Commentaire entièrement rédigé de l'arrêt du 10 Mars 1998 sur la question de la détermination du prix dans la vente.
[...] Ainsi a-t-elle clairement affirmé cette solution dans un arrêt de la première chambre civile du 16 Mai 1984. Dans cet arrêt du 10 Mars 1998, la chambre commerciale admet néanmoins la désignation par les juges du fond d'un expert chargé de fixer le prix en application des critères objectifs fixés par les parties, à savoir en l'espèce le résultat et la valeur réelle de l'entreprise. Cette solution peut paraître surprenante, car la Cour de cassation prend ici une position qui semble totalement contraire au principe qu'elle avait posé dans sa jurisprudence antérieure, selon lequel le juge ne peut prendre l'initiative d'une telle désignation qui aboutirait à se substituer aux parties dans la détermination du prix de vente. [...]
[...] Cette désignation de l'expert par le juge apparaît par conséquent difficile à justifier. Néanmoins, en l'espèce, la Cour de cassation a pris soin de soumettre l'intervention de l'expert à la fixation de critères objectifs par les parties. On peut alors se demander s'il ne s'agit pas là pour la Cour de cassation de montrer que les parties doivent conserver une certaine maîtrise de la fixation du prix. Pour terminer, il paraît intéressant de préciser que dans un autre arrêt du même jour, la Cour de cassation est allée encore plus loin, en admettant même la désignation d'un expert pour fixer un prix indéterminable. [...]
[...] Par ailleurs, ils estiment que la Cour d'appel ne pouvait recourir à une expertise pour la détermination du prix car celle-ci n'avait pas été prévue dans le contrat. Deux questions de droit se posent dans cet arrêt : la première est de savoir si le prix d'une cession de droits sociaux fixé dans une clause d'earn out en fonction de critères relevant de l'activité de l'entreprise est déterminable au sens de l'article 1591 du code civil. La deuxième question posée est de savoir si le juge peut recourir à un expert pour la fixation du prix d'après les critères posés par les parties, sans se substituer ainsi aux parties. [...]
[...] Encore une fois, il ne s'agit pas de l'expert prévu par l'article 1843-4 du code civil car on n'est pas dans le cadre d'une cession forcée. En réalité, l'expert ainsi désigné va avoir non pas pour mission de déterminer arbitrairement le prix de la cession, mais de permettre l'ouverture d'une discussion entre les parties sur la valeur des droits sociaux. Dans cet arrêt du 10 Mars 1998, la Cour de cassation admet donc largement le recours à un expert pour déterminer le prix de la cession, solution qui peut paraître surprenante, mais qui semble en réalité s'expliquer par la volonté de la Cour de préserver la liberté des cessions de droits sociaux. [...]
[...] La justification de la solution adoptée par la Cour de cassation est donc aussi et en grande partie économique. En effet, si la Cour de cassation invalidait les clauses de variation de prix, cela conduirait à un résultat très nuisible au commerce de droits sociaux car la plupart du temps le recours à ce type de clauses est indispensable aux parties qui ne peuvent connaître par avance la valeur des droits sociaux, qui varie sans cesse et à court terme. [...]
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