Commentaire d’arrêt du 3 mai 2006: le droit de rétention

Thèmes abordés

Droit de rétention, créancier, débiteur, obligation de délivrance, garantie, créance

Résumé du document

Le droit de rétention s'analyse comme une faculté offerte à un créancier détenteur d'un bien de refuser de restituer ce bien tant que le débiteur ne l'aura pas payé.
Pour certains auteurs ce droit serait une modalité affectant l'obligation de délivrance pesant sur le détenteur; pour d'autres on serait en présence d'une simple garantie.
La jurisprudence vient elle qualifier ce droit de rétention comme un droit réel, c'est notamment le cas dans l'arrêt de la cour de cassation, réunie en chambre commerciale le 3 mai 2006.

Extraits

[...] Ainsi, il a pu être jugé par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation le 7 novembre 2006 que le droit de retenir la marchandise jusqu'à complet paiement ne dispense aucunement le rétenteur de procéder aux diligences nécessaires à sa conservation Il y a alors atteinte si le juge constate le manque de diligence du rétenteur et le rôle exclusif de sa faute dans la survenance du dommage Une atteinte engageant la responsabilité du rétenteur et donc une réparation exigée par paiement de dommages-intérêts au débiteur ayant préalablement payé sa créance. Il revient donc, en conséquence, d'envisager le droit de rétention comme un droit favorable au rétenteur mais non dépourvu d'obligation. Le rétenteur a un droit, celui de détenir la chose jusqu'à complet paiement, mais également le devoir de conserver la chose en l'état. [...]

[...] Le propriétaire pourra cependant certainement obtenir un remboursement, en agissant en justice contre le débiteur de la créance, son client. Il convient par ailleurs d'envisager la contrepartie du rétenteur à savoir une obligation de conservation de la chose en l'état. Le débiteur qui paierait par la suite ne doit pas être lésé du fait de la dégradation ou disparition de la chose retenue. Il s'agit d'une obligation de résultat en général sauf dans les cas où la chose est périssable. [...]

[...] Le sort des frais accessoires était notamment l'objet du pourvoi en cassation. Ici, il s'agit du coté indivisible du droit de rétention qui est manifesté, en effet, ce caractère indivisible exprime la possibilité pour le détenteur de détenir la chose en cas de paiement partiel, et permet donc au détenteur de conserver la chose jusqu'à paiement intégral de tous les passifs du débiteur. La cour de cassation a alors cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel, qui avait décidé de rejeter la demande de paiement des frais de gardiennage dus à la société Kablé au motif que cette demande était formulée à tort à l'encontre de la société Beaunier et que seul M.X aurait pu être tenu de rembourser ces frais La cour de cassation vient donc casser au motif que la société Kablé était en droit, en exerçant son droit de rétention, d'exiger le paiement à la société Beaunier La rétention peut alors se révéler avoir un coût pour le rétenteur alors que celui-ci subit déjà le non remboursement de sa créance. [...]

[...] L'importance de cette réaffirmation de la qualification de droit réel, comme il est fait dans cet arrêt, se mesure dans les conséquences de le qualifier ainsi. Le droit de rétention est alors un droit réel mais pour autant le détenteur n'est ni le possesseur ni le propriétaire de la chose, et il ne dispose pas pour autant de toutes les prérogatives. Cependant, parce qu'il y une détention physique de la chose, nous devons l'analyser comme un droit réel. On parle plus précisément de garantie sui generis. [...]

[...] Il convient alors de se demander : à qui ce droit est-il opposable ? Ce droit est-il opposable au propriétaire du véhicule, tiers à la créance ? L'hégémonie de l'opposabilité de ce droit : une opposabilité erga omnes Par l'arrêt du 3 mai 2006, la cour de cassation vient dire que ce droit de rétention est opposable à tous il s'agit d'un droit absolu, c'est- à-dire d'une opposabilité à l'égard de tous les tiers même non tenus à la dette dès lors qu'une connexité est identifiable entre la créance et la chose, objet de la rétention. [...]