Commentaire arrêt 1ère chambre civile 30 octobre 2008 erreur sur la substance
En l'espèce, un couple fait l'acquisition, lors d'une vente aux enchères publique dirigée par un commissaire priseur assisté d'un expert, d'une table présentée dans le catalogue de vente comme un meuble de l'époque Louis XVI. Après la vente, le couple découvre que les mentions qui présentaient le meuble dans le catalogue n'étaient pas conformes à la réalité : la table n'a pas simplement été restaurée, elle a aussi été transformée au XIXème siècle. Les époux assignent donc le commissaire priseur et l'expert en responsabilité pour erreur sur la substance, et demandent l'annulation de la vente.
La cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 12 juin 2007, déboute le couple de sa demande, soutenant d'une part que le meuble bien que réparé au XIXème siècle, doit être considéré comme étant de l'époque Louis XVI, et que le catalogue de vente était bien conforme à la réalité, indiquant que le meuble était signé de Dufour, et qu'il avait subi des accidents et des restaurations ; et d'autre part que les époux invoquaient en vain le fait qu'ils n'auraient pas été tenus informés des transformations postérieures au XVIIIème siècle. Les époux se pourvoient alors en cassation.
La question à laquelle les juges vont devoir répondre est alors de savoir si l'insuffisance des mentions portées à un catalogue de vente publique concernant une oeuvre d'art suffit à provoquer une erreur sur la substance.
La cour de cassation, au visa de l'article 2 du décret n°81-255 du 3 mars 1981, et de l'article 1110 du Code civil, énonce que les mentions du catalogue n'étaient pas conformes à la réalité et avaient entraîné la conviction erronée et excusable des acquéreurs que le meuble n'avait subi aucune transformation, et que la cour d'appel de Paris avait ainsi violé les textes susvisés. La cour de cassation casse et annule alors l'arrêt rendu par la cour d'appel.
Cette solution soulève certains enjeux tels que l'appréciation de l'erreur due à une insuffisance d'un catalogue et les conséquences de cette erreur sur la vente. Pour mieux comprendre le raisonnement de la cour de cassation, nous verrons que l'inexactitude du catalogue de vente est constitutive d'une erreur substantielle (1) qui aura pour sanction la nullité du contrat, en tant que vice du consentement (2).
[...] Cette disposition ne vaut cependant que dans le domaine des œuvres d'art. Alors, l'inexactitude du catalogue suffit à prouver qu'il y a une erreur sur la substance. Il est alors utile de s'intéresser à la sanction de cette erreur : La sanction de l'erreur substantielle, en tant que vice du consentement. L'erreur substantielle est un vice du consentement qui entraîne alors la nullité du contrat de vente A : l'erreur sur la substance, un vice du consentement L'erreur sur la substance est une erreur qui a trait aux qualités substantielles en considération desquelles les parties ont contracté. [...]
[...] La cour d'appel a procédé à une appréciation in abstracto : elle n'a pas pris en compte les intérêts du couple mais les intérêts de l'opinion générale. Or, dans l'opinion générale, l'authenticité du meuble dans cette affaire n'est pas un élément déterminant. La cour d'appel ne fait pas la distinction entre transformation et rénovation, et c'est pour cela quelle ne considère pas l'insuffisance du catalogue comme une erreur sur la substance. A l'opposé, la cour de cassation procède à une appréciation in concreto : elle prend en compte les intérêts du couple « féru de ventes d'objets d'art ». [...]
[...] S'ils l'avaient su, les époux n'auraient pas contracté, ou du moins, pas à ces conditions : ils n'auraient pas payé ce prix là. Au moment de la formation du contrat, le consentement doit être éclairé. Or, en l'espèce, il y a une conviction erronée. Il y a donc un vice du consentement. En effet, les époux, du fait de l'insuffisance du catalogue, n'ont pas pu être informés des transformations postérieures au XVIIIème siècle. L'inexactitude du catalogue a donc entraîné un vice du consentement, qui engendre alors une sanction. B : une conséquence : la nullité du contrat. [...]
[...] L'erreur sur la substance fait partie des erreurs causes de nullité. Rappellons que les erreurs causes de nullité sont l'erreur sur la substance et l'erreur intuitu personae. L'article 1110 du Code civil dispose que « l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet ». Nous sommes dans le cas d'une erreur sur la substance due à l'insuffisance du catalogue de vente, et les époux peuvent donc invoquer la nullité du contrat, c'est-à-dire l'annulation de la vente avec restitution. [...]
[...] B : Une exception à la règle : l'absence de nécessité de preuve. Normalement, en cas de vice du consentement, et plus particulièrement en cas d'erreur concernant l'objet du contrat, il incombe au demandeur d'apporter la preuve de cette erreur. Or, dans l'affaire que traite l'arrêt du 30 octobre 2008, on remarque que les époux n'ont pas besoin de rapporter la preuve que l'authenticité était le caractère déterminant à leur consentement, et que la cour de cassation considère néanmoins qu'il y a une erreur sur la substance. [...]
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