Cour de cassation, 14 mai 1991, société dépositaire, clause illégale, clause abusive
Depuis la fin du XXème siècle, un courant de protection des consommateurs s'est développé, tant au niveau législatif, que jurisprudentiel ou doctrinal. Entre dans cette optique la législation sur les clauses abusives, apparue pour la première fois avec la loi du 10 janvier 1978, qui instaure la commission des clauses abusives et dresse ainsi une nouvelle possibilité de protection contre les professionnels abusant de leur position. Depuis, la jurisprudence sur la question a été abondante et s'est largement développée. C'est notamment le cas parce que ce genre de clause est fréquent dans les contrats entre consommateur et professionnel. La jurisprudence y référant tend à confirmer l'évolution de notre droit vers la volonté de supprimer ces clauses abusives, se rapprochant ainsi avec les législations et pratiques européennes.
L'arrêt de la Cour de cassation du 14 mai 1991 s'inscrit dans ce mouvement. En l'espèce, un particulier avait confié des pellicules à une société de photographie qui les a égarées. Le particulier assigne la société en réparation du préjudice subi. Le tribunal de Béthune, jugeant en premier et dernier ressort, le 28 septembre 1989, donne droit à sa demande, en retenant que la société dépositaire était tenue d'une obligation de résultat et que la clause de non responsabilité du bulletin de dépôt était abusive. La société condamnée à ces dommages intérêts se pourvoit alors en cassation, au motif qu'elle serait tenue d'une obligation de moyen et non de résultat et que la qualification d' « abusive » quant à la clause litigieuse n'avait pas été justifiée par les juges du fond.
La question qui se posait alors à la Cour de cassation était de savoir si une clause exonérant une société de toute responsabilité en cas de perte du bien qui lui est déposé pouvait être déclarée abusive par le juge en l'absence de décret prévoyant l'interdiction.
La Cour estime que la clause litigieuse qui écarte la responsabilité du dépositaire était illégale (I) et que le juge était fondé à la déclarer abusive, ce qui confirme un revirement de jurisprudence jusque là tout juste engagé (II).
[...] Ainsi, il ne serait tenu qu'une obligation de moyens, et non pas de résultat ; il doit prendre tous les soins nécessaires pour faire de son mieux mais l'atteinte du résultat n'est pas une obligation. La société avance également le fait que seraient licites les clauses susceptibles d'atténuer ou de diminuer la responsabilité du locateur Elle estime ainsi qu'elle était en droit d'écarter par une telle clause sa responsabilité en cas de perte du bien qui lui était déposé par son cocontractant. Cependant, la Cour de cassation ne retient pas ces arguments, se fondant sur l'article 1789 du code civil qui pose l'obligation de restitution de la chose reçue. [...]
[...] L'appui sur les recommandations de la commission des clauses abusives permet au juge d'adapter ses décisions aux cas d'espèce et surtout aux évolutions de la société et des pratiques entre professionnels et consommateurs. La jurisprudence pourrait alors avoir une influence sur l'éventuelle législation future sur la question des clauses abusives. L'ouverture de la possibilité d'adaptation marquant une possible influence sur le législateur La lecture des textes ne fait pas obstacle à ce que le juge puisse déclarer lui-même une clause comme étant abusive. La jurisprudence est en effet la mieux à même de tenir compte des évolutions de la société et des pratiques qui l'accompagnent. [...]
[...] La Cour de cassation retient le même raisonnement et affirme alors que la clause a bien un caractère abusif et doit de fait être réputée non écrite. Cette décision va dans le sens du critère matériel de l'article 35 de la loi de 1978 qui prévoit que la clause, pour être abusive, doit être imposée par un professionnel au consommateur par un abus de puissance économique et lui conférer un avantage excessif. Plus tard, une loi du 1er février 1995 réformant l'article L. [...]
[...] Ainsi, avec ces éléments la Cour de cassation déclare alors la clause illégale, et affirme le pouvoir du juge de la déclarer abusive et donc non écrite. II. La possibilité pour le juge de déclarer une clause abusive En l'espèce, la Cour de cassation déclare que le juge du fond a décidé à bon droit que cette clause revêtait un caractère abusif et devait être réputée non écrite Ceci marque un tournant dans la jurisprudence puisque cette décision marque la possibilité pour le juge de déclarer une clause abusive, même sans appui d'un texte règlementaire afin de mieux adapter ses décisions aux évolutions des pratiques A. [...]
[...] Les clauses abusives sont relatives à des notions vagues telles que la bonne foi, la raison, l'équilibre contractuel, ce qui marque une certaine souplesse, qui se prête donc mal à une liste rigide de clauses. On pourrait objecter que cette souplesse qui serait accordée au juge pour qualifier une clause d'abusive serait source d'une insécurité juridique et contractuelle. Mais les tribunaux n'ont aucun intérêt à abuser de leur pouvoir de qualification. Il s'agirait simplement de faire obstacle à un risque de pratiques abusives dans l'exécution d'un contrat à cause d'une clause qui y est introduite. [...]
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