Manoukian, pourparlers, mauvaise foi, préjudice, perte de chance
La liberté contractuelle est un principe implicite posé par l'article 1134 du Code Civil. Ce principe permet notamment de rétracter librement un contrat, à condition d'un consentement mutuel. Mais, ce principe s'applique-t-il lorsque qu'il n'y a que des pourparlers, des négociations ? Un arrêt évoque ce cas, il s'agit d'un arrêt de la Chambre Commerciale de la Cour de cassation du 26 novembre 2006.
Une société a engagé des négociations en vue de la cession des actions composant le capital de la société. Des pourparlers au printemps 1997 ont conduit à un projet d'accord le 24 septembre 1997. Ce projet prévoit plusieurs conditions suspensives devant être réalisées avant le 10 octobre 1997. Le délai ayant été reculé, la société a accepté le 16 octobre les demandes de modification, et propose encore de reporter la date limite au 15 novembre pour l'acceptation des conditions. Les consorts ne formulant aucune observation, le projet de cession leur est donc adressé le 13 novembre. Mais, le 10 novembre, les consorts ont accepté la cession à une autre société. La société en pourparler demande des dommages et intérêts en réparation du préjudice subit pour rupture fautive des pourparlers.
Un jugement est rendu par le tribunal de première instance compétent. Une des parties interjette appel. La Cour d'appel de Paris, le 29 octobre 1999 rend un arrêt défavorable aux consorts et les condamne à payer 400 000 francs de dommage et intérêts. Les consorts se pourvoient en cassation. Leur pourvoi est basé sur un moyen formulé en deux branches.
Tout d'abord, que la liberté contractuelle implique celle de rompre les pourparlers, cette liberté est limitée toutefois par l'abus du droit de rompre qui est une faute. Et d'autre part, que celui qui prend l'initiative de pourparlers en établissant une proposition d'achat soumise à des délais suspensifs de réalisation, peut imputer la faute de la rupture à son partenaire des pourparlers.
La Cour de cassation s'interroge donc sur le problème de droit suivant : il y a-t-il une liberté totale dans la rupture des pourparlers, qui sont issues de la liberté contractuelle ?
La Cour de cassation a estimé que les parties sont parvenues à un projet d'accord, la société était en droit de penser que les consorts étaient disposés à lui céder leurs actions. Ils n'ont informés que 14 jours après la dite société qu'ils avaient déjà signé un accord. La cour d'appel a retenu justement que les consorts ont rompu les pourparlers de mauvaise foi. Elle a donc légalement justifié sa décision. L'autre branche du moyen n'est pas recevable, la rupture des pourparlers après la date n'est pas un motif. Le pourvoi est donc rejeté pour les consorts
Dans le même temps, la société se pourvoit également en cassation, estimant que la cour d'appel n'aurait pas du se limiter à une réparation de 400 000 francs.
La cour d'appel a estimé que les consorts avaient engagé leur responsabilité délictuelle envers la société en rompant unilatéralement, brutalement et avec mauvaise foi les pourparlers. Elle estime que le préjudice subit résulte du seul fait de l'absence d'accord ferme, et donc que la réparation ne concerne que les frais occasionnés. La société fait également grief à l'arrêt de ne pas avoir condamné la société ayant contractée, alors qu'elle a profité des manoeuvres déloyales commises par les consorts.
La Cour de cassation s'est penchée sur les problèmes suivants avec ce pourvoi : la réparation du préjudice doit elle prendre en compte la perte de chance ? La société contractante a-t-elle profitée des manoeuvres des consorts ?
Sur le premier moyen, la Cour de cassation valide la décision de la cour d'appel en estimant que la rupture unilatérale des pourparlers ne sont pas la cause du préjudice consistant dans la perte d'une chance de réaliser les gains que permettait d'espérer la conclusion du contrat.
Sur le second moyen, la Cour de cassation dégage le principe que le simple fait de contracter, même en connaissance de cause, avec une personne ayant engagé des pourparlers avec un tiers ne constitue pas en lui-même une faute de nature à engager la responsabilité de son auteur. La clause relevée dans la promesse de cession ne suffit pas à établir que la société contractante a utilisé des procédés déloyaux pour obtenir la cession des actions, et que la société contractante n'a pas eu connaissance exacte de l'avancement des pourparlers de l'autre société. Elle confirme donc la décision de la cour d'appel : la société contractante n'avait pas engagé sa responsabilité à l'égard de la société en pourparler.
Cet arrêt semble être un arrêt de principe de part sa clarté. On peut donc diriger ce commentaire en suivant l'axe suivant : quel régime la Cour de cassation définit-il à la rupture des pourparlers ?
Tout d'abord, la Cour de cassation dans cet arrêt définit la ce qu'est la faute de la rupture des pourparlers (I) en restant tout de même assez floue. Elle s'attache ensuite à la réparation du préjudice causé par cette rupture fautive (II).
[...] Certes, un régime différent aurait pu démarquer d'autant plus l'intention de contracter entre une offre et des pourparlers, mais qu'aurait-il fallu appliquer ? Ne pas sanctionner la rupture fautive de pourparler, pour démontrer sa force moindre par rapport à une offre, revenait à autoriser la rupture totalement libre. La Cour de cassation ne pouvait pas non plus dégager un régime plus sévère pour la rupture des pourparlers, sinon ceux-ci seraient abandonnés par tous. La sanction semble donc, à défaut d'être la plus logique, la plus appropriée à la situation. [...]
[...] Commentaire d'arrêt : Arrêt Manoukian, Chambre Commerciale novembre 2006. La liberté contractuelle est un principe implicite posé par l'article 1134 du Code Civil. Ce principe permet notamment de rétracter librement un contrat, à condition d'un consentement mutuel. Mais, ce principe s'applique- t-il lorsque qu'il n'y a que des pourparlers, des négociations ? Un arrêt évoque ce cas, il s'agit d'un arrêt de la Chambre Commerciale de la Cour de cassation du 26 novembre 2006. Une société a engagé des négociations en vue de la cession des actions composant le capital de la société. [...]
[...] Mais, le 10 novembre, les consorts ont accepté la cession à une autre société. La société en pourparler demande des dommages et intérêts en réparation du préjudice subit pour rupture fautive des pourparlers. Un jugement est rendu par le tribunal de première instance compétent. Une des parties interjette appel. La Cour d'appel de Paris, le 29 octobre 1999 rend un arrêt défavorable aux consorts et les condamne à payer francs de dommage et intérêts. Les consorts se pourvoient en cassation. [...]
[...] Le pourvoi est donc rejeté pour les consorts Dans le même temps, la société se pourvoit également en cassation, estimant que la cour d'appel n'aurait pas du se limiter à une réparation de francs. La cour d'appel a estimé que les consorts avaient engagé leur responsabilité délictuelle envers la société en rompant unilatéralement, brutalement et avec mauvaise foi les pourparlers. Elle estime que le préjudice subit résulte du seul fait de l'absence d'accord ferme, et donc que la réparation ne concerne que les frais occasionnés. [...]
[...] Cette décision semble juste, car il semble tout à fait hasardeux d'estimer la perte d'un contrat qui n'est pas formé, l'exploitation des fonds n'ayant pas été faite. Cela se fait dans un virtuel que le droit ne peut envisager et cautionner. De plus, si la perte d'une chance d'obtenir ces gains devait être indemnisé, cela reviendrait à dire, schématiquement, que les pourparlers valent comme contrat ferme. Les pourparlers ne sont que des négociations en vu d'un contrat ferme, la négociation ne peut donc pas valoir contrat. [...]
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