Assemblée plénière, revirement jurisprudentiel, Arrêt Alcatel, etc, 1er décembre 1995, droits des obligations, droit civil, contrats cadre
Pour que le contrat soit valable, il faut que le contractant sache à quoi il s'engage. La détermination de l'objet est alors, selon J. Ghestin « une nécessité structurelle du contrat ». Cependant, une difficulté particulière se présente pour les contrats dont l'une des obligations a un objet monétaire, c'est-à-dire les contrats à titre onéreux. C'est en particulier le cas pour les contrats de distribution et de franchise où il est difficile de connaitre les règles applicables à la détermination et à la fixation du prix. C'est à ce problème que répond l'Assemblée plénière dans un arrêt de cassation du 1er décembre 1995.
Un homme s'était rendu le franchisé d'un autre, pour une durée de cinq années, par un contrat dit de franchise où il s'engageait alors à utiliser exclusivement les produits de son franchiseur. Le prix de ces derniers n'y était pas déterminé et il se référait directement au tarif en vigueur au jour de l'enregistrement de chaque commande.
Un contentieux s'est alors opéré entre les deux commerçants et l'une des parties assigna l'autre en justice. Après un premier jugement des juges de première instance, la Cour d'appel annula la convention au motif que le prix n'était pas déterminé au moment de la formation du contrat puisque son article 5 prévoyait un prix par rapport au tarif en vigueur au moment de chaque commande et que cela est illégal. Une des parties, se sentant lésée par la décision des juges, s'est pourvue en cassation.
Il s'agit donc ici de savoir si dans un contrat cadre le prix doit être nécessairement déterminé ou déterminable pour que la convention soit valide ?
La Cour de cassation, au visa des articles 1134 et 1135 du code civil, répond à cette question par la négative en cassant l'arrêt de la Cour d'appel. En effet, elle affirme que « la détermination des prix est à la discrétion des franchiseurs » et qu'ainsi, « la clause d'un contrat [...] faisant référence au tarif en vigueur au jour des commandes d'approvisionnement à intervenir n'affecte pas la validité du contrat ». Enfin, elle ajoute que seul l'abus dans la fixation du prix par le franchiseur peut donner lieu à une résiliation ou une indemnisation.
[...] De plus, il est important de noter que les juges du droit, par cet arrêt du 1er décembre 1995, renforce la sécurité contractuelle. Il n'est alors plus possible pour un contractant d'échapper à ses obligations juste parce qu'il ne veut plus les remplir. L'action en nullité sur le fondement que le prix n'a pas était déterminé ou déterminable au moment de la formation du contrat étant désormais refusé, les contrats cadres et de distribution sont mieux protégés. Ajouté à cela, par cette solution, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation met également fin à une pratique qui voulait associer les contrats de distribution et les contrats cadres à l'article 1591 du code civil relatif à la détermination du prix obligatoire pour les contrats de vente (arrêt du 27 avril 1971 de la première chambre civile). [...]
[...] Commentaire de l'arrêt de l'Assemblée plénière du 1er décembre 1995 (arrêts alcatel) Pour que le contrat soit valable, il faut que le contractant sache à quoi il s'engage. La détermination de l'objet est alors, selon J. Ghestin « une nécessité structurelle du contrat ». Cependant, une difficulté particulière se présente pour les contrats dont l'une des obligations a un objet monétaire, c'est-à-dire les contrats à titre onéreux. C'est en particulier le cas pour les contrats de distribution et de franchise où il est difficile de connaitre les règles applicables à la détermination et à la fixation du prix. [...]
[...] La Cour de cassation ne le précise pas et les caractères de la résiliation doivent donc être déduits par les juges eux même. Il en est de même pour l'indemnisation. Bien qu'il soit précisé que cette sanction a pour objectif de réparer l'abus, peut-on réellement savoir à quel montant le préjudice s'élève puisque les tarifs en vigueur sont bien souvent établis par les compagnies en situation d'oligopole ? Ce sont deux questions aux quelles la Cour régulatrice ne répond pas du fait de l'imprécision de ces propos. [...]
[...] Ainsi, le prix de vente devait simplement être déterminable pour que le contrat soit valable. Cependant, cette décision n'a pas été accueillie de manière unanime et le problème s'est vite posé de savoir si ce principe devait également s'appliquer aux contrats de distribution (contrats de fournitures dans lesquels un fournisseur et un distributeur s'engagent réciproquement en vue de la distribution de leurs produits) et aux contrats cadres (conventions ayant pour objet l'organisation de contrats d'application), les distributeurs trouvant cela injuste puisqu'il existe bien souvent une situation d'oligopole au niveau des fournisseurs (en particulier pour les brasseries et les compagnies pétrolières). [...]
[...] Ainsi, l'article 1129 du code civil devient inapplicable dans le cas de contrat de franchisage et la Cour de cassation refuse donc la détermination du prix comme condition de validité du contrat. En effet, sauf disposition particulière, le prix n'a pas à être déterminé dans un contrat, sauf pour la vente. La jurisprudence antérieure avait alors fait une mauvaise interprétation de l'article 1129 du code civil en y ajoutant des dispositions et des conditions qui n'existaient pas. La Cour de cassation rappelle alors qu'il faut faire une interprétation stricte de la loi et qu'en aucune manière le juge doit utiliser une interprétation par analogie. [...]
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