Droit civil des obligations : Formation et vices du consentement ; Rétractation ; Révocation de l'offre ; Article 1134 du Code civil ; Engagement unilatéral de volonté ; Délai d'acceptation de l'offre
Le droit des obligations est traditionnellement dominé par le concept de l'autonomie de la volonté. Ce concept est issu largement de la philisophie individualiste. Kant exprime ainsi l'idée que la volonté est capable de se donner sa loi et de définir sa propre morale. Cette théorie a été transposée dans le domaine juridique et justifie une lecture du contrat centrée sur la volonté des parties. Aujourd'hui, la promotion de cette liberté apparaît en déclin : elle est, en effet, source d'injustice dans des situations d'inégalités. Ainsi, on constate le développement d'un mouvement de protection de certaines catégories de contractants, en rupture avec la conception classique de l'autonomie de la volonté. L'arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, en date du 7 mai 2008, vient illustrer cette tendance en refusant de reconnaître la validité de la rétractation d'une offre avant l'expiration du délai d'acceptation.
En l'espèce, Mme X. a signé une proposition d'achat d'un immeuble appartenant aux consorts Y. avec remise d'un dépôt de garantie, et cela le 24 juin 2000. Il est stipulé que les vendeurs disposent d'un délai pour donner leur accord, délai qui court jusqu'au 27 juin. Le 26 juin, l'acheteur retire son offre d'achat et il reçoit, le 27 juin, un courrier l'informant de l'acceptation de l'offre par les vendeurs.
L'offrant assigne dès lors les vendeurs en restitution de la somme versée et en paiement de dommages-intérêts. L'arrêt rendu par la Cour d'appel de Pau, en date du 17 octobre 2005, donne raison à l'offrant. En effet, la Cour d'appel retient la validité de la rétractation de l'offre d'achat de l'acheteur car « celle-ci est intervenue antérieurement à l'émission par les consorts Y. de leur acceptation ». C'est en cet état que les vendeurs se pourvoient en cassation.
Une offre d'achat émise avec un délai d'acceptation peut-elle être librement rétractée dès lors qu'elle n'a pas encore été acceptée et ce, avant l'expiration du délai ?
La Cour de cassation vient nous dire que l'auteur d'une offre d'achat émise avec un délai d'acceptation ne peut la rétracter pendant que le délai court. En l'espèce, Mme X. s'était engagée à maintenir son offre d'achat jusqu'au 27 juin 2000 : « elle avait constaté que les époux Y. disposaient d'un délai jusqu'au 27 juin 2000 pour donner leur accord ». Sa rétractation n'est donc pas valable. La troisième chambre civile casse au visa de l'article 1134 du code civil et annule la décision des juges du fond considérant que « si une offre d'achat ou de vente peut en principe être rétractée tant qu'elle n'a pas été acceptée, il en est autrement au cas où celui de qui elle émane s'est engagé à ne pas la retirer avant une certaine époque ».
Si la Cour de cassation vient rejeter la validité de la rétractation de l'acheteur avant l'expiration du délai imparti aux vendeurs (I), elle laisse supposer la formation du contrat du fait du caractère contraignant de l'offre (II).
[...] Il existe des interrogations quant au fondement même de l'obligation du maintien de l'offre. Plusieurs explications proposées : l'analyse de l'offre comme un engagement unilatéral, l'existence d'un avant contrat tacite et donc obligatoire entre l'offrant et le bénéficiaire ou la présentation de la révocation comme une faute délictuelle sur le fondement de l'article 1382 du code civil. La Cour de cassation est arrivée à promouvoir un résultat précis, celui d'assurer la sécurité juridique du bénéficiaire de l'offre et de préserver l'existence véritable d'un délai de réflexion. [...]
[...] Le rejet de la validité de la rétractation. La Cour de cassation vient d'abord nous rappeler le principe de la libre révocation de l'offre avant d'annoncer la dérogation concernant l'offre assortie d'un délai A. Le rappel du principe de la libre révocation de l'offre. Une offre se définit comme la manifestation de volonté par laquelle une personne exprime son intention d'être liée si le destinataire de cette manifestation l'accepte. En l'espèce, l'acheteur manifeste sa volonté d'acquérir l'immeuble des époux Y . [...]
[...] La jurisprudence fait parfois peser sur le pollicitant une obligation de maintenir l'offre dans un délai « raisonnable » (Civ. 3ème mai 1992) laissé à l'appréciation des juges qui se réfèrent à des critères variés (Civ., 3ème mai 2005) qui ne sont fixés qu'a posteriori, une fois le litige né. En l'espèce, c'est l'acheteur qui a stipulé dans son offre, donc a priori, un délai de réflexion pour les bénéficiaires. Il s'agit dès lors d'une situation qui déroge à la règle de la libre rétractation de l'offre. [...]
[...] Commentaire de l'arrêt de la 3ème chambre civile du 5 mai 2008, Bull n°79, n° 07- 11.690 Le droit des obligations est traditionnellement dominé par le concept de l'autonomie de la volonté. Ce concept est issu largement de la philisophie individualiste. Kant exprime ainsi l'idée que la volonté est capable de se donner sa loi et de définir sa propre morale. Cette théorie a été transposée dans le domaine juridique et justifie une lecture du contrat centrée sur la volonté des parties. [...]
[...] En d'autres termes, lorsqu'une offre est émise, si elle est acceptée, le contrat est formé. En l'espèce, l'acceptation est réalisée en temps utile, elle pourrait donc être validée. Mais rien n'indique que les vendeurs, après avoir reçu la lettre de rétractation de l'acheteur, souhaitent encore lui vendre le bien. Ceux-ci pourraient préférer conserver le dépôt de garantie remis par l'offrant ainsi que vendre leur bien à un tiers. B. Une décision justifiée mais critiquable. La reconnaissance de l'acte unilatéral comme source autonome d'obligation, à l'égal du contrat, fait l'objet de vives controverses. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture