du coût de la main d'oeuvre. Cette redevance était selon les parties demanderesses plus en rapport avec les frais d'entretien du Canal de Craponne. Ces derniers se sont donc adressés à la Cour d'appel d'Aix qui a accepté d'élever la redevance à 30 centimes de 1834 à 1874 puis à 60 centimes à partir de 1874. La commune de Pelissanne et les syndics des arrosants directement concernés par cette hausse de la redevance ont donc formé un pourvoi devant les juges du droit de la Cour de cassation. Ils ont invoqué deux moyes parmi lesquels la violation du principe de la force obligatoire du contrat prévu à l'article 1134 du Code civil et le second moyen qui serait également une violation de l'article 1134 du Code civil pour l'établissement de frais communs pour les travaux. Ce deuxième moyen a été rejeté par la Cour de cassation et ne sera pas commenté dans cet exercice puisqu'il n'intéresse pas la théorie de l'imprévision.
En ce qui concerne le premier moyen, il s'agissait de se demander pour les juges de la Haute Juridiction dans quelle mesure le pouvoir prétorien est à même de réviser le contrat pour une imprévision des circonstances économiques survenues à une époque différente de celle de la formation du contrat ?
[...] Ce deuxième moyen a été rejeté par la Cour de cassation et ne sera pas commenté dans cet exercice puisqu'il n'intéresse pas la théorie de l'imprévision. En ce qui concerne le premier moyen, il s'agissait de se demander pour les juges de la Haute Juridiction dans quelle mesure le pouvoir prétorien est à même de réviser le contrat pour une imprévision des circonstances économiques survenues à une époque différente de celle de la formation du contrat ? La Cour de cassation va répondre en affirmant : Attendu que [ ] dans aucun cas il n'appartient aux tribunaux, quelque équitable, que puisse leur paraitre leur décision, de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par les contractants Nous nous proposons donc de montrer dans une première partie l'affirmation du principe du refus de la révision pour imprévision Dans une seconde partie, nous évoquerons la consécration jurisprudentielle de la force obligatoire du contrat (II). [...]
[...] II La consécration jurisprudentielle de la force obligatoire du contrat Cette décision de la Cour de cassation consacre la force obligatoire du contrat, principe prévu à l'article 1134 du Code civil. Mais le refus de réviser le contrat se justifie par un besoin de sécurité juridique Toutefois, il existe des tempéraments légaux et jurisprudentiels à cet arrêt de principe consacrant la force obligatoire du contrat Une décision motivée par un besoin de sécurité juridique dans les opérations contractuelles La décision de la Cour de cassation peut apparaitre très ferme et très radicale. [...]
[...] FORCE OBLIGATOIRE DU CONTRAT LE JUGE PEUT-IL REVISER LE CONTRAT EN DROIT PRIVE ? Commentaire de l'arrêt Cass. Civ mars 1876 En matière administrative, le Conseil d'Etat avait admis la révision du contrat pour imprévision dans l'arrêt Gaz de Bordeaux du 30 mars 1916 afin d'éviter l'interruption du service public. Le juge judiciaire dans l'arrêt Cass. Civ mars 1876 se refuse de réviser le contrat pour imprévision. En 1567, Adam de Craponne a l'idée de construire un canal afin d'irriguer les terres d'un certain nombre d'agriculteurs. [...]
[...] Le refus de statuer en équité Sous l'Ancien Régime, le droit était notamment régi par l'adage Dieu nous garde de l'équité des parlements Or, les révolutionnaires ont voulu mettre fin à un éventuel pouvoir arbitraire du juge et ont considéré que l'équité n'était pas une source du droit. Cela a ensuite été repris par la chambre sociale de la Cour de cassation le 4 décembre 1996. Dans cette affaire, le jugement en équité était très tentant. Le contrat avait été conclu il y trois siècles et la société du XIXème siècle avait considérablement changé depuis le XVIème siècle. [...]
[...] Il en résulte que si la jurisprudence avait admis une telle possibilité, n'importe quel contractant pouvait invoquer l'imprévision de certaines circonstances pour mettre fin aux termes initiaux de son engagement. Cela serait créateur d'une très grande insécurité juridique. Chaque partie pourrait révoquer unilatéralement le contrat en invoquant une imprévision alors que l'article 1134 alinéa 2 du Code dispose que les conventions ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise La théorie de l'imprévision mettrait donc en péril la sécurité des opérations contractuelles. [...]
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